Les six principes du pédagogiquement correct

Sorte de « surmoi » post-freudien à l’usage du monde éducatif, le pédagogiquement correct peut se résumer en six principes. 

Principe 1

Le premier principe, sur lequel repose l’ensemble du dispositif tient en un axiome fort simple :

tous les enfants ont des aptitudes égales.

Une telle affirmation, naturellement, s’inscrit dans une ligne de pensée qui, partie de Rousseau, s’est diffusée à travers les utopies du XIXe siècle pour se constituer de nos jours, en vérité première qu’il serait malséant de contester….

Principe 2

Du principe 1, il sera déduit que toute sélection est mauvaise par nature..

Puisque chaque individu dispose, au départ, du même potentiel que les autres, toute mesure destinée à permettre à certains de s’insérer dans un cursus réservé ne fait que traduire une volonté illégitime d’exclusion et de privilège. Cette conception suppose, par voie de conséquence, la remise en cause de toute forme de hiérarchie dans les savoirs ainsi que l’assimilation progressive des formations présumées élitistes – classes préparatoires aux grandes écoles, grandes écoles elles-mêmes – à l’ensemble de l’université.

Principe 3

Apprendre ne peut s’inscrire que dans le cadre du principe de plaisir.

Cette conception résulte de l’application du principe 1. Si tous les enfants disposent d’aptitudes égales, il suffit que les conditions requises soient garanties pour que se déclenchent les mécanismes de l’apprentissage, qui sont, on le sait depuis Freud, soumis à l’arbitrage de normes psychologiques élémentaires…. L’école doit avant tout répondre à la légitime demande de plaisir manifesté dès la plus tendre enfance. Lieu de vie et de découverte, elle doit exclure, dans ses rythmes comme dans sa démarche, toute attitude susceptible d’engendrer le rejet.

Principe 4

Le principe 3 implique que toute contrainte doit être proscrite de la démarche pédagogique.
Outre son caractère contraire aux droits de l’homme, la contrainte, en s’opposant au principe de plaisir, fait en effet obstacle à une véritable démarche cognitive. Il s’ensuit qu’un sens doit être donné au « travail » scolaire par la non-directivité. Depuis la fin des années soixante, on sait que le principe d’autonomie s’est substitué au principe d’autorité, et que le savoir ne peut plus être imposé à l’enfant, qui, selon son bon plaisir, le découvrira par lui-même….

Une application logique du principe 4 conduit à la mise en cause systématique du « cours magistral », qu’un récent rapport de l’inspection générale accusait de nuire à l’acquisition, par les élèves, d’une bonne expression orale.

Dénoncé par Claude Allègre, qui semble, pour sa part, penser que l’enseignement se résume, à l’heure actuelle, aux seules palabres d’intellectuels brumeux face à des élèves silencieux et médusés, le cours magistral doit donc disparaître, pour laisser place, selon le même ministre, à « l’interaction »

Principe 5

Puisque tous les enfants ont des aptitudes égales, que la sélection est la contrainte doivent être banni du système scolaire, l’orientation ne saurait se construire que sur le projet personnel de l’élève, à l’exclusion de tout autre paramètre.

Principe 6

Comme il est démontré dans la querelle des anciens et des modernes, tout ce qui est ancien est mauvais par nature, ce qui implique que toute nouveauté s’avère forcément bonne en soi. La tradition doit donc se voir proscrite du vocabulaire comme de la pratique pédagogique. Il en résulte que l’éducation doit se confondre avec l’innovation. …/… C’est pourquoi l’enseignement doit devenir un vaste laboratoire au sein duquel se multiplieront les expériences.

Extrait de « Prof de droite ? » de B. Kuntz, FX de Guibert 1999
B. Kuntz est Président du SNALC, Syndicat National des lycées et collèges

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