Programmes 2008 du primaire

I

Comme toute liberté, la liberté pédagogique ne se définit pas aisément. Ce que chacun ressent, par contre, ce sont les privations et limitations de liberté dont il est l’objet. Les enseignants, et particulièrement les instituteurs, qui ont décidé de s’opposer au dogme du constructivisme, ont été victimes d’atteintes graves à leur liberté pédagogique.
Une liberté est un droit qui, en contrepartie, appelle des devoirs, des obligations. Plutôt que de chercher à définir la liberté pédagogique, il est plus simple et plus utile d’en tracer clairement les limites.
Cela aurait dû être fait avant d’évoquer la liberté pédagogique dans les textes et dans les discours.
•  L’article 48 de la Loi Fillon traite – ou plutôt maltraite – cette question, dans une rédaction qui est une offense à la langue française: « La liberté pédagogique de l’enseignant s’exerce dans le respect des programmes et instructions du ministre chargé de l’éducation nationale et dans le cadre du projet d’école ou d’établissement avec le conseil et sous le contrôle des membres du corps d’inspection. Le Conseil pédagogique prévu à l’article L421.5 ne peut porter atteinte à cette liberté ».

II

La difficulté de délimiter la liberté pédagogique provient du fait qu’elle peut être invoquée à propos de presque tous les aspects de l’enseignement.
•  Ainsi, on pourrait croire que la fixation des objectifs est peu tributaire de considérations pédagogiques, et que le pouvoir politique, s’il s’intéressait à cette question, disposerait d’une grande latitude de choix.
Toutefois, si l’on adhère à l’idéal d’amener chaque élève au plus haut niveau d’instruction permis par ses capacités et motivations, il importe de fixer des objectifs à la fois ambitieux et réalistes, qui puissent être atteints par les élèves persévérant dans leurs efforts. De même, les divers objectifs doivent être cohérents : comme on en a la preuve maintenant, l’enseignement supérieur est dépendant de l’enseignement primaire.
Les objectifs ne pourraient donc pas être définis utilement sans prendre en compte l’expérience des enseignants.

•  Dans l’hypothèse où les objectifs seraient définis et concrétisés par des examens fiables et constants, le choix des programmes, c’est-à-dire des progressions les plus efficaces, serait purement pédagogique, et beaucoup d’enseignants pourraient en revendiquer la responsabilité.
Dans cette hypothèse, l’obligation de respecter des programmes définis par les services du ministère serait une limitation à la liberté pédagogique. Ce n’est pas le cas actuellement, puisque tout le monde feint de croire que les objectifs sont implicitement définis par les programmes.

•  Dans un autre ordre d’idées, le fait de condamner le constructivisme, et d’opter pour un enseignement structuré, explicite, progressif et répétitif, est aussi un choix pédagogique.

Comme le constructivisme a affecté pratiquement toutes les disciplines, et même l’enseignement musical, son rejet justifie l’interdiction des pratiques que l’on connaît. Cette limite imposée à la liberté pédagogique est largement justifiée par la nocivité des pratiques constructivistes, surabondamment prouvée jusqu’à présent.

• La lettre de mission du Président de la République au ministre de l’Education Nationale précise : « Vous garantirez la liberté pédagogique des enseignants, en contrepartie de quoi vous les évaluerez plus régulièrement sur la base des progrès et des résultats de leurs élèves« .

C’est à juste titre qu’est employé le mot progrès. En effet, le résultat d’une année scolaire n’est pas le niveau d’instruction en fin d’année, mais l’élévation de ce niveau entre le début et la fin de l’année. Il eut été préférable d’écrire : « sur la base du progrès dans les résultats de leurs élèves ».

La lettre de mission lie donc implicitement la liberté pédagogique à une obligation de résultat. Celle-ci n’est pas la seule envisageable. Il y a manifestement une obligation de compétence professionnelle : on ne peut pas donner la liberté pédagogique à quelqu’un dont les connaissances ou la pratique sont insuffisantes. Il y a une obligation de prudence a priori alors que l’obligation de résultat ne s’applique qu’a posteriori. Il y a une obligation d’information des parents, premiers responsables de leurs enfants.

III

Il est donc inévitable que le pouvoir politique impose des limites à la liberté pédagogique d’enseignants œuvrant dans un système national.
Encore faut-il que ces limites soient clairement formulées, dans des termes qui s’imposent non seulement aux enseignants, mais à leur hiérarchie.
Nous souhaitons que le temps de cette clarification ne tarde pas trop.

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