Programmes 2008 du primaire – Français

Des considérations générales sont présentées dans l’introduction du chapitre « Français » des exposés CP – CE1 (p.17) et CE2 – CM1 – CM2 (p.21-22)

Nous sommes en accord avec ces exposés, et particulièrement :

– avec la prescription d’un travail sur le code alphabétique dès le début du CP , à défaut d’avoir entamé ce travail en grande section de maternelle
 – avec l’automatisation de la reconnaissance des mots (qui n’est pas la lecture globale mais l’automatisation du déchiffrage et l’accès au lexique verbal), la lecture silencieuse, la lecture à haute voix fluide et expressive en CE2
 – avec le fait que les apprentissages de la lecture et de l’écriture doivent être menés de pair
 – avec la pratique quotidienne de l’écriture manuscrite
 – avec l’exigence d’activités spécifiques pour l’étude de la langue (vocabulaire, grammaire, orthographe)
 – avec l’importance attachée à la récitation et diction, à la dictée, à la rédaction, à l’initiation littéraire.

Nous désapprouvons : la référence à la littérature de jeunesse d’aujourd’hui, de qualité très inégale, alors que la littérature classique offre un  large choix d’œuvres et de textes appropriés à l’âge des élèves. A moins qu’une sélection soit faite en privilégiant non pas les thèmes abordés (qui ont souvent une connotation politique ou d’ingérence éducative) mais la qualité littéraire et la distanciation par rapport aux thèmes de société que les enfants auront bien le temps de découvrir au collège.

Langage oral

Ce domaine figure à juste titre dans les programmes de toutes les années de CP à CM2.
Les rédacteurs n’ont pas jugé utile de préciser que les progrès sont étroitement dépendants des progrès en lecture, écriture, grammaire, littérature, rédaction et réciproquement.
Synoptiques
De façon explicite en CE2 – CM2, les synoptiques sont construits sur

 – Raconter, décrire, exposer
 – Echanger, débattre
 – Réciter

Nous approuvons ce qui est dit de la récitation.
Sur les exposés, et compte tenu des ravages causés par le spontanéisme, il aurait été utile de distinguer d’une part l’expression courante, pour laquelle, de la petite section de maternelle au CM2, le maître doit veiller à reprendre l’élève et à lui faire redire sous une forme correcte, d’autre part l’exposé préparé et réfléchi, de plus en plus long d’année en année.
Quant à échanger et débattre, mentionnés dès le CP, notre position est claire :
          – Nous approuvons les termes d’écouter et de questionner pour comprendre
          – Nous désapprouvons la place faite au débat, en raison notamment des pratiques répandues selon lesquelles l’important pour l’élève est de prendre la parole quitte à dire n’importe quoi. Cette pratique, pour nous négative, tend à considérer l’enfant comme un petit adulte, ce qu’il n’est pas. Voir par exemple page 21 l’expression (il apprend) « à adapter ses propos en fonction de ses interlocuteurs et de ses objectifs », expression digne de figurer au programme d’une classe de rhétorique.

Lecture – écriture

CP

Nous désapprouvons la confusion entre les pratiques du départ global et de la méthode alphabétique. C’est entre autres le cas des  « mots-outils », (p.31). On demande aux élèves d’apprendre ces mots par cœur car on  veut placer ces mots dans des phrases que l’on fait lire. C’est inutile, car, au cours du CP, les élèves ont largement le temps d’apprendre les associations graphèmes phonèmes présentes dans la plupart de ces mots (et bien d’autres) ainsi que l’existence des lettres muettes. Les élèves prendront l’habitude de les déchiffrer aisément à force de les rencontrer dans les textes : un apprentissage hors contexte n’a pas d’utilité pour ces mots et peut même appauvrir leur vraie nature dans l’esprit des élèves, avec notamment cette regrettable terminologie de « mot-outils ».

Nous regrettons l’absence d’une exigence essentielle : ne jamais faire travailler l’élève sur un mot écrit qu’il ne peut pas déchiffrer avec ce qu’on lui a appris.
« Déchiffrer les mots réguliers inconnus » est, dans la méthode alphabétique, le résultat de la première phase de déchiffrage.
« Lire à haute voix » est impératif
« Lire à haute voix un texte court dont les mots ont été étudiés » est ambigu – ce qui doit être étudié, ce sont les associations graphèmes-phonèmes. Les mots comprenant des associations connues peuvent être déchiffrés puis lus de façon fluide, et la connaissance de leur sens permet ensuite une lecture expressive.
La lecture au CP, élément fondamental du cursus scolaire, est donc traitée de façon très décevante.

CE1 – CM2

Les synoptiques énumèrent des exercices de difficultés progressives, qui n’appellent pas de remarque particulière.
Par contre, nous désapprouvons :
      – l’emphase « adopter une stratégie pour parvenir à comprendre « (un texte) ; le maître qui propose un texte connaît les difficultés que vont rencontrer ses élèves, il leur apprend à les surmonter
      – « Participer à un débat sur un texte en confrontant son interprétation à d’autres »
      – « Se repérer dans une bibliothèque (pour choisir un livre), dans une médiathèque » « effectuer des recherches, avec l’aide de l’adulte, dans des ouvrages documentaires (livres ou produits multimédia) ».
La médiathèque est de trop : l’école primaire a de nos jours une charge écrasante : apprendre à lire, familiariser les enfants avec les livres, leur donner le goût de  lire, malgré la concurrence omniprésente de l’audiovisuel.
Il serait suffisant d’apprendre aux élèves à consulter une table des matières, un index ; les livres d’histoire et de géographie, les encyclopédies pour les jeunes, s’y prêtent bien.

Ecriture

CP – CE1

« Choisir et écrire de manière autonome des mots simples en respectant les correspondances entre lettres et sons » est peu compréhensible. Il aurait mieux valu dire « Ecrire sous la dictée des mots réguliers en respectant les correspondances graphèmes-phonèmes apprises ».
Nous désapprouvons formellement la mention (p.17) « Ils sont amenés à utiliser l’ordinateur : écriture au clavier, utilisation d’un dictionnaire électronique ». Cette concession au modernisme est stupéfiante, s’agissant d’élèves qui ne maîtrisent pas encore complètement l’écriture manuscrite. C’est en outre une perte de temps.

CE2-CM1-CM2

On pourrait trouver curieuse l’absence de mention, dans les synoptiques, de la dictée (il n’est question que de copie). Mais la dictée figure au chapitre de l’orthographe.

Littérature CE2 – CM1 – CM2

Nous approuvons l’exigence de lecture d’ouvrages et de comptes-rendus oraux. (p.35)
Nous souhaitons que le niveau de difficulté et la qualité des ouvrages soient précisés par des listes ou par des exemples.

Vocabulaire

Les synoptiques CE2 – CM1 – CM2  présentent des progressions annuelles dans les domaines de :

 – l’acquisition du vocabulaire
 – la maîtrise du sens des mots
 – les familles de mots
 – l’utilisation du dictionnaire

Les exposés (p.17 et 21-22) comportent des précisions bienvenues, malheureusement rendues moins impératives par la tournure constructiviste adoptée par les rédacteurs.
Inévitablement, grâce au vocabulaire qu’il acquiert, l’élève « se repère dans le monde qui l’entoure » (comme dans une multitude d’autres choses). Il « acquiert quotidiennement des mots nouveaux » sans doute par son adresse à construire son savoir. Nous aurions préféré lire que le maître enseignait chaque jour des mots nouveaux.
Nous approuvons les mentions plus explicites (p.22) :
      « L’emploi du vocabulaire fait l’objet de l’attention du maître dans toutes les activités scolaires »
      « Cette étude repose, d’une part sur les relations de sens (…), d’autre part sur les relations qui concernent à la fois la forme et le sens (famille de mots) … »
Nous désapprouvons :
       – l’usage du dictionnaire numérique, simple « gadget »

Orthographe

CP – CE1

Nous approuvons en CE1 la mention de dictées (sans erreur) exploitant les connaissances acquises en vocabulaire, orthographe et grammaire (accord, conjugaison)
Nous regrettons la formule « en respectant les correspondances entre lettres et sons » alors qu’il s’agit, sauf le cas des voyelles, de groupes de lettres ou graphèmes, et qu’en réalité il s’agit d’écrire sans erreur les mots réguliers (composés de graphèmes dont la correspondance avec les sons de la langue a été apprise).

CE2 – CM1 – CM2 

(l’orthographe a été incluse dans notre commentaire sur la grammaire).
Synoptiques : les progressions présentées par les synoptiques sont surprenantes ; c’est en CM2 qu’apparaît la coupe syllabique à la ligne.
Les particularités orthographiques des mots courants mais non strictement réguliers (par exemple se terminant par une lettre muette) doivent être mémorisées en CE2, mais certains cas ne sont mentionnés qu’en CM1 ou CM2, ce qui peut paraître tardif par rapport à l’objectif énoncé page 22,  que nous approuvons :
     « automatisation des graphies correctes… par la pratique régulière de la copie, de la dictée sous toutes ses formes et de la rédaction ainsi que des exercices diversifiés … »

Grammaire

Dans le cadre de l’enseignement primaire, qui exclut les subtilités réservées aux spécialistes et les particularités rares, la grammaire apparaît comme une discipline rigoureuse, fondée sur des nomenclatures, des définitions, des règles. S’agissant de transmission du savoir, on s’attend à ce que les programmes énumèrent de façon succincte, pour chaque année, les nouvelles notions à enseigner, étant entendu qu’une notion peut être approchée une année puis approfondie les années suivantes. De même, le programme devrait préciser les connaissances qui doivent être mémorisées  (« par cœur ») et celles que l’élève doit savoir retrouver à bon escient dans un manuel.
Sans qu’il soit nécessaire d’y revenir dans chaque programme annuel, il devrait être précisé d’une façon générale que les connaissances en grammaire doivent être effectivement appliquées par les élèves d’une part à l’analyse de textes littéraires à leur portée, d’autre part à la dictée et à la rédaction.

Les textes officiels qui nous sont présentés suivent une démarche différente. Ils sont à la fois imprécis et redondants.
Les exposés relatifs aux périodes CP-CE1 et CE2-CM1-CM2 font double emploi avec les tableaux synoptiques par année ; les synoptiques comportent de nombreuses répétitions d’une année à l’autre. La présentation des « paliers » du « socle commun » est sans intérêt pratique.
Enfin, comme dans les autres disciplines, la forme adoptée par les rédacteurs est (volontairement ?) ambigüe ; elle se réfère souvent à ce que l’élève est censé faire, au lieu de s’en tenir à ce que le maître doit enseigner. On ne sait pas si cela résulte de la confusion courante entre ce que le maître doit enseigner (programme) et ce que les enfants doivent apprendre (objectifs) ou d’une confusion voulue avec la rédaction des « programmes » de l’époque constructiviste.
Les nouveaux programmes imposeront aux parents qui veulent s’informer des efforts qui auraient pu être évités par une rédaction plus directe et deux fois plus courte. Ils offrent aux enseignants et aux auteurs de manuels une excessive latitude d’interprétation.

Ces restrictions ne doivent cependant pas occulter les aspects positifs que nous jugeons prépondérants:
      – les nouveaux programmes de grammaire sont explicitement construits sur des connaissances structurées, et progressant d’année en année
      – ces programmes permettront aux nombreux instituteurs qui veulent se consacrer à la transmission du savoir de travailler selon leurs convictions.

Les parents devront apporter tout leur soutien à ces instituteurs, et rester vigilants à l’égard des dérives possibles par ailleurs. Pour cela ils doivent être informés. Nous leur  soumettons ici des pistes de réflexion, sans entrer dans un détail qui excèderait largement notre compétence.

Les tableaux synoptiques par année scolaire

(CP+CE1  et CE2+CM1+CM2)
Ils sont construits selon des plans voisins :

 – la phrase
 – les classes de mots
 – les fonctions
 – le verbe
 – les accords
rubriques auxquelles on peut ajouter
 – l’orthographe grammaticale

L’expression « les classes de mots » correspond largement à la nature des mots (nom, articles, verbes, etc…) mais couvre aussi les « déterminants » qui regroupent des mots de natures différentes.
Les deux notions de nature et fonction – qui s’appliquent à beaucoup d’objets – suffisent largement aux besoins d’analyse dans le primaire. Il aurait mieux valu faire l’économie des classes de mots et des déterminants.

La phrase.
Il est dit dans les exposés (p.22) que la phrase complexe (composée de plusieurs propositions) n’est abordée qu’en CM2.
Dans le synoptique CM1 il est question « d’identifier les verbes conjugués dans les phrases complexes » et en CM2 « comprendre la distinction entre phrase simple et phrase complexe » puis « Reconnaître des propositions… » (p.36)
La distinction entre phrase simple et complexe découle d’une définition simple. Plus important est la définition de la proposition, dont on ne voit pas pourquoi elle ne serait pas enseignée en CM1. L’analyse de la phrase en découle et peut être plus poussée en CM2.

 
Les classes de mots – Les fonctions

Les progressions annuelles sont détaillées à partir du CE2, et nous ne prétendons pas en critiquer la pertinence. Voir à ce sujet les travaux du GRIP.

Les verbes
Les progressions sont assez surprenantes, et semblent résulter de deux considérations :
      – la première est que les conjugaisons sont des objets extrêmement complexes, et que leur mémorisation doit être mesurée au plus juste, pour éviter aux élèves des efforts déraisonnables dont ils seraient d’ailleurs incapables
      – la seconde est que certains modes et certains temps ne sont plus employés couramment de nos jours et qu’il est donc inutile de les enseigner dans le primaire.
On exclut aussi des considérations selon nous plus importantes :
      – la structure des conjugaisons –mode et temps – n’est pas arbitraire mais répond à des besoins logiques de l’expression ; cette structure doit être présentée et expliquée, et non amputée
      – les formes en voie d’abandon sont présentes dans la littérature classique, même la plus simple et familière, à la portée des enfants de cet âge
      – apprendre les conjugaisons familiarise l’élève avec des variations régulières dans la morphologie des verbes.
Dans cette optique, si l’on retient pour le CE2 la conjugaison de l’indicatif (plus l’infinitif et l’impératif présent) pourquoi se limiter au présent, au futur et à l’imparfait ? Pourquoi exclure du programme de CM le conditionnel passé et le subjonctif ? Le cas du passé antérieur, qui est exclu, est d’autant plus curieux que l’on trouve dans le synoptique du CM2 la mention « comprendre la notion d’antériorité relative d’un fait passé par rapport à un autre » (p.36).
On pourrait fixer comme objectif des degrés de mémorisation différents selon les modes et les temps.

L’orthographe grammaticale
L’intérêt de cette rubrique réside dans la répétition des expressions « écrire sans erreur » et « appliquer la règle de … » qui marquent la rupture avec l’écriture phonétique largement tolérée jusqu’alors, et pratiquée aujourd’hui dans l’enseignement supérieur (1)
L’essentiel de cette rubrique concerne les conjugaisons et les accords. Jadis on aurait considéré comme allant sans dire que les connaissances en grammaire devaient s’appliquer à l’écrit, mais, de nos jours, il est nécessaire de le rappeler.
Il est mentionné à plusieurs reprises que l’élève doit écrire sans erreur des homophones grammaticaux; on peut penser que la dissociation de la lecture et de l’écriture dans l’apprentissage élémentaire, et la tolérance aux orthographes phonétiques, ont favorisé ce type d’erreur.

(1)  Plus précisément, c’est phonétique et confusion mentale comme « il a déclarait » ou « les gens richent » (cf Université : la grande illusion – Pierre JOURDE – Ed. l’esprit des péninsules)

L’exposé relatif à CE2 CM1 CM2 (pages 22) et le second palier du socle commun (page 27-28)

Le paragraphe « la maîtrise de la langue française » du second palier ne comporte que deux mentions de la grammaire :
« L’élève est capable de …
– rédiger un texte d’une quinzaine de lignes (récit, description, dialogue, texte poétique, compte-rendu) en utilisant ses connaissances  en vocabulaire et en grammaire
– orthographier correctement un texte simple de dix lignes –lors de sa rédaction ou de la dictée – en se référant aux règles connues d’orthographe et de grammaire ainsi qu’à la connaissance du vocabulaire. »

Ces deux items sont largement redondants ; ils ont l’avantage de mentionner des exigences à l’écrit.

On trouve dans le début de l’exposé sur la grammaire  cette mention d’un style affligeant « l’élève mobilise ses connaissances dans des activités d’écriture« .
L’élève « acquiert » « mobilise » « identifie » « repère » : toutes ces tournures rappellent fâcheusement l’élève en train de construire son savoir, et qui sait « reconnaître » ceci ou cela au lieu, simplement, de connaître.
Il y a là un risque de confusion entre des approches fondamentalement différentes ;
     – soit l’élève repère, identifie, reconnaît en appliquant de façon raisonnée des définitions et des règles : alors ces formulations rappellent simplement qu’il ne suffit pas de connaître des règles, il faut savoir les appliquer ;
     – soit l’élève a appris des procédés ou des recettes entre lesquels il doit choisir (par exemple reconnaître la nature ou la fonction d’un mot d’après sa place dans la phrase).
Il aurait mieux valu éviter ces ambiguïtés…

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