Orthographe

A quoi pensait notre ministre lorsqu’elle a lancé dans l’enseignement cette réformette de l’orthographe ? A rien, sans doute ; elle a répété ce qu’on lui a demandé de dire. On peut imaginer que ses "communicants" ont conçu ce modeste brûlot, capable de déclencher un orage médiatique, certes de peu de durée, mais c’est toujours autant de gagné.

 

La querelle de l’orthographe revient périodiquement à la surface. En 2009, François de Closets a publié un excellent ouvrage que nous avons présenté sur notre site : "Zéro faute – l’orthographe, une passion française". Nous avancions quelques propositions qui sont toujours d’actualité.
La place de l’orthographe dans notre langage et dans l’enseignement.
PARLER.
La langue est d’abord parlée – exclusivement, avant l’invention de l’écriture. La langue orale n’a pas d’orthographe ; c’est en l’écrivant que l’on a été porté à en fixer la forme et la prononciation des mots, à développer la grammaire.
Parler est un mode essentiel de communication entre les hommes. C’est pourquoi l’enseignement primaire et secondaire devrait faire une large place à l’expression orale, par la lecture à haute voix, la récitation, l’exposé, le tout en bon français et non en langage courant constamment dégradé.
LIRE
Dès qu’il dispose d’un vocabulaire suffisant, et qu’il connaît quelques particularités orthographiques, (le ph prononcé "f", le y prononcé "i", les lettres muettes, etc…), le lecteur qui a dépassé le stade du déchiffrage reconnait dans l’écrit des mots qu’il entend mentalement. Il n’est pas arrêté par les singularités orthographiques de notre langue ; il n’y a pas trente-six façons de prononcer "ornithorynque" ! Lorsqu’il connait la prononciation correcte de "un héron" "une hélice" "incohérent", il n’a pas besoin, pour lire, de se poser beaucoup de questions sur le h aspiré ou muet.
Certes le français écrit comporte quelques sources de confusion dans la prononciation, mais la plupart sont maîtrisées dans les deux premières années d’un apprentissage alphabétique.
Malgré l’invasion de l’image et du son, malgré les manuels scolaires transformés en BD, la lecture demeure toujours indispensable dans la vie professionnelle comme dans la vie courante, sur papier comme à l’écran.
ECRIRE
L’écriture est la seule activité mentale fortement conditionnée par l’orthographe, évidemment plus en français qu’en italien dont l’écrit est très phonétique. Mais il est facile d’écrire en quasi phonétique, de façon que le texte français soit compréhensible lorsqu’il est lu à haute voix. Ecrire de façon imprononçable est caractéristique de maltraitance pédagogique lors de l’apprentissage.
L’écriture en français correct, manuscrite ou dactylographiée, tient de moins en moins de place dans notre vie courante et professionnelle. Le temps où l’on obligeait les enfants à écrire à leurs grands-parents est définitivement révolu. Le téléphone a d’abord détrôné l’écrit. Avec le "numérique", les codes, les graphiques, les symboles ont accéléré l’évolution ; une figure ("smiley") prétend exprimer un état d’esprit, une émotion.
On peut prévoir le jour où, les logiciels de dictée et de lecture ayant achevé leur évolution, il suffira de parler à la machine pour obtenir un écrit, et de lui montrer un écrit pour entendre le texte.
Dans la vie professionnelle, le langage utile est limité, le vocabulaire est pauvre. Que représente la "production d’écrit" d’un médecin durant toute une carrière ?
Cette décroissance de l’acte d’écrire diminue l’intérêt pour l’apprentissage de l’orthographe – et donc pour sa simplification – Le perfectionnement des correcteurs orthographiques et grammaticaux ira dans le même sens.
La langue française reste la base de notre culture
La langue classique, dans toutes ses composantes, tous ses aspects, nous offre la possibilité d’exprimer les nuances des sensations, des sentiments, des rêves, de formuler les idées, de décrire les gens et les choses ; c’est aussi le moyen le plus puissant pour conduire un raisonnement complexe.
On n’en termine jamais l’étude, on ne la maîtrise jamais à la perfection. Ceux qui l’aiment, qu’ils soient français ou étrangers, aiment aussi ses difficultés et ses bizarreries.
Notre langue est une composante essentielle de notre patrimoine, que l’école a pour devoir de transmettre, pour procurer à tous des bases simples, un bagage extrait de notre grande littérature, afin que plus tard, parvenus à l’âge où l’on recherche ses racines, certains puissent en reprendre l’étude.

Réformer l’orthographe n’est pas le rôle de l’Education Nationale.

Laissons l’Académie française veiller à la conservation de notre langue en ménageant les évolutions nécessaires, et en prenant en compte l’ensemble de la francophonie, où des étrangers se battent pour défendre notre langue mieux que nous-mêmes.
Dans la maîtrise du français, le plus important pour l’ensemble des élèves et pour toute leur vie est la maîtrise de l’expression orale et le goût de la lecture ; l’écriture contribue à cette maîtrise, par la familiarisation avec la grammaire et la syntaxe.
L’orthographe grammaticale a plus d’importance que l’orthographe lexicale.
Entre le rigorisme de la IIIème République et le laxisme actuel, il y a place pour une réflexion méthodique et réaliste sur divers niveaux de maîtrise de l’orthographe, entre :
– un minimum, dans lequel les seules fautes graves seraient les fautes phonétiques.
– un niveau supérieur, où les seules fautes admises porteraient sur des mots rares dans le langage courant et dans la littérature ; ce niveau serait exigé, après réforme de l’enseignement, pour accéder aux études universitaires.
Quant à l’Education Nationale :
Qu’elle abandonne le prétexte d’une simplification de l’orthographe, alors qu’elle produit une multitude d’illettrés
Qu’elle généralise l’apprentissage de la lecture et de l’écriture par la méthode alphabétique, qui apprend aux élèves à analyser la composition des mots, 
Qu’elle fasse lire, écrire et réciter, dès le début, des textes de la littérature classique,
Qu’elle veille à la rectitude de l’orthographe et qu’elle fasse corriger les erreurs par les élèves eux-mêmes,
Qu’elle distingue, dans la rédaction, l’évaluation de l’orthographe de l’évaluation de l’expression écrite,
et la situation s’améliorera. 
(Visited 1 times, 2 visits today)

Pour rester informé, je m'abonne à la lettre

Pin It on Pinterest