Sous ce titre, un professeur de lettres, Antoine Desjardins, publie une sorte de manifeste. Cette déclaration fougueuse inventorie (presque) tout ce par quoi l’Education Nationale entrave la transmission du savoir.
Commentaire d’une enseignante : … nous avons eu un second jour de formation collective des formateurs « Vous, professeurs, vous n’êtes pas là prioritairement pour transmettre des connaissances, mais pour transmettre les valeurs de la République ».
Antoine Desjardins soutient aussi un appel de Sauver les lettres, pour le rétablissement des horaires de français, au niveau, semble-t-il, de ceux de 1976.
L’ensemble présente, selon nous, quelques contradictions.
Anarchie
Comment un anarchiste, certes éclairé, peut-il supporter d’œuvrer dans une institution cultivant une idéologie totalitaire ? Envisage-t-il de profiter de sa qualité d’enseignant pour déposer quelques bombes rue de Grenelle ?
Résistant, met-il déjà en pratique toutes les résolutions qu’il exprime au futur ? Est-il, de ce fait, victime du harcèlement hiérarchique ? Ne pourrait-il en faire autant, voire plus, en travaillant en indépendant, sans Dieu ni maître ?
Ou bien s’agit-il simplement d’un procédé littéraire pour susciter l’intérêt du lecteur?
Liberté pédagogique
Une liberté est un droit, forcément limitée par des devoirs. En l’occurrence, le devoir essentiel est de répondre aux vrais besoins des élèves, avec la volonté d’exigence pour tous, comme le dit l’auteur. On imagine volontiers qu’Antoine Desjardins ne peut être pris en défaut sur ce point.
Mais est-il naïf au point de croire que tous ses collègues instituteurs et professeurs de lettres ont les mêmes exigences, qu’aucun n’invoque la liberté pédagogique pour s’installer dans un conformisme commode ?
La quasi-totalité de ce manifeste est écrit à la première personne « Je », sauf une phrase, in fine, « il est grand temps… d’aller vers une école démocratique… », qui manifestement concerne tous les enseignants. C’est surprenant.
Le rétablissement des horaires de français
Cet appel, soutenu par Antoine Desjardins demande que l’horaire global de français dans le primaire et au collège, revienne de 2200 heures à 2800, comme en 1976.
Aucune allusion au fait que, pour la moyenne des élèves, l’instruction reçue en une heure de cours en 2016 est de qualité très inférieure à celle reçue en 1976, en raison d’une part des pratiques constructivistes et du laxisme généralisé, et aussi des effets cumulatifs de la débâcle.
Le jour où la liberté pédagogique sera limitée par le devoir de non malfaisance (primum non nocere), les 2200 heures seront, selon le souhait d’Antoine Desjardins, « du temps entièrement disciplinaire, du bon temps qui dure, épais et solide ». Il sera alors possible de passer à 2800 heures utiles, car augmenter l’horaire sans changer les pratiques serait inopérant.
L’appel de Sauver les lettres semble aussi négliger une distinction majeure:
-dans le primaire, si les instituteurs étaient libérés de toutes les activités et pratiques chronophages, ils pourraient aisément augmenter le temps consacré au français
-au collège, si le temps de service des professeurs n’est pas modifié, l’augmentation des horaires de français implique le recrutement de professeurs supplémentaires, sauf si les professeurs de lettres acceptent de donner, par amour de leur métier, une heure ou deux de plus par semaine sans contrepartie.
Ce détail n’a pu échapper à Sauver les lettres.
Toutes les initiatives sont respectables, mais un peu de cohérence ne serait pas superflu.