Les méthodes vues au travers des commentaires spontanés
Enquête sur la lecture 2009-2010 (printemps 2010)
L’analyse présentée ci-dessous est fondée sur les commentaires facultatifs rédigés par des parents ayant répondu à notre enquête, soit :
– des parents ayant un enfant en CP en 2009-2010
– des parents ayant un enfant en CE1 en 2009-2010, donc présents en CP en 2008-2009
Sur les 787 réponses à l’enquête, 364 concernaient des élèves de CP et CE1, un peu partout en France. Sur ces 364 réponses, 93 comportaient des commentaires.
L’analyse portera d’une part sur les opinions exprimées par les parents, d’autre part sur le point de vue des enseignants.
I – Opinions des parents
A – Schématiquement :
– quelques parents apprécient l’apprentissage mixte
– très peu défendent le global
– la plupart rejettent le global, ou la perte de temps qu’il occasionne dans l’apprentissage mixte, et sont favorables à l’alphabétique
– quelques-uns, satisfaits de l’alphabétique avant le CP (en GS ou à la maison) « regrettent que l’année de CP et le par coeur de la méthode globale deviennent vite ennuyeux ».
B – La méthode globale
. elle est rarement appréciée, néanmoins pour certains :
– elle diffère de la méthode traditionnelle jugée « ringarde, rétrograde et infantilisante ».
– elle permet d’avoir « plus vite le plaisir de lire par déduction avec le contexte ».
. elle est critiquée, parfois violemment, comme en témoigne le vocabulaire employé : « victime, catastrophe…je suis scandalisée…c’est un poison dans la tête de mon enfant… »
« les enfants ne déchiffrent pas, inventent, devinent avec des confusions : maison pour maçon par ex, méthode qui démolissent nos enfants, approximations, perte de temps, de sens, manque de vocabulaire » Les parents parlent d’un réel gâchis et déplorent de devoir se substituer à l’enseignant car la base est sabotée.
Certains parents sont en colère quand ils voient les résultats de leurs enfants et constatent que celui qui apprend avec la méthode globale prend du retard, ne sait pas lire en mars, que la plupart des élèves de la classe sont en difficulté, que beaucoup ne sauront pas lire en fin d’année.
Une exception « heureusement elle aime lire malgré les difficultés et hésitations avec le global »
Pourquoi ?
Elle fait appel à la mémoire et au par coeur supprimant l’analyse et la progression logique.
Elle incite les élèves les moins doués pour cette méthode à deviner plus qu’à déchiffrer.
Les enfants ont une incapacité à lire ou déchiffrer les mots nouveaux.
Les parents déplorent le manque de rigueur et de précision, les mauvais résultats en orthographe,
le peu de cas de l’apprentissage de l’écriture et du geste graphique, la perte de sens de la phrase lorsque les enfants butent ou devinent mal un mot qu’ils ne peuvent déchiffrer faute d’apprentissage analytique.
Conséquences :
Les enfants hésitent en lisant ou sont bloqués ou manquent de plaisir à lire. certains baissent les bras, les parents parlent alors de « vrai casse-tête ».
Ils ne sont pas autonomes car ils ne peuvent faire des progrès en lecture puisqu’ils ne peuvent déchiffrer tout seuls les mots nouveaux.
Ils accumulent du retard dans l’acquisition du vocabulaire, lequel reste pauvre.
Il arrive que le passage d’une méthode à l’autre en cas de changement d’école les confronte à des apprentissages différents qui les embrouillent.
Ils peuvent se sentir « largués » : « ma fille a beaucoup de mal à s’approprier les sons et confond ceux qui se ressemblent en écriture, l’enseignement est très désorganisé »
On regrette aussi l’utilisation de petits textes sans intérêt ou cohérence.
Des parents choisissent l’école qui va assurer un enseignement en syllabique ou déscolarisent leur enfant.
Quelques « dégâts »:
Une orthophoniste parle d’une enfant de CM1 retournée en CP qu’elle essaie de rééduquer en substituant déchiffrage à devinettes et imprécisions.
Pour cause de changement d’école une petite fille est confrontée à une nouvelle méthode, celle des Alphas, pourtant dite ludique, résultat : est complètement larguée.
Mauvaise écriture, mauvaise orthographe
Un enfant redoublant le CP a été taxé de dysphasie;
Par contre : « 3 mois de global avant d’aborder le syllabique : enfant dit en grande difficulté par la maîtresse depuis la GS ; puis avec l’emploi de la méthode Boscher et Rémi et Colette, un déclic se produit entre octobre et décembre et à la fin du trimestre, l’enfant sait lire, est plus à l’aise ».
C- La méthode mixte
Elle semble également peu appréciée : des termes comme « la méthode semi-globale est ahurissante » sont utilisés.
Mélange de méthodes en continu ou passage progressif de l’une à l’autre
Il s’agit parfois d’un « mix » élaboré par un ou deux enseignant(e)s qui déstabilise complètement l’enfant qui n’y comprend plus grand chose.
Elle entraîne également hésitations et peu d’enthousiasme à lire.
Parfois cependant elle est mieux perçue.
C’est le cas de parents qui disent que tout dépend de la qualité de l’enseignant
ou des capacités de l’enfant à s’adapter aux différentes méthodes.
« le goût de lire passe plus par les albums de qualité et des supports variés, le global peut être bon pour certains, moins bon pour d’autres ».
« son jeune frère sait pratiquement lire en moyenne section (syllabique et par coeur) »
A son avantage :
une bonne approche de l’apprentissage surtout s’il est suivi également de l’emploi des syllabes et des sons, car ainsi l’enfant peut progresser à un bon rythme. « l’enfant choisit ce qui lui convient, il sait lire à Noël »
Quels que soient l’apprentissage et ses méthodes, syllabiques / mixtes/ globales/ ce qui compte c’est « que la méthode soit adaptée à l’enfant »
un parent cite la méthode Freinet, à ce sujet
« c’est la maturité de celui-ci, la motivation du professeur et son degré d’exigence qui comptent vraiment ».
D – La méthode alphabétique
Elle est vue comme claire, simple, progressive, logique, permet de déchiffrer sans avoir appris par cœur des mots-étiquettes, permet une meilleure orthographe, l’acquisition rapide de la lecture, à Noël environ.
Elle est largement plébiscitée; le vocabulaire employé par les parents comme par les enseignants qui se sont exprimés en est également témoin :
» heureusement que…100% satisfaite… remarquable… indispensable… plaisir d’enseigner, confiance des parents, sérénité, plaisir des enfants..
progrès plus rapides,
logique qui ne perturbe pas l’enfant
plaisir de lire et autonomie.
petit bémol : certains parents ou enseignants aiment réduire le côté un peu fastidieux en y adjoignant des pratiques un peu plus ludiques
comme la gestuelle Borel-Maisonny
ou la méthode des Alphas, réputée la plus ludique.
certains peuvent avoir des difficultés à lire des mots longs mais plaisir à lire de petites histoires; aussi peuvent-ils encore ânonner mais sans être gênés par ce qu’ils lisent.
Un parent dont l’enfant savait déjà lire en GS et a sauté le CP dit continuer à le faire lire avec la méthode Boscher.
Un autre dit « mon enfant a de la chance d’apprendre facilement contrairement à d’autres de sa classe et d’avoir abordé le CP en ayant déjà compris le combinatoire avant le CP ».
E – Réactions des parents à l’égard du global
. Tout d’abord, un grand nombre de parents, en prévention de la méthode globale, prennent les devants, estimant que :
« s’ils n’avaient pas appris à lire à leur enfant avant le CP ou le soir en CP, leur enfant serait perdu ou ne saurait pas lire correctement ».
« plutôt prévenir que guérir ».
Ainsi, les moins inquiets sont ceux qui déclarent que leur enfant savait déjà lire avant l’entrée au CP tout en disant que pour les autres de grosses difficultés demeurent jusqu’à la fin de l’année , doutant qu’ils sachent lire à cette époque.
. D’autres changent l’enfant d’école, notamment vers le privé sous ou hors contrat.
Certains déscolarisent totalement leur enfant pour ne prodiguer qu’un enseignement à la maison soit jusqu’au collège, soit jusqu’en CE1 car l’enfant souhaite retrouver des camarades en classe.
. Parmi ceux qui maintiennent leur enfant dans la même école, certains s’alarment du fait que leur enfant ne sache pas lire en mars ou fin mars,
d’autres sont soulagés, après avoir été effrayés des débuts en global, que l’enseignant en vienne au syllabique et estiment qu’il y a eu perte de temps,
d’autres très inquiets du devenir scolaire de leurs enfants et déboussolés ne savent pas s’ils doivent les instruire eux-mêmes, de peur de les déstabiliser encore plus.
. Pour beaucoup, l’apprentissage à la maison avec une méthode syllabique double l’apprentissage « global » à l’école.
Certains s’y adonnent sans hésitation ni état d’âme et prétendent avoir « sauvé » leur enfant :
changement de méthode le soir à la maison pour compenser l’apprentissage global fait en classe « de devinettes, approximations et sentiment de casse-tête de l’enfant ».
Certains déplorent le manque de livre, de travail, de lectures à faire à la maison, la pauvreté du vocabulaire, le peu de dictée, le manque de travail en écriture. Ils reprochent à certains enseignants de l’apprentissage « global » de se contenter du niveau médiocre de leurs élèves , même de ceux dits les meilleurs et, par manque d’exigence, de ne pas signaler aux parents les difficultés que ceux-ci perçoivent chez leurs enfants.
pour certains enfants en CE1 c’est le recours à l’orthophonie « alors que l’enseignant avait estimé que cela ne valait pas la peine ».
D’autres au contraire reprochent aux enseignants de taxer trop facilement les enfants « d’élèves en grande difficulté ».