Méthode globale : les parents font pression sur les enseignants (2006)
Les parents insistent pour que les professeurs utilisent la méthode syllabique prônée par le ministre. Ceux-ci rechignent.
DRÔLE de rentrée ! Le torchon brûle entre certains enseignants et nombre de parents dont les enfants viennent d’entrer en cours préparatoire. Les méthodes d’apprentissage de la lecture sont au coeur de la polémique.
En prônant le retour à la méthode syllabique – le fameux B.A.-BA. – le ministre de l’Éducation nationale, Gilles de Robien, a mis le feu aux poudres. «Le jour de la réunion de rentrée, les parents m’ont intimé l’ordre d’exécuter les décisions ministérielles quand je leur ai expliqué que je n’utiliserais pas une méthode exclusivement syllabique», confie Jeanne, une enseignante parisienne, encore sous le choc d’une réunion de ren trée houleuse. Même abyme d’incompréhension chez Emmanuelle, une jeune institutrice qui vivait sa première rentrée à Versailles : «J’ai eu le sentiment d’être agressée par une horde de mères en furie qui m’ont reproché d’utiliser le manuel Ratus, qui n’est pas une méthode syllabique stricto sensu.» Plus roué, Lionel, enseignant en CP dans un village du Pas-de-Calais, a préféré lancer le débat avec les parents plutôt que de le subir. «Avec le tintamarre du ministre sur la méthode syllabique, j’ai choisi la pédagogie, raconte-t-il. J’ai surtout demandé aux parents de me faire confiance.»
Des inspecteurs d’académie alertés
«Enseigner n’est pas une mécanique, affirme Gilles Moindrot, secrétaire général du Snuipp, principal syndicat d’enseignants du primaire. L’apprentissage de la lecture a toujours été un sujet sensible. Nous savions que, cette année, il le serait un peu plus encore.» Avec 12 autres organisations syndicales, le Snuipp a fait publier à 500 000 exemplaires un quatre-pages intitulé «Pas si simple d’apprendre à lire !» Un argumentaire à destination des enseignants qui constitue un véritable pied de nez au ministre, lequel ne cesse de réclamer la fin de toutes les méthodes non syllabiques. Il est vrai que la circulaire ministérielle n’est pas aussi claire.
Le sujet agite toute la société. Cette semaine, sur un site de garde d’enfants, une nounou se proposait d’apprendre à lire aux enfants qu’elle serait susceptible de garder grâce à… la méthode syllabique. Opération séduction garantie ! De quoi en tout cas rassurer Marie-Élise Dufranc, dont la fille Églantine est en CP à Bordeaux : «Elle doit tous les soirs retenir des phrases par coeur, mais n’a pour l’instant appris aucune syllabe. Je suis catastrophée.»
À Montpellier, Frédéric Arnaud avait acheté pour sa fille la méthode Boscher, un manuel de 1905 qui prône la méthode syllabique. «Si vous voulez aider votre enfant, faites-moi plaisir, jetez ce livre !», lui a lancé la maîtresse. Certains parents, excédés, ont alerté les inspecteurs d’académie. C’est le cas de cette mère qui reconnaît : «L’inspecteur m’a demandé de me mêler de ce qui me regarde, mais il m’a aussi confirmé que les requêtes du ministre n’étaient pas applicables…» Même prise de distance d’une directrice d’école, qui a lancé à ses enseignants : «Vous savez comme moi que le ministre écrit ce genre de chose pour faire plaisir aux parents.»
Gilles de Robien, lui, n’a pas envie de badiner. Pour ne pas l’avoir compris, Roland Goigoux, un universitaire enseignant à l’École supérieure de l’éducation nationale (ESEN) de Poitiers, où il formait des inspecteurs de l’Éducation nationale, vient d’être sanctionné. Spécialiste de la lecture, il venait de publier un livre intitulé «Apprendre à lire à l’école» (Retz) dans lequel il émettait certaines réserves à l’égard de la méthode syllabique. Jean David, qui dirige l’ESEN, a estimé que «les formateurs devaient respecter les orientations ministérielles» et lui a retiré ses heures d’enseignement sur la lecture
En prônant le retour à la méthode syllabique – le fameux B.A.-BA. – le ministre de l’Éducation nationale, Gilles de Robien, a mis le feu aux poudres. «Le jour de la réunion de rentrée, les parents m’ont intimé l’ordre d’exécuter les décisions ministérielles quand je leur ai expliqué que je n’utiliserais pas une méthode exclusivement syllabique», confie Jeanne, une enseignante parisienne, encore sous le choc d’une réunion de ren trée houleuse. Même abyme d’incompréhension chez Emmanuelle, une jeune institutrice qui vivait sa première rentrée à Versailles : «J’ai eu le sentiment d’être agressée par une horde de mères en furie qui m’ont reproché d’utiliser le manuel Ratus, qui n’est pas une méthode syllabique stricto sensu.» Plus roué, Lionel, enseignant en CP dans un village du Pas-de-Calais, a préféré lancer le débat avec les parents plutôt que de le subir. «Avec le tintamarre du ministre sur la méthode syllabique, j’ai choisi la pédagogie, raconte-t-il. J’ai surtout demandé aux parents de me faire confiance.»
Des inspecteurs d’académie alertés
«Enseigner n’est pas une mécanique, affirme Gilles Moindrot, secrétaire général du Snuipp, principal syndicat d’enseignants du primaire. L’apprentissage de la lecture a toujours été un sujet sensible. Nous savions que, cette année, il le serait un peu plus encore.» Avec 12 autres organisations syndicales, le Snuipp a fait publier à 500 000 exemplaires un quatre-pages intitulé «Pas si simple d’apprendre à lire !» Un argumentaire à destination des enseignants qui constitue un véritable pied de nez au ministre, lequel ne cesse de réclamer la fin de toutes les méthodes non syllabiques. Il est vrai que la circulaire ministérielle n’est pas aussi claire.
Le sujet agite toute la société. Cette semaine, sur un site de garde d’enfants, une nounou se proposait d’apprendre à lire aux enfants qu’elle serait susceptible de garder grâce à… la méthode syllabique. Opération séduction garantie ! De quoi en tout cas rassurer Marie-Élise Dufranc, dont la fille Églantine est en CP à Bordeaux : «Elle doit tous les soirs retenir des phrases par coeur, mais n’a pour l’instant appris aucune syllabe. Je suis catastrophée.»
À Montpellier, Frédéric Arnaud avait acheté pour sa fille la méthode Boscher, un manuel de 1905 qui prône la méthode syllabique. «Si vous voulez aider votre enfant, faites-moi plaisir, jetez ce livre !», lui a lancé la maîtresse. Certains parents, excédés, ont alerté les inspecteurs d’académie. C’est le cas de cette mère qui reconnaît : «L’inspecteur m’a demandé de me mêler de ce qui me regarde, mais il m’a aussi confirmé que les requêtes du ministre n’étaient pas applicables…» Même prise de distance d’une directrice d’école, qui a lancé à ses enseignants : «Vous savez comme moi que le ministre écrit ce genre de chose pour faire plaisir aux parents.»
Gilles de Robien, lui, n’a pas envie de badiner. Pour ne pas l’avoir compris, Roland Goigoux, un universitaire enseignant à l’École supérieure de l’éducation nationale (ESEN) de Poitiers, où il formait des inspecteurs de l’Éducation nationale, vient d’être sanctionné. Spécialiste de la lecture, il venait de publier un livre intitulé «Apprendre à lire à l’école» (Retz) dans lequel il émettait certaines réserves à l’égard de la méthode syllabique. Jean David, qui dirige l’ESEN, a estimé que «les formateurs devaient respecter les orientations ministérielles» et lui a retiré ses heures d’enseignement sur la lecture
le FIGARO – 28 septembre 2006
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