Le point de vue de Lire-Ecrire – 2008-2013 (fin)
Rapport de l’Inspection Générale – juin 2013
Les différences de niveau des élèves d’une même classe
Ces différences existent dans n’importe quel groupe, sur n’importe quel critère.
Elles sont gérables lorsqu’elles sont modérées, et cette diversité peut accroître l’intérêt de la vie en groupe. Lorsque les différences en niveau de savoir deviennent excessives, elles sont cause pour les maîtres de difficultés pour exercer leur métier, et de découragement.
Ces grandes différences n’existeraient pas si les écoles étaient organisées en classes ou groupes de niveau. C’est l’organisation des classes par âge qui accentue les différences, et le dogme égalitariste accroît encore le phénomène.
Cette question très importante est totalement absente des programmes, construits sur la fiction d’un élève virtuel reproduit à 800.000 exemplaires pour chaque classe du primaire, bénéficiant tous du même enseignement. C’est une fiction. En réalité, la charge d’une diversité excessive est entièrement transférée aux instituteurs.
D’après le rapport, en cycle 3, et probablement plus en CM, les maîtres souffrent de ne pas pouvoir concilier le sauvetage des élèves en fort retard « en train de sombrer » et les exigences du programme officiel.
Le rapport décrit un phénomène récurrent : chaque année, dès le CE1, les maîtres reçoivent des élèves dépourvus des acquis normaux de la classe précédente. Ils sont obligés de consacrer du temps à des reprises, au détriment du programme normal, et il en résulte un nouveau retard en fin d’année. Si l’on remonte à la source des difficultés, dans le cadre de la scolarité obligatoire, on trouve évidemment le CP.
La maternelle, et particulièrement la grande section, sont aussi en cause.
La question centrale du CP
Cela suppose, d’évidence, que l’on consente les moyens nécessaires au CP : d’abord n’y nommer que des enseignants expérimentés et efficaces, selon la volonté exprimée par Vincent Peillon en juin 2012 (et sans doute déjà largement appliquée à la rentrée 2013 ?) ainsi que les moyens de soutien pour les élèves très lents.
On peut tabler sur le fait que la plupart de ces instituteurs expérimentés et efficaces pratiquent un enseignement explicite et qu’ils adopteraient donc la méthode alphabétique.
Il faudrait aussi former ou re-former d’autres enseignants aux spécificités du CP, concepts, méthodes, progressions, et les inciter à appliquer la méthode alphabétique. Car, tant qu’ils ne sont pas expérimentés et efficaces, on ne doit pas leur concéder la liberté pédagogique, pas plus qu’on ne reconnait la liberté de prescription à un étudiant en médecine.
Les élèves lents
Il est aussi courant que, dans une année scolaire, certains élèves ralentissent est donc décrochent, pour toutes sortes de raisons. La responsabilité de l’instituteur est de détecter rapidement cet incident, puis d’aider l’élève à rattraper le peloton.
Pour les élèves lents et les décrocheurs occasionnels, les programmes 2008 incluent une mesure judicieuse, avec 60 heures annuelles laissées à la disposition des maitres pour un soutien personnalisé ou en petit groupe. Contrairement à ce qui avait été prétendu par des opposants, cela ne diminuait pas la capacité globale de travail ; mais cela n’était vrai que dans le cas où l’instituteur avait l’habitude de consacrer du temps aux élèves en retard, et ce temps était nécessairement pris sur le temps consacré à l’ensemble de la classe. Il y avait donc compensation, et même sur-compensation car ces heures pouvaient être beaucoup plus profitables aux bénéficiaires qu’un soutien pendant la classe.
Cette mesure a été mal appliquée, comme l’atteste le rapport de l’IG sur la mise en œuvre des nouveaux programmes en 2008-2009. On y relève des absurdités, comme de répartir ces heures sur tous les élèves, ou de les consacrer aux élèves en fort retard, qui ne peuvent être « rattrapés » par ce moyen.
Les préconisations du rapport
• Eviter les ambiguïtés du programme, assurer la continuité avec les programmes antérieurs
La principale ambiguïté des programmes 2008 découle de la juxtaposition de textes conformes aux doctrines de la période précédente, et des textes marquant la rupture avec ces doctrines.
Il est donc nécessaire d’assurer la continuité avec les textes d’esprit nouveau, et surtout pas avec les programmes antérieurs à 2008, ce qui ne ferait qu’accroître la confusion déjà grande dans l’esprit de beaucoup d’inspecteurs et d’instituteurs.
• Clarifier l’articulation avec le socle commun.
Pour cela, il faudrait d’abord clarifier la notion du socle commun. Notamment : l’obtention du socle commun est-elle une obligation de résultat pour l’Education Nationale ? Si oui, comment est-elle sanctionnée ? Le Brevet peut-il être conçu pour que certaines épreuves attestent l’obtention du socle commun, sans donner le diplôme ? Etc…
• Définir un dispositif national d’évaluation du niveau des élèves.
C’est une demande ancienne et constante de Lire-Ecrire. Ces examens doivent être annuels. Ils doivent être administrés par l’Education Nationale, mais leur conception, leur passation et leur notation doivent être contrôlés par une Autorité indépendante de l’Education Nationale. C’est une condition de la crédibilité de l’Education Nationale, et aussi une condition de la liberté pédagogique et de l’autonomie des établissements.
• Expliciter les liens entre le français et les autres disciplines.
Mis à part un rappel de principe en quelques phrases, la rédaction des programmes ne devrait pas entrer dans de tels détails, qui relèvent de la re-formation des inspecteurs et instituteurs.
• Intégrer le numérique.
Nous ne voyons pas ce que signifie « lire numérique ».
Ecrire numérique ? Est-ce écrire sur un clavier ou sur un écran en manuscrit ou sur l’image d’un clavier ? Utiliser un traitement de textes ? Nous estimons que ces pratiques devraient être réservées, à partir du collège, aux élèves maîtrisant l’écriture cursive et la rédaction.
Compter numérique ? S’agit-il de manipuler à l’écran des images d’objets réels, ou des dessins ?
Calculer numérique ? C’est la négation du calcul en tant qu’objet de formation intellectuelle.
• Organiser l’enseignement de façon progressive et spiralaire.
Répéter tout en progressant, progresser tout en répétant, est un principe de base basique qui trouve des applications à longueur de journée dans les métiers d’enseignement.
Les programmes ne peuvent pas entrer dans tous ces détails.
• Définir le processus d’accompagnement de la mise en œuvre.
Cela a-t-il sa place dans les programmes, et le Conseil Supérieur des Programmes est-il compétent dans ce domaine ?