Lettre ouverte aux candidats à l’élection présidentielle

LIRE-ÉCRIRE rend publique la lettre qu’elle a adressée lundi 5 février aux candidats à l’élection présidentielle au sujet de l’école primaire

« Monsieur le candidat à la Présidence de la République, Madame la candidate à la Présidence de la République, 

L’école forme des générations d’enfants et de jeunes qui, tous ensemble, seront et feront la France de demain. Elle est l’un des piliers de notre République parce que garante, en principe, de l’égalité des chances. Elle est la première étape de la formation que suivront des jeunes qui, demain, assureront à la France un niveau technique et scientifique compétitif.

Cependant, aujourd’hui, on est en droit de s’interroger : l’école assume-t-elle toujours cette mission, que lui avait confiée Jules Ferry et ses successeurs en leur temps ? Rien n’est moins sûr: la crise que traverse l’école ne fait que s’aggraver.

Les faits les plus spectaculaires font régulièrement la Une des médias : incivilités, violences envers les professeurs et entre élèves, etc. Moins visible, mais aussi grave, est la baisse régulière du niveau scolaire moyen : ces dernières années, 150 000 adolescents en moyenne ont terminé leur scolarité sans aucun diplôme ; environ 1/4 des élèves sont entrés en 6e sans savoir lire, écrire, ni calculer ; de plus en plus d’enfants se trouvent en situations d’échecs scolaires, le plus souvent de manière irrémédiable. Ces situations, souvent génératrices de comportements asociaux, voire violents, sont dramatiques humainement et socialement. L’ampleur du phénomène entraîne un affaiblissement du niveau général et en vient, finalement, à déstabiliser l’institution scolaire, du primaire jusqu’au lycée.

Il est manifeste qu’une partie au moins de ces difficultés apparait dès l’école primaire: personne ne saurait suivre une scolarité normale au collège puis au lycée sans avoir les bagages nécessaires : lecture, écriture, calcul ; c’est-à-dire maîtrise de la langue, culture, raisonnement et logique.

Ces dernières années, pourtant, l’école primaire a été systématiquement oubliée des réformes successives de l’Education nationale.

Vous qui êtes candidat(e) à la Présidence de la République française, vous engagez-vous à faire de la refondation de l’école primaire l’un des axes majeurs de votre quinquennat ? Autrement dit :

1 – Êtes-vous d’accord avec la constatation que les défaillances de l’école, qui affectent particulièrement les enfants de milieux défavorisés, trouvent notamment leur origine dans l’enseignement primaire ?

2 – La raison d’être de l’enseignement primaire est la transmission du savoir à tous les enfants, savoir qui inclut la maîtrise de la lecture et de l’écriture, de la langue française, du calcul, d’un ensemble de connaissances simples – seuls accès possibles à la culture, à la vie sociale, au monde contemporain. Partagez-vous cette conviction ?

3 – Vous engagez-vous à mettre en œuvre des modes d’apprentissage réellement adaptés aux besoins et aux capacités des enfants, faisant fi de toute idéologie ?

4 – Prenez-vous l’engagement de faire réécrire, dans les douze premiers mois de votre quinquennat, pour mise en application à la rentrée 2008, l’ensemble des programmes du primaire, en termes simples et compréhensibles pour les parents comme pour les enseignants ?

5 – Vous engagez-vous à revoir le mode de formation des instituteurs, à faire changer tous les manuels, seuls moyens de mettre en oeuvre les nouveaux modes d’apprentissage et les nouveaux programmes ?

6- Que pensez-vous de rétablir à l’école incitations et récompenses afin d’inciter les élèves à donner le meilleur d’eux-mêmes ? De même, vous fixerez-vous comme objectif de rétablir le respect dû aux instituteurs, si nécessaire par des sanctions justes et raisonnables ?

7 – Rétablir un examen de fin d’études primaires, ou d’entrée en 6ème, donnerait à tous, enseignants, parents, enfants, un repère clair et solide. Cela éviterait que des enfants insuffisamment préparés accèdent au secondaire, à leur détriment et au détriment de la qualité de l’enseignement.
Vous engagez-vous à mettre en place un examen national de fin d’études primaires validant les acquis et savoir-faire des élèves et ce, dès le début du septennat pour une pleine application à l’issue de l’année scolaire 2008-2009 ?

8- Etes-vous prêts à mener des actions persuasives et persévérantes pour établir des relations de collaboration et de confiance entre parents et enseignants sur la base d’objectifs communs, tant en matière d’instruction que d’éducation ?

Nous vous remercions d’avance de vos réponses à ces questions, posées au nom des membres de notre Association, des parents et professionnels de l’éducation qui la soutiennent, ainsi qu’au nom des parents et enseignants préoccupés de l’avenir de leurs enfants ».

 

 

Réponse de Ségolène Royal

           Paris, le 09 mars 2007 
Monsieur le Président,      
Par une correspondance du 5 février dernier, vous avez souhaité m’informer de l’action de votre association et je vous en remercie. Vous m’interrogez également sur mes projets concernant l’école primaire et je réponds très volontiers à votre demande.       
C’est, à mes yeux, dès l’école maternelle, que la priorité doit être portée sur l’apprentissage de la langue et pour cette raison je souhaite que la scolarisation devienne obligatoire dès l’âge de trois ans. Convaincue du caractère primordial des premiers apprentissages, je souhaite que les effectifs des classes de CP et de CE1 ne dépassent pas 17 élèves dans toutes les écoles relevant de l’éducation prioritaire.        
C’est par l’aide individualisée aux devoirs, le soutien en classe et l’amélioration des liens entre l’école et la famille que je compte donner à tous les élèves arrivant en sixième la possibilité d’aborder leur formation secondaire de manière profitable, plutôt que par le rétablissement d’un examen d’entrée en sixième. Je ne prévois pas non plus une refonte immédiate de tous les programmes officiels.
La question de la formation des enseignants sera au centre des États généraux de la réussite scolaire que j’organiserai très rapidement si je suis élue à la présidence de la République. Quant aux méthodes pédagogiques, je redonnerai aux enseignants une réelle liberté de choix et veillerai à ce que les innovations pertinentes et efficaces soient soutenues et généralisées.       
Enfin, vous avez sans doute déjà eu l’occasion de le lire dans le Pacte présidentiel que je propose aux Français que je suis particulièrement attachée à la sérénité des établissements scolaires et à la reconnaissance de l’autorité des enseignants. J’envisage même dans certains cas la présence d’un autre adulte à leur côté pour garantir cette école du respect que je souhaite et permettre ainsi à tous les élèves de bénéficier de conditions d’études favorables à leur réussite.     
Je veux en effet que l’école républicaine redevienne pour chacun le moyen de la réussite selon ses talents et le lieu des apprentissages des droits et des devoirs du citoyen. Je donnerai à la Nation les moyens nécessaires pour y parvenir. 
Vous remerciant de votre confiance, je vous prie de croire, Monsieur le Président, à l’assurance de mes sentiments les meilleurs.  
Ségolène ROYAL 

     Nos commentaires

En tant qu’association a-politique et a-religieuse, nos commentaires seront strictement cantonnés à notre objet. 
 Nous avons posé 8 questions aux candidats. Sur 4 de ces questions (1-2-5-8) la lettre ci-dessus n’apporte pas de réponse précise. Quant aux autres :        
3  – Vous engagez-vous à mettre en œuvre des modes d’apprentissage réellement adaptés aux besoins et aux capacités des enfants, faisant fi de toute idéologie ? 
Nous notons un accord d’intention : " je redonnerai aux enseignants une réelle liberté de choix et veillerai à ce que les innovations pertinentes et efficaces soient soutenues et généralisées."      
Apparemment, comme nous, Ségolène Royal pense que la liberté pédagogique est actuellement bafouée dans l’enseignement primaire. Mais, de façon un peu contradictoire, elle veut que les innovations pertinentes et efficaces soient soutenues et généralisées (donc imposées !). Pour nous, il faut surtout que les enseignants reçoivent une information objective, donc contradictoire, sur les pédagogies pratiquées en France et à l’étranger, que les expériences et innovations soient acceptées et contrôlées par une autorité impartiale. 
4 – Prenez-vous l’engagement de faire réécrire, dans les douze premiers mois de votre quinquennat, pour mise en application à la rentrée 2008, l’ensemble des programmes du primaire, en termes simples et compréhensibles pour les parents comme pour les enseignants ? 
La réponse est non.  
6- Que pensez-vous de rétablir à l’école incitations et récompenses afin d’inciter les élèves à donner le meilleur d’eux-mêmes ? De même, vous fixerez-vous comme objectif de rétablir le respect dû aux instituteurs, si nécessaire par des sanctions justes et raisonnables ?
Un accord de principe sur la nécessaire autorité des enseignants. Mais nous sommes sceptiques sur la présence d’un second adulte dans les classes. Cette présence est à coup sûr inutile si l’autorité des enseignants est rétablie par tous les moyens nécessaires : sélection et formation des enseignants, appui des collègues et de la hiérarchie, application de sanctions énergiques aux élèves et aux parents coupables de manquements.  
7 – Rétablir un examen de fin d’études primaires, ou d’entrée en 6ème … 
La réponse est non.       
Enfin, la candidate évoque deux autres questions qui ne figuraient pas dans notre lettre :  
  •  Scolarisation obligatoire dès l’âge de trois ans.       
 Nous pensons que cette mesure, discutable, serait en tout état de cause, très prématurée. Il faudrait d’abord établir des pratiques efficaces en maternelle et surtout en grande section où le "global" est omniprésent. Il faudrait redéfinir les programmes ou ce qui en tient lieu. Enfin il faudrait présenter aux parents qui préfèrent instruire leurs enfants à la maison la nature exacte des jeux éducatifs et exercices nécessaires ainsi que les requis à l’entrée au CP.            
  •  Limitation à 17 des effectifs en CP et CE1 dans les ZEP.       
Même remarque : il faudrait d’abord redéfinir les programmes et rétablir les conditions d’un enseignement efficace.      

Documents :

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