Le point de vue de Lire-Ecrire – Bilan 2008-2013

Rapport de l’Inspection Générale – juin 2013

Les instituteurs

Sans nier la diversité réelle des personnalités et des situations dans une corporation aussi nombreuse, il est légitime de traiter d’abord, comme le fait le rapport, de la grande majorité. Quelle part faut-il lui imputer dans l’échec massif de l’Education Nationale ?
L’inefficacité globale de l’enseignement primaire est implicite dans le rapport. Elle a été longtemps niée par l’Education Nationale, qui a tout fait pour cacher l’échec scolaire massif et pour marginaliser ceux qui le dénonçaient. De même, l’Education Nationale a tenté de disqualifier les organismes internationaux lors de la publication des premières résultats des études PISA et PIRLS. Elle a été obligée de renoncer à cette longue négation des réalités.
D’après le rapport, la cause directe et immédiate de la situation actuelle se trouve dans la compétence insuffisante des instituteurs – compétence étant pris au sens courant et commun du terme. Ceci sur deux plans : de graves lacunes dans les savoirs disciplinaires, qui devraient surplomber largement les savoirs à transmettre, d’une part, de graves lacunes dans la pédagogie et les pratiques du métier, d’autre part.
Les IG n’ont pas recherché les causes de ces lacunes, cela ne faisant certainement pas partie de leur mission.
On peut cependant esquisser quelques hypothèses vraisemblables.

Les causes des lacunes dans les savoirs disciplinaires.

Une première cause est à rechercher dans les études scolaires des instituteurs. Ici le critère principal est l’âge. Les instituteurs et institutrices ayant plus de 50 ans en 2012-2013 ont bénéficié d’un enseignement primaire efficace et ensuite pour la plupart d’un enseignement secondaire presque normal. Pour les moins de 35 ans, beaucoup ont été victimes du constructivisme, de l’enseignement implicite, et de l’enseignement en miettes.
Quoi qu’il en soit, leurs connaissances auraient dû être vérifiées lors leur recrutement, et les lacunes comblées. Ce n’est probablement pas le cas de ceux qui ont été recrutés après la Loi Jospin, qui ont moins de 40 ans.
Au cours des 20 dernières années, il a certainement fallu à un instituteur beaucoup de courage et de ténacité pour maintenir et augmenter ses savoirs disciplinaires. Car la démolition de l’enseignement des disciplines était en oeuvre à l’Education Nationale. C’est l’aboutissement d’un long processus, attesté notamment par plusieurs ouvrages publiés par des enseignants et d’autres après 1980.
Un repère ultime – on ne peut guère tomber plus bas – nous est fourni, dans le rapport, par la mention de ces instituteurs qui considèrent comme inutiles les notions de contenance et de masse.

Les causes des lacunes pédagogiques.

Les instituteurs les plus jeunes sont passés part les IUFM qui pour la plupart ne leur ont rien appris d’utile. Les autres ont subi la catéchisation dans les sciences de l’éducation. 
Le constructivisme, qui inverse le sens des choses, change aussi le sens des mots. On peut faire l’hypothèse que lorsque les IG ont posé des questions en rapport avec les programmes 2008, beaucoup d’instituteurs n’ont pas réellement compris.
Ainsi, le rapport relève que les instituteurs ne savent pas comment développer la compréhension des textes, n’imaginant pas ce qui se passe dans l’esprit de leurs élèves.
Mais quel sens donnent-ils au mot « compréhension »? S’agit-il de la compréhension floue, approximative des mots (un mot peut être remplacé par un autre), de la compréhension globale et approximative des textes ? Si oui, il peut leur être difficile d’admettre que, dans ce domaine, une pédagogie efficace exige aussi des progressions adaptées à chaque niveau de savoir.
De même : l’étude de la langue évoque-t-elle pour eux en priorité « l’Observation réfléchie de la langue », ou encore l’autopsie de la langue, selon l’expression d’Erik Orsenna ?

Les autres …

A côté de la grande majorité décrite par le rapport, il y a une petite minorité de bons enseignants, expérimentés et efficaces. Les IG insistent sur le fait qu’ils sont « rares ». En ordre de grandeur, ils seraient 10 % en moyenne, 5 % dans les zones difficiles.
(NDLR) Une autre minorité, qu’il est difficile de dénombrer, est composée d’instituteurs voisinant dans la même école des enseignants efficaces et des classes qui réussissent, mais qui néanmoins refusent de changer leurs façons de faire, jusqu’au conflit ouvert avec les enseignants efficaces.

La course au temps

Le manque de temps – surtout si on le rapproche du temps réel de classe selon l’expression des rapporteurs – a toutes les apparences d’un constat objectif, dont on induit aisément une cause très discutable : « les programmes sont trop chargés« .

Lorsque des enseignants expérimentés et efficaces évoquent le manque de temps, c’est pour faire encore plus et mieux. Dans la bouche des autres, les propos doivent être relativisés. C’est visiblement ce que pensent les IG, sans trop insister : si les pédagogies et les  pratiques étaient convenables, le temps manquerait moins.

Or les pédagogies à la mode, constructivistes et ludiques, dévorent le temps, en « recherches » pour amener les élèves à découvrir ce qu’on veut leur enseigner, en travail en groupe, débats, visites et sorties de toutes sortes.

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