Programmes 2008 du primaire

Discours du Président de la République du 15 février et du ministre de l’Education Nationale les 20 février et 29 avril 2008

Préambule du programme

Nos commentaires :

Priorité donnée à l’enseignement primaire

Nous apprécions la priorité donnée à l’enseignement primaire, dans l’ordre chronologique des réformes d’une part, ainsi que dans l’affirmation de son caractère primordial.

« La vérité, nous la connaissons aujourd’hui : pour les élèves qui sont à la peine, le collège n’est souvent que le révélateur de difficultés plus anciennes, de lacunes qui datent des premières années de l’école élémentaire et notamment du Cours Préparatoire.

De récentes enquêtes et autres rapports l’ont malheureusement démontré ; contrairement à une opinion longtemps admise et encore répandue, notre école primaire ne se porte pas bien. Chaque année, ce sont plus de 15 % des élèves qui en sortent en grande difficulté : soit plus de 100.000 élèves par an ! Et ce sont les mêmes, exactement les mêmes enfants, que l’on retrouvera à l’issue de la scolarité obligatoire, dans la même situation – le mot n’est pas trop fort – de détresse scol    aire. Car ce qui n’a pas été acquis à l’école primaire ne pourra plus l’être par la suite. Ces élèves qui ont échoué en primaire sont condamnés à subir, jusqu’à l’âge de 16 ans, une scolarité obligatoire qui ne peut plus rien leur apporter : parce qu’ils ne disposent pas des bases minimales pour la suivre. Se figure-t-on la souffrance ainsi accumulée pendant des années, à assister à des cours qu’on n’a pas les moyens de comprendre ? S’imagine-t-on l’ampleur de la frustration ainsi suscitée, la souffrance induite par cette mise en scène quotidienne et publique de l’échec de certains jeunes.

A ce noir tableau, si l’on ose dire, il faut ajoute les 25 autres pourcents d’élèves qui sortent de nos écoles primaires avec des « acquis fragiles » : entendons par là qu’ils n’ont pas encore les capacités de lecture et de calcul leur permettant d’accéder à l’autonomie. On atteint alors 40 % d’une classe d’âge dont le niveau est insuffisant à l’entrée en 6ème ».
                    (Nicolas SARKOZY)

« L’école primaire n’est pas une simple étape de la scolarité : c’est la clé du succès de toutes les autres » (Préambule)

Nous sommes heureux de voir ainsi apparaître dans des textes officiels les idées que, avec d’autres, nous défendons depuis des années, et qui ne sont audibles dans le débat public que depuis 2007.

Par contre nous désapprouvons l’expression « Avec l’unification et l’allongement des parcours scolaires, la spécificité de l’école primaire s’est estompée » (Préambule)

Cette formulation peut laisser supposer l’extension du primaire jusqu’à 16 ans et les mêmes études pour tous.

Or, à l’issue du primaire, même entièrement refondé, il y aura toujours de très grands écarts entre les élèves, dans leurs savoirs, leurs aptitudes, leurs motivations du moment. Même si l’on atteint l’idéal consistant à effacer à la fin du primaire les écarts culturels initiaux, c’est l’enseignement lui-même qui creusera les écarts entre ceux qui en auront pleinement profité, et les autres ; il devrait aussi révéler la diversité des aptitudes dans les disciplines non académiques et dans les activités parascolaires

On ne pourra répondre à cette diversité de la population scolaire qu’en diversifiant fortement les offres du collège.

Ainsi l’école primaire doit continuer à « donner à chaque enfant les clés du savoir et les repères de la société dans laquelle il grandit ». Ce qui était possible comme « exigence de la République » le reste aujourd’hui car rien n’indique que les possibilités des enfants de maintenant soient inférieures à celles de leurs aînés. La spécificité de l’école primaire demeurera d’être la seule école commune à tous, à condition qu’en tout lieu les moyens mis en œuvre soient proportionnés aux besoins.

L’impératif de la transmission du savoir

Nous approuvons, bien entendu, l’affirmation officielle de l’impératif de transmission du savoir.

« … une école qui leur permette d’acquérir effectivement – j’allais dire efficacement – les savoirs dont ils ont besoin pour devenir pleinement autonomes »  (Nicolas SARKOZY)

« Il n’y a pas de République sans un minimum de savoir partagé » (Nicolas SARKOZY)
« Nous voulons que l’enfant apprenne » (Nicolas SARKOZY)
« L’école primaire doit plus que jamais transmettre des savoirs cohérents » (Xavier  DARCOS)

Nous désapprouvons l’emploi répété du mot « compétences » qui est dangereusement ambigu, de par l’usage qui en a été fait à l’Education Nationale. Par une sorte d’automatisme, on le trouve associé au mot « connaissances », peut-être à cause de la formulation critiquable du socle commun dans la loi Fillon. Grâce à l’enseignement qu’il recevra, l’élève saura certaines choses (comme les tables de multiplication) et saura en faire d’autres (comme le calcul mental). L’expression « transmission du savoir » recouvre manifestement les savoirs et les savoir faire : le terme « connaissances » suffit.

Nous avons aussi relevé dans le discours de Xavier  DARCOS :
« Pendant des années, on n’a cessé de vouloir augmenter le nombre des connaissances, des compétences, et des informations que l’enfant devrait recevoir à l’école« .
Cette phrase a le mérite de différencier l’information et le savoir ; l’école ne doit pas être un distributeur « d’actualités ».

Les programmes

• A propos des programmes, nous avons noté dans le discours du Président  « … l’essentiel, à savoir : que voulons-nous enseigner à nos enfants ?« . En effet, pour nous, le programme c’est ce que le professeur doit enseigner.

« Les programmes scolaires, sont un sujet politique et non technocratique » (Nicolas SARKOZY)
« Les programmes sont l’affaire de la nation tout entière et cette responsabilité incombe d’abord au politique. » (Xavier DARCOS)
C’est vrai dans le choix et la définition des savoirs qui doivent être enseignés à l’école primaire. Ce n’est pas vrai dans la mesure où le programme traduit le choix de la progression la plus efficace dans l’acquisition des savoirs, par une démarche purement pédagogique.
Nous reviendrons en annexe sur la distinction que nous faisons entre « programmes » et « objectifs » de l’enseignement.

Constructivisme

• Les trois textes condamnent le constructivisme et affirment la nécessité d’un enseignement « structuré et explicite offrant des entraînements systématiques » (Préambule)  (progressif, allant du simple au complexe, et répétitif).

« Ce qui doit être au centre de la classe, ce n’est pas l’élève qui a tout à apprendre et ne peut pas être le producteur des connaissances qu’il doit acquérir… c’est le savoir qui doit être au centre de la classe, donc le professeur…  » (Nicolas SARKOZY)

En revanche, nous désapprouvons les expressions excessives qui évoquent très malheureusement l’enfant construisant son savoir : « Réfléchir sur des textes et documents, interpréter, construire une argumentation… questionner, rechercher… communiquer dans un cercle élargi » (Préambule). « Approche expérimentale et démarche d’investigation… » (Xavier DARCOS).
De telles expressions seraient déjà très ambitieuses s’agissant du secondaire. L’enseignement primaire doit donner aux élèves les connaissances nécessaires pour apprendre à observer utilement (et non mener des recherches personnelles), comme à exposer des idées par écrit ou oralement, et non « communiquer », vocable passe-partout.

Evaluations

• Les évaluations sont mentionnées à plusieurs reprises. Nous regrettons l’emploi de ce terme, source de confusion du fait des usages abusifs qui en ont été faits par l’Education Nationale. Nous savons que dans l’immédiat, il serait difficile de remplacer ce terme par un autre. Le mot « examen » mettrait en transes les trois quarts de nos concitoyens. Les mots « tests » ou « contrôle » (discontinu !) seraient mal compris.

Quoi qu’il en soit, tant qu’on ne connaîtra pas la teneur et les modalités de ces futures évaluations, il sera impossible d’en débattre.

Bornons-nous à enregistrer les bonnes intentions :
« …un véritable système d’évaluation permettant d’identifier rapidement les difficultés et de promouvoir les solutions qui marchent » (Nicolas SARKOZY)
« …que l’Education Nationale se dote d’outils de mesure fiables et transparents du niveau des élèves« (Xavier  DARCOS). Nous comprenons : du niveau réel des élèves

Liberté pédagogique

• Liberté pédagogique. Elle est réaffirmée dans les textes. Depuis la constitution du nouveau ministère, la doctrine est à la reconnaissance d’une liberté pédagogique sans limite, en ce sens que la direction de l’Education Nationale ne donnerait ni consignes ni conseils pédagogiques. En revanche, les enseignants seraient jugés sur les résultats, étant entendu que de mauvaises pratiques produisant de mauvais résultats seraient par là rapidement exclues.

On sait ce qu’il en est actuellement :
–    la liberté pédagogique n’est pas respectée partout et pour tous
–    les évaluations sérieuses du niveau réel des élèves n’existent toujours pas
–    lorsqu’elles fonctionneront en CE1 et CM2, elles mettront d’abord en lumière les dégâts causés en amont à des centaines de milliers d’élèves par des programmes inconsistants et des pédagogies nocives.

Dans ces conditions, la liberté pédagogique sans limite pérennise un état de fait préjudiciable à un grand nombre d’élèves.

Horaires

• Le ministère a confirmé la diminution de l’horaire hebdomadaire, de 26 à 24 heures, mesure diversement appréciée.

Ce qui semble évident, c’est que l’optimum en la matière dépend d’abord de ce que l’on fait à l’école. Il est certain que les pratiques actuelles occasionnent des pertes de temps considérables. Inversement, le retour à des programmes beaucoup plus ambitieux dans les fondamentaux, retour que nous souhaitons, peut exiger plus de temps d’enseignement que les programmes « croupions » en vigueur jusqu’ici.

60 heures par an seront consacrées à « l’aide directe aux élèves en difficulté » (Xavier  DARCOS)

Enfin !

Après des décennies de langue de bois et de désinformation, il est remarquable qu’un Président de la République et un ministre de l’Education Nationale exposent la véritable situation de notre enseignement primaire, et prennent nettement parti pour la rupture et le retour à l’impératif de transmission du savoir. C’est un fait politique majeur, le premier pas dans la bonne direction : celle de la refondation de l’école.

Il reste à voir dans quelle mesure les nouveaux programmes se conforment à ces principes.

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