Mission impossible

Précisons d’abord que nous rendons compte ici de ce que font et suggèrent les personnages du film Entre les murs de François Bégaudeau, et non ce que sont et font, dans leur vie, les auteurs, et acteurs.
L’accord est assez général sur l’idée que les élèves sont correctement représentés. Dans la réalité, les comportements sont analogues, mais plus ou moins marqués selon l’environnement social et surtout le comportement des professeurs. Tous les parents savent à quel point les adolescents peuvent être irritants et attachants. L’air du temps fait qu’ils manifestent leurs opinions et convictions plus ouvertement que les adolescents de jadis. Mais en définitive ce ne sont pas les enfants et adolescents qui ont changé, c’est l’école.
L’école, telle qu’on l’a faite depuis 40 ans, rend impossible la mission d’enseigner dans de telles classes. Pourquoi ?
D’abord, parce que des adolescents à qui on n’a pas inculqué, dès le plus jeune âge, des habitudes d’ordre, de travail, de réflexion, qui ont pris l’habitude de "s’exprimer" à égalité avec les adultes, de "débattre" de n’importe quoi, qui ont derrière eux 8 à 10 ans d’instruction au rabais et de contre-éducation, ne sont que de faux collégiens, étrangers à l’institution qu’ils fréquentent. Il faudrait des professeurs surhommes et superfemmes pour les faire repartir et rattraper leur retard.
Mission impossible, aussi que, de mener des classes aussi hétérogènes, mélangeant de quasi illettrés avec des élèves mieux instruits. Cette hétérogénéité est voulue, en vertu du dogme de la socialisation des élèves, mais elle ne s’impose qu’aux plus faibles, ceux dont les parents ne savent pas ou ne peuvent pas réagir.
Mission impossible, enfin, pour le personnage de François Marin qui, tout le monde le dit, s’y prend si mal. Il ne s’y prend pas mal, il conduit sa classe conformément au dogme du constructivisme, qui a gouverné l’Education Nationale jusqu’à présent. Il multiplie les tentatives pour se mettre au même niveau que ses élèves, à égalité avec eux ; il accepte de traiter de n’importe quel sujet venu là par hasard ; il croit, ou fait semblant de croire, qu’ainsi ses élèves absorbent des bribes de savoir. Comme il aimerait quand même leur apprendre un peu de français et qu’il n’est pas encore complètement résigné, il se désespère et s’énerve ; il hésite sur la conduite à tenir. Il essaie simplement de faire ce que l’Education Nationale attend de lui.

Quand Xavier Darcos déclare que ce film nous montre l’histoire d’un échec pédagogique, on pourrait croire que François Marin ne représente qu’une minorité de professeurs. Et certes il existe aussi des professeurs dotés d’une forte personnalité, qui affirment leur autorité et se font respecter par les élèves. Mais, de leur propre aveu, les résultats sont décevants, car personne ne peut, seul, s’opposer à un système écrasant.
Il ne s’agit donc pas d’un échec pédagogique, mais de l’échec tragique de l’Education Nationale. Le Président de la République et le Ministre ont avec raison fermement pris position en faveur de la transmission du savoir et contre le constructivisme, mais à partir de là tout reste à faire.
Il incombe au pouvoir d’organiser le sauvetage de ces dizaines de milliers d’élèves et enseignants en perdition.

 GC

Voir aussi : "Entre les murs"

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