Spontanéisme et onstructivisme

Les courants les plus excessifs de l’Éducation Nouvelle ont été , dès le départ, porteurs du spontanéisme pédagogique.

Le spontanéisme, c’est l’idée selon laquelle dans l’apprentissage réussi, tout dépend de la spontanéité de l’enfant. Les expériences menées sur une grande échelle aux États Unis, en URSS, et aussi en France, montrent les écueils du spontanéisme. Ces écueils se manifestent dans la réduction, la limitation, voire même la destruction de la transmission. Ils sont dus à l’esprit sectaire et exclusif, parfois fanatiques, de certains militants de l’Éducation Nouvelle qui ne savent qu’opposer l’épanouissement de l’enfant à la transmission.

Cet épanouissement ne peut, selon eux, se réaliser à l’école que par le libre choix de ses activités laissé à l’enfant. Tout programme imposé devient dès lors superflu. Poussé à l’extrême, ce raisonnement révèle son absurdité. Sans programme, c’est-à-dire sans transmission progressive des savoirs jugés fondamentaux, chaque nouvelle génération n’est plus reliée aux précédentes, on fait pour elle table rase du passé de la manière la plus artificielle.

Dans ce contexte où domine une certaine forme d’irréalisme, voire d’angélisme, l’ouverture de l’école à la vie, selon l’expression consacrée, prend une dimension brutale : font alors irruption famines et massacres, pollutions diverses et destruction massive des hommes et de la nature, maladies effroyables dont on est tenu de connaître l’existence le plus tôt possible. Dans cette école qui refuse le passé ou bien le filtre, le seul présent acceptable devient celui présenté par les media, où l’exhibitionnisme et le catastrophisme font bon ménage.

Actuellement, dans des textes savants et des textes officiels, la transmission est supprimée au nom de la construction des savoirs par l’enfant. Le constructivisme, prôné par l’institution scolaire, est une version modifiée et radicalisée de l’apprentissage par l’activité, valorisé pas les tenants de l’Education Nouvelle.

Il ne pouvait donc exister qu’une façon d’apprendre, c’était de faire les choses par soi-même, et de les comprendre également par soi-même. Il aurait même fallu retrouver les découvertes faites par l’humanité au cours des siècles, pour les assimiler réellement, puisque le livre ne permet pas d’apprendre, ni la parole du maître. Cette vision de l’éducation a pu être qualifiée d’utopique. Il est en effet difficile d’imaginer un monde dont l’histoire pourrait être connue dans ses faits et dans ses réalisations sans transmission explicite, dans une éternelle reconstruction.

…/… on doit tenter de comprendre ce qui se passe dans à l’école. Pour beaucoup d’enfants, le lien est très fort entre l’incompréhension et l’ennui. La responsabilité des adultes est grande, quand ils ne donnent pas aux enfants les moyens de comprendre et d’apprécier ce qu’ils doivent leur faire connaître. Elle est grande aussi , quand dans les lieux de formation, on initie les futurs maîtres à l’idée étrange que l’enfant pourrait seul construire ses savoirs. On n’aide pas ces futurs maîtres à s’impliquer dans leur tâche, dont l’objet principal demeure, quoi qu’on en dise, l’instruction des enfants.

La manière dont la transformation de l’enseignement est menée aboutit à détruire la forme artisanale de la relation pédagogique, donc à modifier les rapports interpersonnels. Les enfants d’aujourd’hui connaissent une école différente de celle qu’ont connue leurs prédécesseurs, l’ambiance y est différente, car elle comporte beaucoup plus d’activités non spécifiquement scolaires, comme le sport, les sorties culturelles, les visites de musées, les classe de nature. L’exigence scolaire se dilue dans la diversité des activités, la distinction entre ce qui est important et ce qui l’est moins n’est plus aussi évidente. Le divertissement est entré dans l’école avec le tiers temps pédagogique.

Extrait de  »La destruction de l’enseignement élémentaire et ses penseurs »
L.LURÇAT – F.X. De Guibert 1998

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