L’enseignement des mathématiques – Bilan 2008-2013

Rapport de l’Inspection Générale – juin 2013

Le rapport souligne les changements apportés par les programmes de 2008. Les IG constatent, que, depuis, des progrès importants dans la connaissance et la compréhension par les enseignants des trois fondamentaux de ces programmes : l’importance des automatismes, la place faite à la résolution des problèmes, le volume des connaissances. Ils constatent une évolution des pratiques, encore très insuffisante.
Ils concluent sur l’intérêt de conserver ces acquis, de ne pas bouleverser les programmes, et sur la nécessité de porter les efforts sur la formation des instituteurs.
L’essentiel du rapport est consacré à l’analyse de pratiques pédagogiques appréhendées au travers des déclarations des instituteurs et des inspecteurs, ainsi que par l’examen d’un échantillon de cahiers d’élèves, qui parfois ne concordent pas avec les déclarations des maîtres.

Le respect des programmes 2008.

Les IG ont cherché à savoir dans quelle mesure les enseignants appliquent les programmes. D’une façon générale, les maîtres interrogés affirment qu’ils suivent globalement les programmes. Puis, confronté aux lacunes de leurs élèves, ils expliquent que tel ou tel point est trop difficile pour leurs élèves, ce qui revient à critiquer les programmes.
• En fait, les IG relèvent beaucoup de points faibles dans le travail des instituteurs .
Ils en attribuent d’abord la cause au savoir très insuffisant des maîtres : « L’enseignement des mathématiques à l’école primaire souffre de l’insuffisance de formation des maîtres et des inspecteurs dans cette discipline ».
Il est évident que, pour transmettre un savoir quelconque, il faut le maîtriser, plus exactement le dominer par des vues plus larges, conférant aux notions enseignées des valeurs relatives. Il ne s’agit pas ici d’algèbre ou de trigonométrie, mais simplement de l’arithmétique et de la géométrie dans l’enseignement primaire. Par exemple, à propos de la proportionnalité, « cette notion est jugée trop difficile pour les élèves parce qu’elle est difficile pour les enseignants ».
• Il est certain que ces lacunes dans le savoir interdisent à beaucoup d’instituteurs de comprendre et de maîtriser la didactique en mathématiques.
Cela explique les observations des IG à propos de l’incompréhension manifestée par beaucoup d’enseignants sur certains points du programme, qui les conduit à des interprétations erronées, ou  au contraire à une application pointilliste sans rapport avec l’esprit de la discipline. D’où l’impression qui se dégage du rapport : certains  maîtres « font » le programme comme on respecte une contrainte. 
 
• Cependant, chez les parents et dans le grand public, ce n’est pas la vision de l’Inspection Générale qui prévaut, mais celle des instituteurs, reproduite à l’infini par les médias, et maintenant adoptée par le ministre : LES  PROGRAMMES  SONT  TROP  LOURDS,  IL  FAUT  LES  ALLÉGER : on sait à quel point les programmes ont été allégés depuis 40 ans. Ils le seront encore, jusqu’à disparition complète de l’enseignement des disciplines.
Cela est d’autant plus navrant – et scandaleux – que les maths échappent en grande partie à la théorie de la reproduction sociale : certes les parent relativement instruits et aisés apportent à leurs enfants une aide hors de portée des parents de milieux défavorisés. Sur le plan culturel, l’avantage des enfants de milieux favorisés demeure, au-delà du fait qu’une école efficace peut élever fortement le niveau culturel des plus faibles. Par contre, les mathématiques sont un domaine où, bien instruits, les enfants doués de milieux défavorisés peuvent facilement égaler les meilleurs, et surpasser les élèves moyens de milieux favorisés.

• Une question très importante n’est traitée par le rapport qu’à la marge, alors qu’elle touche aux fondements même de la notion de programme.
Lorsque se trouvent dans une classe des élèves qui ne maîtrisent pas les savoirs qui auraient dû être acquis dans les classes précédentes (par exemple, de façon récurrente, des élèves de CM – même de bons élèves – ne connaissent pas les tables de multiplication, ils ne peuvent donc faire ni calcul mental, ni multiplication ou division posée), pour eux, le respect des programmes de CM n’a aucun sens.

• Le rapport rappelle enfin la nécessité de « réfléchir davantage aux fondements de l’activité mathématique, laquelle, toujours, devrait permettre de prendre son temps, de chercher et d’éprouver du plaisir ».
Combien d’instituteurs éprouvent-ils du plaisir à enseigner les maths ? Comment les élèves éprouveraient-ils du plaisir si les maîtres eux-mêmes n’en éprouvent pas ?
Question sans doute plus importante que les programmes eux-mêmes !

La pédagogie.

Le rapport insiste sur le fait que tous les instituteurs n’ont pas réellement assimilé la notion de progression, nécessairement associée à celle de répétition (sous la forme imagée de progression en spirale). La progression, base de toute transmission du savoir, est particulièrement nécessaire dans les disciplines cumulatives, comme les maths.

Les outils.

Le rapport condamne à juste titre les fichiers, trop prisés par les maîtres. Les IG signalent que  les élèves n’écrivent pas assez en mathématiques  (et, auparavant, ils ne raisonnent pas assez à haute voix, premier degré de la pensée logique, NDLR). Les auteurs insistent sur la nécessité de recopier les énoncés et les figures, de manier la règle et le compas, et aussi de lier sans cesse l’abstrait mathématiques avec le concret vécu. « Il conviendrait d’inciter les enseignants à mieux regarder autour d’eux et à tirer parti de l’environnement immédiat ».
À cet égard, certaines remarques du rapport sont accablantes :

–  les notions de contenance et de masse sont jugées par certains enseignants non seulement  difficiles mais inutiles !
–  58 % des maîtres du cycle 2, 36 % du cycle 3, négligent la résolution de problèmes portant sur les longueurs.

« Ainsi le bilan de l’enseignement des grandeurs est-il insatisfaisant, voire inquiétant en ce qui concerne les grandeurs simples : longueur, masse, contenance. »

• Le rapport préconise « d’aider tous les maîtres à mieux connaître et utiliser des manuels et ressources en ligne de qualité » qui sont « considérés comme une banque de ressources ». Les IG minimisent le danger de dispersion pour les maîtres dont la formation est insuffisante. Puiser dans des manuels dont les progressions diffèrent peut être la négation d’une progression cohérente.
Seuls les maîtres expérimentés peuvent utiliser à bon escient des manuels différents. Les autres devraient s’en tenir à un seul (bon) manuel.

• Les IG n’ont pas l’air très convaincus de l’utilité de la calculette, que l’association Lire-Ecrire réprouve absolument. Le calcul posé et le calcul mental suffisent pour traiter déjà les nombres importants, et il est inutile d’aller plus loin dans ce domaine.
Le rapport préconise l’aide des ordinateurs en géométrie ; là encore, on peut se demander si l’on ne risque pas ainsi de négliger la règle et le compas. Quant à la géométrie dans l’espace, ne vaudrait-il pas mieux doter les écoles d’une collection de polyèdres et de sphères que les élèves pourraient manipuler librement ?

Le calcul mental

Le calcul mental offre une bonne image  de l’état actuel de l’enseignement des maths dans le primaire

–  des progrès quantitatifs sont tangibles  depuis 2008 , la pratique est plus régulière dans toutes les classes
–  mais il reste beaucoup à faire qualitativement : la pratique est monotone, «le terme ritualisé est souvent employé : on peut s’en inquiéter si le rite renvoie à une non-réflexion sur les contenus   » 

Les travaux effectués depuis 2008 auraient aussi montré l’intérêt d’installer en mémoire… toute une série de procédures de calcul mental.
Si nous comprenons bien, il s’agit d’enseigner que si un calcul  présente telle ou telle caractéristique, il suffit d’appliquer telle procédure. C’est une vision très utilitaire, « d’employabilité » du calcul mental, qui engendre un ennui considérable. 
Un autre objectif pédagogique serait le suivant : de multiples exercices de calcul mental procurent aux élèves la familiarité avec les chiffres, à condition que chaque calcul soit d’abord un exercice de réflexion pour trouver au moins un chemin menant au résultat. En enseignement collectif, les élèves devraient être incités à trouver plusieurs chemins pour chaque calcul.
Cette seconde approche nous semble mieux à même de «prendre son temps, et d’éprouver du plaisir », maître et élèves,  ensemble. 

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