Le Rapport sur l’acquisition du vocabulaire à l’école élémentaire (2007)

Ce rapport a été présenté le 14 mars par Alain BENTOLILA à Gilles de ROBIEN, qui a annoncé la prochaine publication d’une circulaire fidèle à l’esprit et aux préconisations du rapport. Nous présentons ci-après un résumé du rapport, assorti de nos commentaires. 

Résumé du rapport

Deux volets :

– la justification d’un apprentissage systématique du vocabulaire

– les préconisations, parmi lesquelles la presse a retenu principalement l’instauration de « leçons de mots ».

L’auteur, linguiste, part d’une constatation : l’énorme écart de richesse de vocabulaire entre les enfants du même âge. Se référant à une vitesse moyenne d’acquisition annuelle des mots (mots –racines ou radicaux), il avance un écart de 5 ans entre les enfants de 7 ans au vocabulaire le plus riche et les enfants du même âge au vocabulaire le plus pauvre. Ce n’est pas une mesure exacte, mais un repère. Alain BENTOLILA constate que l’école est incapable de combler ce retard entre le CE2 et le CM2. 

« Les élèves qui ont accumulé un retard de plusieurs années en CE1 ont énormément de mal à comprendre les textes correspondant en principe à leur niveau scolaire ».</o:p>

Les causes de cet état de fait sont connues : elles sont culturelles et sociales.

Alain BENTOLILA ne développe pas dans son texte une évidence : dès la naissance, le bébé apprend en écoutant et, par la suite, plus on lui parle, plus il apprend. Le vocabulaire acquis dans les premières années est directement lié à celui des personnes qui l’entourent. Or toutes les familles ne sont pas à égalité sur ce plan.

L’auteur explique comment l’enfant qui vit dans un entourage restreint, sans ouverture sur le reste du monde, n’a pas besoin de fournir des efforts pour se faire comprendre ; il peut se limiter à des expressions conventionnelles et à un vocabulaire restreint.

L’ouverture provoquée par la fréquentation de l’école peut être brutale : « le langage dont disposent certains élèves à la veille d’entrer au CP est ainsi incompatible dans ses structures mêmes avec une entrée sans rupture dans le monde de l’écrit ».

Par réaction, certains se referment : « la méfiance à l’égard des mots inconnus s’installe ».

Les préconisations

De ces constats, Alain BENTOLILA déduit logiquement la nécessité de développer le vocabulaire par un enseignement systématique, du début de la maternelle à la fin du primaire, et en conséquence :

– établir la liste des mots qu’il faudra apprendre de façon urgente aux élèves moins pourvus dès la grande section de maternelle
– établir, de la grande section jusqu’au collège, une progression dans l’apprentissage du vocabulaire qui commencera par les mots les plus courants et les plus fréquents pour aborder progressivement ceux plus rares et plus précis.
– pratiquer chaque semaine 2 leçons de mots d’une demi-heure
– fonder la pédagogie sur une progression rigoureuse, des séquences spécifiques, des activités systématiques et régulières

Recommandations

(Texte intégral de la dernière page du rapport)

1. Donner à l’acquisition du vocabulaire des temps spécifiques en dehors des activités de lecture : les leçons de mots qui doivent permettre de cerner le sens propre et figuré des mots, leur composition et leur étymologie.

2. Lors de chaque activité de lecture, prendre le temps d’une réflexion sur les mots nouveaux afin d’en définir le sens contextuel, d’en discuter le sens propre et de fixer ces mots nouveaux.

3. Leçons de mots et travail après lecture induiront des activités à faire le soir.

4. Un cahier de mots permettra de garder trace des acquisitions de vocabulaire. Véritable trait d’union entre l’école et la maison, il suivra la progression des acquisitions de classe en classe.

5. Donner aux maîtres, lors de leur formation initiale et continue, les connaissances utiles pour comprendre le fonctionnement du système lexical.

6. Former les professeurs à savoir mettre en œuvre des activités pédagogiques efficaces permettant de faire acquérir et de fixer le vocabulaire.

7. Définir pour chaque niveau de classe le fonds commun de vocabulaire qu’un élève ne saurait ignorer. Cet affichage sera la boussole des maîtres et des parents.

8. Fournir aux professeurs les listes de fréquences lexicales permettant de mettre en œuvre une progression maîtrisée.

9. Fournir aux professeurs et aux éditeurs les instruments d’analyse de la lisibilité des textes.

10. Etablir dès le début de l’école maternelle un véritable programme d’apprentissage du vocabulaire de 365 mots nouveaux par année.

L’acquisition du vocabulaire – Nos commentaires

I – Nous sommes bien entendu d’accord sur la nécessité d’un enseignement du vocabulaire spécifique, explicite, progressif, et systématique, tel que le pratiquaient des instituteurs avant même la IIIème République. 

Ceci par opposition, comme le dit l’auteur, à « un enseignement qui cultiverait l’aléatoire, l’occasionnel, le superficiel« , termes caractérisant parfaitement le départ global, comme l’enseignement transversal du français au travers des autres disciplines.

II – Nous approuvons aussi l’idée d’enseigner le vocabulaire dès le début de la maternelle, puisque la maternelle est faite pour prendre le relais de la mère, et se substituer aux parents défaillants dans l’instruction de leurs enfants, quelle qu’en soit la raison.

 Le rapport ne développe pas une différence importante entre la maternelle et le primaire : tant que l’enfant ne sait pas déchiffrer l’écrit, l’apprentissage du vocabulaire doit rester purement oral. Il est ainsi débarrassé des difficultés orthographiques : un enfant de 5 ans ne sachant pas lire peut parler de bicyclette ou de photographie.

L’enseignement oral peut traiter de la discrimination des sons de la langue parlée, de la prononciation correcte, de l’articulation et donc de l’existence de syllabes, de l’existence des mots. L’oral est aussi l’occasion d’apprendre à parler un français correct, selon une syntaxe simple.

Le rattrapage, avant l’entrée au CP, de la maîtrise du langage parlé par les enfants les plus faibles, est un objectif majeur, à la fois pour favoriser l’égalité des chances, et pour garantir l’efficacité maximale de l’enseignement primaire.

C’est là, en maternelle et en CP, que devraient être concentrés l’essentiel des moyens du soutien scolaire, dès que les programmes et la pédagogie du CP auront été remis d’aplomb. Alors le soutien scolaire après le CP devrait être exceptionnel.

III – Le schéma d’apprentissage du vocabulaire serait donc le suivant :

– jusqu’au début de l’apprentissage de la lecture-écriture, au début du CP ou dans le courant de la GS de maternelle : maîtrise du langage oral simple et correct, vocabulaire et syntaxe
– pendant le début alphabétique jusqu’au déchiffrage courant, le vocabulaire est imposé par la pédagogie
– ensuite, acquisition du vocabulaire comme le recommande ALAIN BENTOLILA : « … cerner progressivement le sens propre des mots (celui qu’ils ont hors de tout contexte) et (…) démonter ces mots pour découvrir les composants morphologiques, l’étymologique et l’orthographe ».

IV – Alain BENTOLILA propose d’établir des listes types de vocabulaire, semble-t-il pour toutes les classes? Sur quelles bases ?

Pour le niveau d’entrée au CP, il propose une solution pragmatique et conforme à son propos, qui est le rattrapage : identifier les mots connus par les enfants ayant un vocabulaire étendu, et en déduire le minimum devant être acquis par les autres.

Pour les élèves du primaire, il propose de se fonder sur des listes de fréquences de mots, sans indiquer les sources ou références : langage parlé ? langage écrit ? par qui ?

Quant au niveau requis à l’entrée en 6ème, il nous semble que les références sont de deux ordres : d’une part des références littéraires – vocabulaire et syntaxe – en rapport avec la capacité à aborder des études « classiques » ; d’autre part la référence du vocabulaire de la vie courante à notre époque, en rapport avec la capacité à aborder des études pratiques.

NB1 – Le choix de références littéraires (certains auteurs, certains ouvrages, certaines pages) éclairerait en outre l’exigence formulée par ALAIN BENTOLILA : « Il faut contrôler la fréquence du vocabulaire et aussi la complexité syntaxique des textes que l’on donne à lire ».

NB2 – Dans le primaire, les enseignements autres que celui du français contribuent à développer le vocabulaire. Les » leçons de mots » devraient apporter des compléments.

Rapport complet

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