Les manuels sont l’objet de deux sortes de confusions : sur leur nature et sur leur rôle dans le processus d’enseignement.

« Les manuels ont précisément pour objet de décliner ces programmes » (Xavier Breton page 2).

Certes, mais ce sont les enseignants qui ont pour mission de décliner les programmes sous forme d’une progression au cours de l’année scolaire, progression qui n’est pas immuable.

Les manuels sont une aide – facultative – choisie par chaque enseignant. Les manuels comportent une présentation des « contenus » des programmes, qui peut varier fortement d’un manuel à l’autre. Les manuels ont aussi un contenu pédagogique, méthodes et pratiques, très important.

Il n’est donc pas étonnant que certains députés mentionnent au sujet des manuels des contenus et d’autres des considérations pédagogiques.

La liberté pédagogique

En fait la question des manuels est en rapport avec la liberté pédagogique des enseignants. Cette liberté fait l’objet d’un article de la loi FILLON, mais elle est insuffisamment définie. Les contreparties obligées de toute liberté ne figurent que sous la forme du contrôle effectué par l’inspection, sans plus de détails.

Le simple bon sens dit que la liberté pédagogique ne peut être attribuée que sous réserve d’une formation poussée, et en particulier une formation complète aux diverses doctrines pédagogiques, méthodes et pratiques, afin que l’enseignant soit apte à choisir en toute connaissance de cause. Cet aspect est évoqué par Alain Marc : «… La liberté pédagogique des enseignants dépend étroitement de la qualité de leur formation. Quels que soient les programmes, ouvrages ou sources de référence les maîtres doivent disposer d’une formation appropriée pour pouvoir les utiliser pleinement ».

La seconde condition a été exprimée par Xavier Darcos : la liberté pédagogique ne peut être donnée qu’aux enseignants qui obtiennent de bons résultats, qui font progresser leurs élèves.

Cela étant, le corollaire de la liberté pédagogique est, pour nous d’évidence, la liberté de concevoir et éditer des manuels, la liberté pour les enseignants convenablement formés de ne pas utiliser de manuels, ou d’en utiliser plusieurs etc.

La liberté d’opinion fait que n’importe quel citoyen, association, administration et même le Parlement ont le droit de donner leur avis sur tel ou tel manuel. Mais ces opinions ne peuvent être imposées aux enseignants. La liberté d’opinion implique aussi l’acceptation de controverses, déplorées par Xavier Breton.
La commission a souhaité diminuer les risques de controverse et aussi semble-t-il les risques sur la qualité des manuels. Il en est résulté diverses propositions :

– proposition d’un agrément, pratiqué dans certains pays étrangers, sur la conformité des  « contenus »  aux programmes ; dans ce domaine il est à craindre que l’agrément porte aussi sur des considérations pédagogiques ; l’absence d’agrément ne devrait pas entrainer  une interdiction d’utiliser le manuel
– proposition d’instaurer une collaboration entre les rédacteurs des programmes et les auteurs de manuels ; sans objet dès lors que les objectifs seraient établis par le Parlement
– proposition de faire établir par l’Education nationale un  « cahier des charges » ou des « standards »  destinés aux éditeurs : ce cahier des charges serait inévitablement sujet à interprétation et à coup sûr il serait un frein à la créativité des auteurs de manuels
– la meilleure étant la proposition d’encadrer la diffusion de manuels tels que le Boscher !

 Les manuels « numériques »

Inévitablement, la question des  « manuels numériques », a été évoquée. Le rapporteur, Xavier Breton, a bien résumé le fruit des expériences dans l’état actuel des choses : « le numérique sera utilisé pour mobiliser l’attention des élèves, tandis que le manuel classique permettra d’approfondir et de mémoriser les notions abordées en classe ».

Apportons quelques précisions : d’abord l’emploi du futur transforme une hypothèse en certitude. Car si le numérique n’a qu’un aspect ludique il a aussi un grave inconvénient : celui d’accentuer encore la pseudo culture virtuelle d’enfants et d’adolescents accaparés par la télévision, l’ordinateur, les jeux sur Internet, SMS et autres au détriment de la réalité. Peut-être à l’avenir, des établissements scolaires autonomes préféreront-ils consacrer le budget alloué au numérique à des activités pratiques dans le monde concret, tout aussi susceptibles de retenir l’attention des élèves.

Quant à approfondir et mémoriser les notions abordées en classe, c’est le travail des enseignants, prenant les manuels comme des moyens.

Cela dit, rien ne prouve qu’à l’avenir les moyens techniques et automatiques ne seront pas utilisés pour certaines séquences d’enseignement. Il y a depuis longtemps des simulateurs pour former les pilotes d’avion, on commence à faire de même en chirurgie. C’est possible, parce que même si le coût est très élevé c’est moins coûteux et surtout moins risqué que l’apprentissage in vivo.
Ainsi les moyens audiovisuels pourraient certainement être beaucoup plus utilisés dans l’apprentissage des langues vivantes (ou mortes), de la musique ou d’autres disciplines.

Pour créer quelques applications ayant une réelle valeur pédagogique, il faudra suivre un processus d’innovation décentralisée c’est-à-dire : de très nombreux candidats créateurs, en majorité enseignants, beaucoup de projets, beaucoup d’échecs, des investissements importants dans les projets les plus prometteurs, et enfin du temps.

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