Lire n’est pas deviner
Conférence de consensus sur la lecture 4 et 5 décembre 2003 – Les conclusions du jury
Pour l’essentiel, on peut en retenir quelques éléments, que nous présentons très brièvement
Ces réserves faites, il faut souligner quelques points qui marquent peut-être une inflexion vers un mieux.
En premier lieu, les experts insistent sur l’automatisation de la reconnaissance des mots et du code phono-graphique. Cette affirmation a deux conséquences.
• D’une part, lire n’est pas deviner. Plus le lecteur est expert, moins il devine.
Qu’à certains moments, certains élèves fassent appel au contexte de la lecture (les illustrations par exemple) facilite la reconnaissance de mots inconnus mais ne fait pas l’économie de leur déchiffrage. Deviner est un moyen de résoudre une difficulté, ce n’est pas un mode d’apprentissage. De même, le bain de langage ne permet sûrement pas d’apprendre à lire.
• D’autre part, il faut rendre les opérations de décodage et d’identification-reconnaissance des mots aussi automatisées que possible.
Cette opération est au début difficile et pénible, et elle absorbe tellement les capacités cognitives de l’élève qu’il n’est plus disponible pour chercher le sens de ce qu’il déchiffre. …/… L’automatisation de la reconnaissance des mots ne s’oppose pas à la compréhension ; elle en est une condition nécessaire : plus elle est rapide, plus et mieux l’on comprend. Ce qui ne veut pas dire qu’elle suffise : la compréhension doit aussi s’enseigner et s’apprendre.
La difficulté est de l’ordre du comment faire. L’automatisation passe par des répétitions et par des exercices spécifiques. Mais les répétitions sont souvent fastidieuses, et les exercices spécifiques risquent de paraître gratuits. Ce qui peut conduire à préférer des situations d’apprentissage plus complexes, plus riches de sens, qui impliquent en revanche un travail systématique et explicite sur le code.
Il est important de mener simultanément des activités sur le code et sur le sens. Les activités de lecture dans le cadre scolaire doivent s’inscrire en effet dans la perspective, pour chaque élève, d’entrer dans la culture écrite.
Quatre grandes activités peuvent être distinguées :
• la familiarisation avec les textes écrits ou acculturation,
• la production de textes, (traduire : écriture de textes, ndlr)
• la compréhension de textes,
• l’identification et la production (écriture de mots (connaissance graphique et phonologique) »
Il faut relever les expressions :
o lire n’est pas deviner,
o automatisation de la reconnaissance des mots,
o rendre les opérations de décodage aussi automatisées que possible,
o l’automatisation passe par des répétitions et par des exercices spécifiques
o l’automatisation de la reconnaissance des mots ne s’oppose pas à la compréhension, elle en est la condition nécessaire,
o travail systématique sur le code
qui sont indiscutablement nouvelles dans des enceintes officielles, et si la conférence n’a pas été organisée par le ministère de l’Éducation nationale, celle-ci a été présente de bout en bout.
Au total, ce qui a été exprimé pourrait être un pas vers une remise en cause des méthodes actuellement en vigueur et majoritairement utilisées. La question est maintenant quelles seront les retombées : de quelles mesures pratiques ces conclusions seront-elles suivies et surtout quand cela pourrait-il intervenir.
Mais à court terme, on peut espérer que les instituteurs qui utilisent la méthode syllabique sous une forme ou une autre, cessent de faire l’objet de tracasseries, voire de sanctions de la part de leur hiérarchie, et précisément des inspecteurs de l’enseignement primaire. Cela serait déjà une avancée notable.
Pour un changement sur ce point au sein de l’école primaire tout entière, il faudra attendre encore, en n’oubliant pas que ce sont des générations d’enfants qui font les frais redoutables de choix fondés sur ce qui ressemble fort à une idéologie.
Paris, le 17 décembre 2003
Gilbert Sibieude