Pourquoi faut-il soutenir les nouveaux programmes ?
Depuis des décennies, un courant de pensée qui se veut moderniste a, avec constance et dans la plus grande opacité, introduit dans le système scolaire, à l’insu des familles, tous les ingrédients d’un sabotage délibéré et systématique de l’école en France. Cette entreprise s’est dite placée sous le signe d’une école mieux adaptée aux enfants, plus juste, plus égalitaire. En d’autres termes, il fallait réduire les inégalités, rendre l’école plus accessible aux enfants de familles modestes.
Quels sont les résultats de cette politique ?
Regardons, chiffres en main, à quoi cela nous a conduit : nous apprécierons mieux à quel point le concert actuel de protestations contre les nouveaux programmes du primaire est déplacé. La crise de l’ecole en chiffres, fracture sociale La proportion d’étudiants d’origine populaire entrant dans les grandes écoles n’a cessé de diminuer au cours des 50 dernières années. Elles s’établit comme suit (en %) :
Dans un document préparé à la demande de la commission du Grand débat sur l’école, dite commission Thélot, l’Académie des technologies a présenté un « Avis sur l’enseignement des technologies de l’école primaire au lycée ». On peut y lire le constat suivant :
« Durant les deux dernières décennies, la majorité des ascenseurs sociaux fonctionnant au mérite et offerts aux meilleurs élèves du technologique et du professionnel ont été, de fait, arrêtés. »
Antoine Prost, fervent promoteur des réformes mises en œuvre depuis 40 ans, a reconnu l’échec de la voie choisie en 1992 :
« Les réformes voulant assurer l’égalité des chances ont eu le résultat contraire. Le pourcentage d’étudiants d’origine populaire à l’ENA, l’ENS et l’X est passé de 15,4% en 1966-1970 à 7% pour1989-1993 ». (L’enseignement s’est-il démocratisé ? PUF),
Rapport annuel du Haut Conseil de l’Éducation, septembre 2007
« Chaque année, quatre écoliers sur dix, soit environ 300 000 élèves, sortent du CM2 avec de graves lacunes : près de 200 000 d’entre eux ont des acquis fragiles et insuffisants en lecture, écriture et calcul ; plus de 100 000 n’ont pas la maîtrise des compétences de base dans ces domaines. Comme la fin du CM2 n’est plus la fin de l’école obligatoire, leurs lacunes empêcheront ces élèves de poursuivre une scolarité normale au collège. De tels résultats expliquent pour une grande part l’ampleur des controverses sur les méthodes d’apprentissage, notamment de la lecture, qui ont conduit à la mise en place de nouvelles instructions en ce domaine à la rentrée de 2006. Ils sont d’autant plus préoccupants que l’école primaire a un rôle irremplaçable à jouer afin que les élèves acquièrent la maîtrise du socle commun au terme de leur scolarité obligatoire au collège. »
Quelques statistiques du ministre Luc Ferry en 2003 :
• 158 000 élèves quittent l’enseignement secondaire sans diplôme et sans formation
• 45% seulement des étudiants obtiennent le DEUG dans la durée normale de deux ans, soit 55% d’échec au bout de 2 ans.
L’école en France n’est plus que l’ombre de ce qu’elle a été.
Une inertie coupable
Les chiffres indiqués ci-dessus attestent une dégradation aux conséquences tragiques, nettement visible à ce jour. Combien de destins ont-ils été brisés tandis que le système scolaire s’enfonçait dans la crise ?
Car le problème ne date pas d’aujourd’hui. Jean Ferrier, Inspecteur général de l’Éducation nationale a formulé les conclusions suivantes en 1998, dans un rapport intitulé « Améliorer l’efficacité de l’école primaire », réalisé à la demande de S. Royal.
« Selon les années, ce sont entre 21 et 42 % des élèves qui, au début du cycle III (entrée au CE2), paraissent ne pas maîtriser le niveau minimal des compétences dites de base en lecture ou en calcul ou dans les deux domaines. Ils sont entre 21 et 35 % à l’entrée au collège ». (…) l’institution ne peut pas ne pas prendre très au sérieux la situation ainsi révélée : on peut estimer à environ 25 % d’une classe d’âge la proportion des élèves en difficulté ou en grande difficulté à l’entrée au collège. »
On connaît par ailleurs le caractère hautement prédictif de faibles résultats aux évaluations nationales à l’entrée en 6ème, associés à un retard scolaire, surtout s’il est de deux ans : les élèves concernés par cette situation ont très peu de chances, quoi qu’il soit fait au collège, d’atteindre le second cycle long des lycées.
Aucun acteur de l’école primaire ne peut ignorer les échecs précoces qui hypothèquent l’avenir des élèves. (…) qui ont un caractère socialement différentiel et affectent les élèves issus des milieux les moins favorisés. (…) Au regard de la scolarité ultérieure, au regard aussi de l’image d’eux-mêmes qu’intègrent les enfants en échec ou en difficultés scolaires durables et qui, progressivement, fait d’eux des adolescents révoltés, la responsabilité de l’école primaire est importante. »
Ce rapport est resté sans suite, alors qu’il aurait dû être le motif d’un grand mouvement de la part des enseignants, du ministère et des hommes politiques, sans parler des associations familiales ou de parents d’élèves.
Depuis, 10 ans sont passés. Loin d’être ambitieux, les programmes établis par le ministre Lang en 2002 n’ont fait que rendre encore plus confus le rôle de l’école primaire.
La responsabilite des « modernistes »
Les données précédentes, d’origines diverses, attestent à quel point les résultats obtenus sont éloignés des objectifs annoncés par les modernistes, ou prétendus tels, qui ont impulsé les politiques éducatives depuis les années 60.
Rejetant la responsabilité de ces résultats sur des facteurs externes à l’école, ces promoteurs de « l’école nouvelle » refusent tout changement de cap et maintiennent leur position, au mépris des enfants et de leur avenir.
Pourtant, leurs erreurs furent nombreuses et ils sont pour une grande part responsables de cette crise. Voici quelques unes de leurs stratégies :
- Des réformes, nombreuses, qui ont toutes concouru à un allègement continu des programmes et à la mise en œuvre de méthodes d’une grande nocivité, en lecture notamment.
- Un laxisme généralisé tant sur le plan scolaire que disciplinaire. Exemples : le passage automatique en classe supérieure tout au long du cursus, une indulgence soigneusement dissimulée aux yeux du public dans les notations des examens qui conduit à une immense tromperie sur le niveau réel des élèves.
Les incidences se font en premier lieu ressentir dans l’école primaire, mais les dommages se manifestent ensuite dans tout le système d’enseignement, y compris l’enseignement supérieur, le mettant en péril.
- Des choix idéologiques qui ont dénaturé la mission de l’école primaire : pédagogisme et constructivisme. Ces concepts avancent deux principes également critiquables : l’enfant est au centre du système, l’enfant doit construire seul son savoir. Ces choix pédagogiques, sont, malgré leur prétention à être fondés scientifiquement, sans aucune justification d’aucune sorte.
L’urgence de refonder l’école primaire
Pour notre association, la première étape de toute réforme sérieuse et durable pour rendre à sa fonction le système scolaire passe par une remise en fonction de l’école élémentaire, qui doit retrouver son rôle. Cette étape est fondatrice, d’autant que c’est dans la période qui correspond à l’école primaire que se met en place ce qui permettra à l’enfant d’accéder à la pensée abstraite.
En 2005, nous avions préconisé les changements suivants pour refonder l’école primaire :
. Les méthodes doivent être modifiées : aller du simple au compliqué.
. La lecture doit procéder d’une méthode alphabétique qui prend en compte le fait que la langue française est une langue fondée sur un alphabet
. Les programmes doivent être revus à la hausse, spécialement en français et en calcul.
. Le principe de la liberté pédagogique doit être mis en œuvre et ne pas rester lettre morte.
. Il faut établir des rapports clairs entre les enfants d’une part, l’institution et les professeurs d’autre part, en commençant à inculquer dès la maternelle des comportements raisonnables et disciplinés, préparatoires à l’écoute et à l’atmosphère de travail et d’apaisement requise pour les enfants et les enseignants.
Les nouveaux programmes du primaire respectent ces orientations dans les grandes lignes. Voilà pourquoi nous pensons qu’il y a urgence à les appliquer afin de commencer dès septembre 2008 la refondation de l’ensemble du système scolaire.
Les réformes proposées constituent une avancée certaine dans la bonne direction. Nous les soutenons, même si nous regrettons certaines formulations consensuelles qui laissent la porte ouverte au maintien de pratiques néfastes aux enfants.
Le mieux étant l’ennemi du bien, rien ne serait pire que le statu quo que demandent certaines personnalités et organisations qui ont des responsabilités, voire même des intérêts, dans la crise que traverse le système scolaire français.