Comment enseigner les premiers pas de l’écriture en grande section ? Enseigner les premiers pas de l’écriture en GS ne peut se faire que par un lien, un suivi et une continuité de la maternelle au CP. Mais ce lien ne peut s’opérer que dans un enseignement axé sur le respect des étapes du développement physique, émotionnel et mental de l’enfant dès la petite section. La simple observation nous montre qu’un enfant de 3 ans a besoin d’attention et de jeux, qu’à 4/5 ans, tout le pousse irrésistiblement à peindre et à créer, pour ensuite à 5/6 ans compter, écrire et lire. Inclinons-nous devant son histoire comme devant notre propre histoire afin d’agir selon une logique de continuité que dicte notre bon sens. Or, que nous montre notre histoire ? Que notre humanité évolue à travers le temps. Que chaque étape de son évolution correspond à un âge précis et fort riche d’enseignements.
Pour penser une continuité idéale entre l’école maternelle et le CP, il faut considérer que le jeune enfant suit le même cheminement que l’humanité à ses débuts
Depuis ses peintures rupestres et sa tradition essentiellement orale jusqu’à ses écritures pré sémitiques et l’histoire écrite avec la lecture alphabétique et ses textes fondateurs. Si nous nous appuyons sur ce cheminement, par une correspondance naturelle fondée sur l’histoire et la culture, nous sommes assurés de ne pas nous égarer dans des impasses intellectuelles. Prenons alors le temps de donner aux enfants de chaque section l’enseignement approprié.
Ainsi, en petite section, l’enfant est-il à l’aube de son humanité, lié au groupe dont il dépend.
Dans un contexte chaleureux, à petits effectifs, nous veillons à stimuler les réflexes de base : les appétits, l’énergie, l’acquisition du langage par imprégnation et imitation, le maintien et la mobilité du corps par des jeux d’extérieur (aquatiques, équestres, …), d’intérieur (ateliers de modelage, musique, …) et d’imitation des activités domestiques. Nous insistons pour développer la prononciation et l’articulation correcte de la langue par immersion dans un langage évolué fait de dialogue, de comptines, de chants et de contes.
En moyenne section, l’enfant découvre ses facultés de conceptualisation, d’échange et de partage au sein du groupe.
Il convient de cultiver ces facultés et de les nourrir, d’éduquer ses sens et ses émotions ; en développer l’expression ; favoriser l’usage de la main, plutôt qu’un apprentissage prématuré de la lecture et de l’écriture, par des initiations aux arts et métiers en lui faisant découvrir les matières, les couleurs et les techniques: la vannerie, le canevas, le tissage, la couture, le tricot, la dentelle, le crochet, la tapisserie, le pliage, la reliure, le collage, la cuisine, la peinture sous forme de fresques collectives, et tous les travaux manuels possibles qui seront reconduits pendant toute la scolarité. Dans cette initiation sont transmises les techniques et la bonne tenue de tous les outils qui préparent de fait la bonne tenue du crayon.
L’activité la plus importante de la maternelle reste le dessin, véritable préliminaire à l’écriture.
C’est au travers des dessins des enfants de moyenne section et de leurs représentations spontanées du bonhomme, de la maison, de l’arbre… qu’on extrait comme des hiéroglyphes, idéogrammes et autres écritures primitives, des graphies universelles, des géométries récurrentes, le point, la droite, la courbe… premières gammes graphiques sous forme de décors et autres frises. L’expression corporelle offre un espace de créativité important. Les jeux proposent des difficultés croissantes qui introduisent la numération. Le langage s’affine et le vocabulaire s’enrichit au contact de ce foisonnement d’activités. On peut dire que la moyenne section est la classe où se nourrit l’âme de l’enfant.
La grande section est le prolongement conscient de la moyenne section : l’enfant s’individualise.
Il tire des réflexions de cette matière acquise. Les gammes graphiques décoratives déjà amorcées en moyenne section deviennent art répétitif, véritable entraînement graphique qui assure la fluidité ouvrant à l’écriture. En développant la dimension du plan qui sera l’espace de l’écriture-lecture du CP, la grande section peut déjà être, pour de nombreux enfants, un lieu d’apprentissage de l’écriture et de la lecture. Si la GS est un peu une classe à la carte, tenant compte des différences de capacités, de rythmes individuels parfois importants, les objectifs y sont néanmoins précis. Il importe de travailler l’affinement du geste, l’éducation du regard et le début d’une réflexion.
En grande section, l’enfant apprend à dessiner selon des règles, des méthodes, en retrouvant des formes géométriques par exemple.
Le langage est enrichi par la poésie et le chant. Les vocalises permettent d’extraire les sons élémentaires :les voyelles, chantantes. Les textes des chants et des poésies contenant des exclamations ainsi que les expressions des premières émotions naturelles : joie, crainte… en livrent la dimension émotionnelle. En même temps, on extrait des dessins, les lettres, comme de véritables signes vivants. Par exemple, la lettre n pourra être extraite de la graphie du nuage, la lettre l de la plume de l’oiseau, le u et le i de celles des vagues, le i étant survolé d’écume… On apprend à écrire en cursif les voyelles, certaines consonnes, des syllabes, des mots simples, voire des phrases, en respectant les règles de la calligraphie et selon la même méthode alphabétique de lecture que celle qui sera utilisée au CP.
L’usage de la lecture alphabétique au CP
Au Cours Préparatoire, on resserre les différences de niveaux de la GS en proposant à tous un degré d’exigence maximale par l’usage simple, rigoureux et strictement progressif de la lecture alphabétique, formidable progrès pour l’esprit depuis 5000 ans; c’est pourquoi, par souci de continuité et d’égalité et afin d’élever le niveau général, on présente un travail identique à l’ensemble des élèves. L’égalité des chances, c’est de permettre à chacun le dépassement de soi à la hauteur maximale de ses capacités, par l’usage de la méthode de lecture alphabétique héritée de notre évolution commune.
Au CP, l’enfant peut associer son et graphisme
Le CP correspond à l’âge de raison, l’âge où l’on se personnalise, l’âge d’entrée dans l’histoire écrite. C’est à ce moment là que l’enfant va pouvoir associer son et graphisme. C’est là que la faculté d’abstraction se développe, le prédisposant à la volonté d’écrire et de lire. La discipline inhérente à toutes les pratiques artistiques et manuelles de la maternelle apprend à l’élève à fixer son attention, à se concentrer et à persévérer, favorisant ainsi l’acquisition des règles propres à l’apprentissage de la lecture alphabétique ; tout comme l’observance future des règles de la langue écrite.
Nos élèves souffrent actuellement d’un enseignement défectueux de la maternelle à la terminale, consécutif à des directives pédagogiques insensées et nocives qui les ont privé du formidable progrès que constitue l’apprentissage de la lecture alphabétique, de la grammaire analytique qui lui est inhérente, ainsi que de la richesse contenue dans les pratiques des arts et des métiers. Accablés, portant une croix qui ne leur appartient pas, nos élèves souffrent d’un déficit de transmission, d’une rupture avec notre histoire commune.
Brigitte Guigui, institutrice en Cours Préparatoire