Nos observations
Les propositions souffrent de l’absence d’une vision d’ensemble à long terme. Or, dans l’enseignement, l’unité de temps est de 15 à 25 ans, temps qui s’écoule entre les débuts du petit enfant et la fin de ses études. Lorsqu’on traite de la formation et du recrutement des enseignants, l’échéance est à 30 ou 40 ans.
Dans une situation globalement peu satisfaisante, la logique aurait voulu qu’on brosse d’abord le tableau du souhaitable à 20 ans, pour s’abstraire des difficultés, des blocages et des impossibilités actuelles comme des idées reçues. Ensuite seulement, on aurait pu esquisser des mesures de transition cohérentes dont certaines seraient par nature évolutives, et des mesures d’urgence.
Un premier terme à 20 ans permet de se placer dans une situation telle que l’enseignement français se place au premier rang mondial, comme étant le système le plus capable d’amener tous les enfants au plus haut niveau de savoir permis par leurs capacités, motivations et volonté.
On peut raisonnablement supposer qu’à cette échéance, la France aura rejoint les grandes nations occidentales dans l’autonomie des établissements d’enseignement, avec pour contrepartie obligée un contrôle des résultats par une autorité indépendante. Les chefs d’établissements seront sélectionnés sur la capacité de direction et d’entraînement d’une équipe. Ils auront la liberté de recrutement, condition de la constitution de véritables équipes enseignantes. Dans ces écoles, élèves et professeurs séjourneront des journées complètes, ce qui permettra aux élèves de multiples activités "extrascolaires" nécessaires à leur développement, et aux enseignants de répondre aux demandes des élèves et de s’adonner à des activités personnelles. Les heures de cours seront clairement dissociées des heures de présence.
Les disciplines majeures, dans lesquelles la progression se fait par accumulation progressive de savoir, seront enseignées en groupes de niveau.
Nous esquissons ainsi un avenir que nous estimons possible et souhaitable, mais la mission parlementaire aurait pu en choisir un autre. Quoi qu’il en soit, une telle esquisse aurait permis d’aborder les questions essentielles de la formation et du recrutement des enseignants, en laissant pour l’avenir les questions de statut et de rémunération.
– Dans cette hypothèse le métier d’enseignant est sans ambiguïté. On ne demande plus à un professeur de troisième de faire le grand écart entre des élèves illettrés, des élèves au niveau du socle, et des élèves maîtrisant les programmes officiels. Connaissant le métier, on sait en quoi doit consister la formation.
– La formation professionnelle en alternance bénéficie d’autant de possibilités d’hébergement de stages pratiques qu’il existe d’établissements scolaires dotés d’un directeur pleinement compétent et concerné puisque «recruteur », d’enseignants volontaires pour le tutorat, et suffisamment disponibles.
– L’articulation universités/écoles est simple : l’université prend en charge la recherche, les enseignements disciplinaires, l’enseignement des principes pédagogiques et de la didactique des disciplines, l’école prend en charge les pratiques pédagogiques. L’université et l’école collaborent de façon constante et l’attribution du diplôme du Master prend en compte l’avis des directeurs d’établissements ayant reçu l’étudiant en stage …
– Les cinq années de master devraient permettre de combiner dans des proportions voulues les études universitaires et les stages pratiques. En effet comme le mentionne le rapport : « plus on s’adresse à de jeunes élèves, plus la professionnalité de l’enseignant doit être grande ».… et moindres les exigences académiques. Dans notre vue à long terme, un étudiant sortant du lycée aurait tous les savoirs académiques nécessaires à un instituteur ; il suffirait que l’université lui en donne une compréhension plus large. Donc un parcours disciplinaire allégé, mais en revanche un fort besoin de connaissances et d’expérience des pratiques pédagogiques. Ce serait l’inverse pour un étudiant postulant un poste dans un lycée.
– Enfin, il va de soi qu’à cette échéance, une Education nationale performante satisfait à l’obligation de résultat actuellement définie comme "le socle commun". Peut-être le Parlement a-t-il défini d’autres obligations de résultats pour la scolarité obligatoire, concernant le décile des élèves les mieux instruits et le décile des élèves les moins instruits. On peut aussi imaginer que l’Education nationale a l’obligation d’attester pour chaque élève, en fin de scolarité obligatoire, un profil de compétences et connaissances présentant ses points forts dans les disciplines académiques et dans les disciplines actuellement considérées comme extra-scolaires alors qu’elles sont nécessaires au développement harmonieux des élèves.