L’idéal.

On a retenu la réforme HABY, mais le véritable père en est VGE, qui, peu après son élection, en juillet 1974, déclarait : le collège unique a « pour premier objectif d’élever la culture des Français ».
« On peut se poser la question de savoir si, à côté de l’obligation… jusqu’à 16 ans, il ne faudrait pas donner à chaque français un savoir minimal… savoir commun, variable avec le temps et exprimant notre civilisation particulière ».
Il s’agissait d’un collège sans filière, « recevant tous les jeunes Français pour y recevoir la même éducation ».
Le projet comportait des dispositifs de soutien, corollaires de l’hétérogénéité voulue des classes.
Le parallélisme avec les intentions de Jules Ferry est frappant, et les deux projets comportent des lacunes qui ne seront jamais comblées par la suite.
Jules Ferry mentionne les savoirs « qu’il n’est pas permis d’ignorer » mais il n’a pas exigé une définition opérationnelle de ces savoirs permettant de contrôler leur acquisition par un examen. Il n’a pas demandé que soient précisés les niveaux de savoir qui étaient à la portée des bons élèves, de telle sorte que les instituteurs aient des repères dans l’accomplissement de leur mission d’instruire, sinon tous leurs élèves, du moins une très large proportion d’entre eux.
VGE n’a pas non plus demandé la définition des savoirs « plancher », et les expressions de « SMIC culturel » et de « culture commune » ont suscité des polémiques inutiles. Donc pas d’examen attestant la maîtrise de ces savoirs.
Pas de description non plus de savoir « plafond », que peuvent dépasser de bons élèves, après 9 ans d’instruction obligatoire. VGE pensait peut-être, comme la plupart des Français, que le plafond était défini par les programmes, ce qui n’est pas.
« Élever la culture des Français » n’est pas un objectif opérationnel. Il aurait mieux valu cerner davantage cette ambition en énonçant l’objectif de « permettre à chaque élève d’atteindre le plus  haut niveau de savoir permis par ses capacités et motivations » (et par 9 ans d’instruction). Cette formulation est plus précise (elle se trouve déjà dans le plan Langevin-Wallon) mais la seule forme vraiment opérationnelle est la description des acquis des élèves, vérifiables par un examen.
On note aussi l’absence, dans le projet de VGE, des activités dites « accessoires » mais essentielles pour Jules Ferry, qui répondent à des besoins réels des adolescents comme des enfants, et qui à ce titre pourraient faire l’objet d’une obligation – entraînant évidemment des temps « scolaires » plus longs.

Les réalités.

• Dès l’origine, le Collège unique a suscité des polémiques qui perdurent. Certaines sont justifiées ; beaucoup sont superficielles mais elles ont pu entraîner des décisions regrettables, résultant de l’incompétence quasi générale du personnel politique dans le domaine de l’éducation.
• Les prémices de la dérive de l’enseignement primaire étaient posées des 1975, et cette dérive n’a fait que s’accentuer, ne serait-ce que par l’effet mécanique de la substitution de nouveaux enseignants mal formés aux enseignants expérimentés.
La débâcle du primaire a une très forte influence sur le secondaire et atteint maintenant l’enseignement supérieur.

Tout cela n’était pas inévitable.

• L’idéal d’un collège unique, communauté d’adolescents issus de milieux différents, diversement doués pour diverses études, ayant des aspirations différentes, cet idéal est conforme à notre idéal républicain d’amener chaque élève au plus haut niveau de savoir selon ses capacités et motivations.
• Au même âge, les différences et inégalités entre enfants du primaire sont importantes. Entre adolescents, elles sont énormes, sans parler des différences entre les garçons et les filles. Notre conception d’une société harmonieuse est fondée sur la diversité des personnes.
La solution ne se trouve pas dans les filières, une filière étant, à l’origine, un dispositif dans lequel on pousse de la matière en entrée pour qu’elle en ressorte sous une forme imposée.
• Notre hypothèse est que le collège unique ne se conçoit que sous la forme d’un assemblage de groupes de niveaux, par disciplines académiques ou autre activités.
Par définition, l’hétérogénéité des élèves d’un groupe de niveau est limitée ; non seulement elle n’entrave pas le travail de l’enseignant, mais elle peut avoir des aspects bénéfiques pour les élèves.
Pour passer dans une même discipline ou activité d’un groupe à un autre, il faut justifier de savoir maîtrisé, ce qui concrétise l’obligation pour chaque élève de progresser, mais à son rythme.
• Un groupe de niveau reçoit des élèves d’âge différent, ce qui permet à chacun d’avancer à son rythme et de changer d’orientation. Ainsi, le niveau de la culture commune obligatoire peut être atteint à des âges différents, les élèves s’instruisant, au-delà, selon leurs goûts et capacités.

• Les groupes de niveau sont la solution de l’énorme problème posé par le projet de 1975 : la nécessité de créer des dispositifs importants de soutien pour les élèves les plus lents de chaque classe. Cette difficulté croît avec l’âge, car l’enseignement est l’une des causes d’inégalités dans le savoir.

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