Philippe NEMO   Editions de SOS Education – 2016

Dans un petit livre de 70 pages environ, Philippe Nemo, philosophe et historien des idées politiques aborde un vaste sujet : par quoi remplacer un système d’enseignement étatique et monopolistique, confié à « une bureaucratie peu productive et largement irresponsable » ?

• Ce phénomène, commun à plusieurs pays européens, est relativement récent car, en remontant à l’antiquité, on voit que les écoles ont souvent été les lieux associant élaboration et transmission du savoir. Elles ont toujours, au fil des temps, voulu défendre leur indépendance vis-à-vis des pouvoirs politiques et religieux. L’auteur note aussi, que, corrélativement, elles ont beaucoup plus bénéficié de l’aide financière de mécènes, plutôt que de subventions des Etats.

• Pour l’auteur, l’Etat n’a aucune légitimité à enseigner directement, cause de nombreux dysfonctionnements : pensée unique, dérivés politiques ou idéologiques, qui engendrent naturellement de fortes oppositions. Car chaque problème doit recevoir une solution unique définie par le sommet de la pyramide hiérarchique.
A l’Etat éducateur et instructeur, Philippe Nemo oppose le pluralisme des établissements scolaires, source d’émulation, d’innovation, de progrès. Il évoque de nombreux exemples des possibilités offertes, dans divers domaines, par la structure pluraliste.

• Cependant, le pluralisme d’établissements privés pose la question du financement. Ainsi, ni un statut public pur (financé par l’Etat), ni un statut privé pur (financé par la société civile) ne sont souhaitables.
Philippe Nemo en arrive à la formule suivante, pour « l’éducation générale de base » : financement collectif, service éducatif pluraliste.

Une proposition de structure

• Cette proposition concerne les établissements privés, coexistant avec les systèmes actuels (l’Education Nationale pour la France), étant entendu que la concurrence des établissements autonomes poussera les établissements publics à évoluer dans le bon sens.
Dans cette structure, l’Etat joue un rôle de régulation, ce qui implique l’existence d’un « organe d’agrément et de contrôle », indépendant des établissements publics ou privés.

• L’Etat définit des normes minimales (qui ne sont pas des programmes) et un cahier des charges imposé aux établissements. Il délivre un agrément aux établissements au vu de leur projet propre. L’organe d’agrément et de contrôle peut retirer l’agrément au vu de mauvais résultats aux examens obligatoires (fin de primaire, brevet, baccalauréat). L’agrément est ainsi décerné à des établissements « qui servent manifestement l’intérêt général ».
Les établissements adhèrent volontairement, selon leurs affinités, à des réseaux français ou européens. Ces réseaux peuvent, entre autres, assurer la formation initiale et continue des enseignants. 

Nos observations

• Elles se limitent à l’instruction obligatoire, ou plus exactement à la transmission des savoirs aux enfants et aux adolescents de moins de 18 ans.
Nous sommes, pour l’essentiel, en accord avec les idées exprimées dans cet  ouvrage ; quelques points, toutefois, nous semblent discutables.

Autonomie. 
C’est le terme retenu par Philippe Nemo. L’autonomie des établissements serait hautement souhaitable dans l’enseignement public. Pour le secteur privé, nous préférons le terme de liberté, au sens courant : capacité générale d’agir dans le cadre des lois, et dans le respect des droits des tiers.

Examens.
 Des examens nationaux, objectifs, neutres, fiables et constants dans le temps sont nécessaires dans un système pluraliste. Ils donnent les repères communs (ils devraient être aussi imposés aux établissements publics).
Les examens  caractérisent les objectifs que l’Etat fixe au système d’enseignement. L’atteinte de ces objectifs est la justification de l’effort financier de l’Etat.
L’organe indépendant doit contrôler la régularité des examens (passation, notation). Il ne doit contrôler ni la pédagogie ni la gestion financière des établissements qui ont de bons résultats.

Filières homogènes.
L’auteur prône les filières homogènes par opposition aux classes volontairement hétérogènes dans le secteur public. Le terme « filière » a l’inconvénient de désigner un dispositif tel que, une fois entamé, on le suit jusqu’au bout. La notion de filière semble aussi en contradiction avec le pluralisme des établissements. Qui définira les filières, sinon l’Etat ?
A la diversité des filières offertes aux élèves, nous préférons la diversité des  parcours choisis par les  élèves (ou leurs tuteurs). Mis à part le minimum  culturel, les parcours dépendent des capacités et motivations des élèves. Les parcours sont facilités lorsque l’enseignement est structuré par groupes de niveau.

Financement.
Sur ce point, les propos de Philippe Nemo sont quelque peu ambigus, lorsqu’il propose que le financement public soit alloué en fonction de l’intérêt général. Il adopte une thèse libérale selon laquelle l’enseignement devrait être payé par celui qui en bénéficie – par exemple celui qui peut tirer, à court terme, un bénéfice personnel d’une bonne formation professionnelle.
Ces questions ont du sens pour l’enseignement des adultes, qu’il s’agisse ou non d’enseignement supérieur. Mais elles posent cependant problème : si une femme ayant suivi un enseignement supérieur coûteux consacre dix années à ses enfants, qui peut déterminer que c’est au détriment de l’intérêt général ?

Mais ces questions ne se posent pas pour l’enseignement des mineurs. Il faut de tout pour faire un monde, et l’intérêt général n’est certainement pas de pousser le maximum d’élèves dans les disciplines académiques.
Pour les mineurs, le plus simple est d’en rester à l’idée que c’est l’obligation scolaire qui justifie le financement par l’Etat. Cette obligation est délimitée par les objectifs définis aussi bien pour l’apprentissage que pour les disciplines académiques.
Le financement doit être, comme l’obligation, le même pour tous les élèves, sauf modulations justifiées par les difficultés techniques ou sociales de l’enseignement.

 

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