Une classe expérimentale de CP

Le monde enseignant s’interroge,

et se divise aussi, sur la pertinence des méthodes d’apprentissage des savoirs fondamentaux. Pour lutter contre l’échec scolaire, un retour à des principes plus classiques est proposé et des classes expérimentales sont mises en place comme à l’Ecole du Centre de Gien avec Pascal Dupré. Les statistiques le montrent régulièrement : l’échec scolaire reste important en France.

A l’origine une acquisition désastreuse des savoirs fondamentaux (lecture, écriture, calcul) qui ruine la scolarité d’un grand nombre d’enfants (voir nos éditions du 2 février et du 27 avril 2006). Une partie du corps enseignant s’en désole et est entrée en résistance pour promouvoir le retour à des méthodes de lecture, dites syllabiques (à tort car on devrait plutôt dire alphabétiques), plus traditionnelles. … (…) Marc Le Bris, instituteur et auteur de "Et vos enfants ne sauront pas lire, ni compter…" l’un des piliers du Groupe de réflexion interdisciplinaire sur les programmes (GRIP), mis en place par des enseignants de tous horizons pour promouvoir une école de la réussite à travers des programmes rénovés, a été déchargé d’enseignement cette année. Il lui a été demandé de travailler à l’élaboration de programmes et à la coordination du réseau Savoir Lire Ecrire Compter Calculer (SLECC). Il pourra donc suivre la mise en place et les travaux des classes expérimentales autorisées par le ministère, dont celle de Pascal Dupré.

Cette classe expérimentale,

qui intéresse un CP où l’apprentissage de la lecture constitue l’essentiel du programme, aurait dû voir le jour dès l’an dernier. "L’autorisation est arrivée en fin d’année scolaire alors que le conseil d’école s’était prononcé favorablement début février" raconte Pascal Dupré. Ce délai démontre les réticences que peut rencontrer un tel projet même si "les réponses ont été plus ou moins rapides selon les Académies"… et plus ou moins motivées.

Car certaines demandes ont été rejetées ce qui a bien failli arriver à celle de l’instituteur giennois au prétexte "que le travail d’équipe au niveau des enseignants" n’était pas suffisamment pris en compte. Mais finalement tout est rentré dans l’ordre et la classe expérimentale sera mise en place en ce début d’année scolaire. Pascal Dupré n’aura pas pour autant les coudées franches. "Cette expérimentation restera limitée car nous sommes obligés de suivre les programmes 2002 pour permettre aux enfants d’avoir un cursus scolaire normal par la suite, même si nous avons plus de latitude dans le choix des méthodes" Pour lui qui adhère au projet du GRIP, il s’agit "de s’appuyer sur les méthodes mises en place par les fondateurs de l’école publique, comme Ferdinand Buisson à la fin du XIXe siècle, que certains enseignants ont complètement redécouvert. Cette méthode consiste à apprendre, dès le départ, simultanément l’écriture de chaque lettre et sa lecture. C’est une méthode d’écriture-lecture qui associe le son à la lettre et diffère des méthodes actuelles : on part de l’élément son et de la lettre qui lui correspond, pour aller à la syllabe, au mot, à la phrase et enfin au texte".

En calcul, la démarche est identique. On s’oriente vers "un apprentissage simultané des quatre opérations et de la numération pour permettre de bien comprendre la numération décimale. Bref, c’est ce qui se faisait avant les maths modernes. Et nous reviendrons au travail sur les nombres concrets" détaille Pascal Dupré.

Au delà, les classes expérimentales comme la sienne, ont l’ambition de produire de nouveaux manuels.

"C’est pourquoi nous démarrons l’expérience en cours préparatoire" ajoute-t-il. Pourtant, "le mouvement dépasse le seul cycle primaire pour s’étendre au secondaire, principalement au niveau des professeurs de français, les plus atteints par les lacunes de leurs élèves en lecture. C’est aussi vrai pour les professeurs de langues". Le label SLECC devrait coloniser d’autres établissements et toutes les autres matières .

Pour l’heure, deux exigences sont demandées à ceux et celles qui ont pris la responsabilité de cette tâche : accepter une évaluation des résultats obtenus et prévenir les parents de leur démarche. Ce sera chose faite dès la semaine prochaine pour les parents d’élèves de la classe de Pascal Dupré, heureux, pour sa part "de ne plus avoir à se cacher pour conseiller une méthode plus traditionnelle aux parents qui me le demandent, preuve à la fois de leur malaise et de leur prise de conscience".

Au-delà, l’existence des classes expérimentales constitue aussi une manifestation de la liberté pédagogique… au cœur d’un monde éducatif très divisé, au niveau de la hiérarchie, des syndicats, des parents d’élèves et du pouvoir économique, à savoir les éditeurs qui n’envisagent pas sereinement, si les programmes venaient à changer rapidement, de publier de nouveaux livres scolaires, et de jeter à la benne ceux dont ils disposent aujourd’hui. Mais de là à réveiller les fantômes des années de plomb… il y a une marge que certains sont bien tentés de biffer. Or, l’école de la République n’est pas infaillible et ne peut s’affranchir d’une remise en question que, d’ailleurs, les faits lui imposent. Il est à souhaiter que le débat, désormais public, reste exemplaire, et ne prenne en compte que l’intérêt, supérieur à toute autre considération, des enfants.

Martial Poncet

Journal de Gien – 13-09-06 (Extraits)

Une classe expérimentale de CP

         

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