Le déni de réalité.

La première manifestation du refus des réalités est l’idée de lancer une prétendue grande réforme du collège, alors que l’enseignement primaire échoue à inculquer à tous les élèves des éléments fondamentaux. La ministre n’évoque jamais le principal obstacle au bon fonctionnement de beaucoup de collèges : l’enseignement primaire, et particulièrement le CP.

Refus du réel, aussi, le fait de ne pas prendre en compte l’énorme diversité des collèges et la diversité des collégiens, particulièrement quant à leurs savoirs.

En attendant les premiers résultats d’un hypothétique redressement du primaire, ce dont a besoin le collège, c’est d’abord de porter secours aux élèves naufragés, et, pour les autres, d’initier des améliorations progressives, par des actions inspirées par la réalité locale, et non en plaquant sur la réalité des dispositions générales dont la ministre vante les hypothétiques mérites.

Refus, encore, de fixer les étapes et les échéances pour la mise en œuvre de cette réforme. Tout est immédiat, pour tous.

La critique du collège actuel

Le discours de la ministre est très incisif :

« le collège est monolithique dans son approche disciplinaire, suscitant parfois l’ennui, voire la perte du goût du travail et de l’effort. Il est souvent peu motivant pour les élèves, anxiogène pour les parents et frustrant pour les professeurs, auquel il ne laisse que peu d’autonomie « 
« en 10 ans, les élèves ont régressé en français, maths, histoire »
« le collège ne garantit pas l’acquisition des connaissances de base « .
« le collège aggrave la difficulté scolaire ».
On pourrait s’étonner de voir la ministre critiquer ainsi le collège unique, qui met en oeuvre le dogme égalitariste. Mais, après avoir longtemps nié l’échec scolaire, les idéologues de son camp ont décidé non seulement de reconnaître l’échec, mais de le fustiger, réclamant davantage de constructivisme et de pédagogisme, toujours moins de transmission du savoir, toujours plus d’affaiblissement de la culture classique au profit de la culture commune.
Les élèves s’ennuient au collège – encore plus que dans le primaire. C’est certainement parce que des professeurs attardés veulent leur transmettre des savoirs abstraits. Et pourtant :
L’élève E a terminé le primaire sans savoir vraiment lire, écrire, et compter. Il se trouve dans une classe où le professeur a réussi à intéresser à sa discipline une majorité d’élèves. E ne comprend rien ; il s’ennuie.
L’élève EE aime apprendre et, grâce à son collège et à ses parents, il a acquis un savoir limité mais solide. Il aime apprendre. Il se trouve dans une classe où la première moitié d’un cours est consacrée à mettre un peu d’ordre et un minimum de silence. Pendant ce temps, EE s’ennuie.
On sait que le travail chasse l’ennui, mieux que les distractions futiles. Encore faut-il que chaque élève se voie proposer un travail ni trop facile ni trop difficile pour lui.
Certes, le meilleur enseignement ne peut empêcher un élève de ressentir parfois de l’ennui. Cette expérience de l’ennui, à l’école comme à la maison, contribue à son éducation.

Lutte contre le déterminisme social.

Nous connaissons les convictions de Najat Vallaud-Belkacem depuis l’affaire de la théorie du genre, lorsqu’elle était l’acolyte de Vincent Peillon, auteur de la formule « arracher l’enfant à tous les déterminismes, familial, social, ethnique, intellectuel ».
Comme son prédécesseur, la ministre pense certainement que la première mission de l’école est de changer la société.

Égalitarisme.

• La ministre a manifesté à plusieurs reprises, à propos notamment des classes bilingues, du latin et du grec, son hostilité à l’élitisme bourgeois. Elle n’a pas répondu aux contradicteurs qui remarquaient que ces études se développaient aussi dans les « banlieues ».
Apparemment, elle ne veut pas plus d’élites issues des milieux défavorisés que d’élites issues des milieux moyens et bourgeois. Elle reprend ainsi l’opinion de ceux qui, jadis, considéraient un ouvrier qui, par son mérite, s’élevait au-dessus des autres, comme un traître.
Mais peut-être ne croit-elle pas que les enfants des milieux défavorisés ont le même potentiel d’excellence que les autres ?

• La ministre marque sa méfiance à l’égard d’une notation objective du savoir et du savoir-faire des élèves.
Elle va d’ailleurs lancer une recherche « scientifique » sur les diverses modalités d’évaluation. Elle confiera cette mission aux gourous de l’Education nationale, car « pas une réforme n’est conduite sans écouter au préalable les spécialistes des sciences de l’éducation ». Elle n’aura pas à chercher loin pour les trouver. (Il est vrai que la notation objective constate l’inégalité du savoir entre les élèves ; c’est une conséquence directe d’un enseignement digne de ce nom, car inévitablement certains élèves avancent plus vite que d’autres).

Excellence et réussite pour tous.

• Najat Vallaud-Belkacem veut « assurer la réussite du plus grand nombre » et « assurer un même niveau d’exigence pour que tous les élèves acquièrent le socle commun ».
Comme l’obtention du brevet valide le socle commun, la ministre veut que « tous les élèves » (90 %, 95 % ?) obtiennent le brevet. Actuellement le taux de réussite est de 85 %, parce que le brevet est bradé. Encore un effort dans l’abaissement du niveau, dans la nature des épreuves ou les consignes de notation, et l’objectif est atteint.

Mais peut-être la ministre tient-elle à ce que les élèves reçus sachent au moins lire, écrire et compter. Seules deux mesures permettent d’atteindre cet objectif :
– la réforme immédiate de la pédagogie en CP puis progressivement dans les classes suivantes
– un dispositif d’urgence pour les collégiens naufragés, adapté à la situation réelle dans chaque collège.

• Excellence et réussite pour tous : cette formule, reprise par le Président de la République, est creuse ou mensongère.
Mais qui y croit ?

• Si « le socle commun … présente tout ce que chaque élève doit savoir et maîtriser à la fin de la scolarité obligatoire », ce « tout » est aujourd’hui dénué d’une définition concrète et compréhensible.
Si en outre la ministre affirme que la maîtrise du socle commun « permettra de s’épanouir personnellement, de développer sa sociabilité, de réussir la suite de son parcours scolaire », on note une contradiction avec la fin de la scolarité à 16 ans, donc la fin de toute obligation de poursuivre un parcours scolaire, à moins de considérer la période d’apprentissage en entreprise comme faisant partie de la scolarité. 

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