L’éviction d’un formateur d’enseignants cristallise la querelle sur l’apprentissage de la lecture
La querelle sur les méthodes d’apprentissage de la lecture s’envenime : les formateurs des instituts universitaires de formation des maîtres (IUFM) ont décidé de manifester leur désaccord avec le ministre de l’éducation nationale, Gilles de Robien, à l’occasion d’un séminaire organisé, lundi 2 octobre, par le collège de France. Consacré aux sciences de la lecture et de son apprentissage, ce séminaire doit être conclu par une intervention du ministre.
Depuis décembre 2005, M. de Robien prône l’abandon des méthodes globales, fondées sur une reconnaissance photographique des mots, et le retour à la méthode syllabique. Les trois principaux syndicats d’enseignants du primaire s’étaient déjà démarqués des propos du ministre, en rappelant que les deux méthodes, obsolètes, n’étaient quasiment plus appliquées. Ils avaient même appelé, en janvier, à ne pas appliquer la circulaire du ministre sur l’apprentissage de la lecture.
Considérant que les positions prises par Roland Goigoux, professeur à l’IUFM d’Auvergne, dans son dernier ouvrage (Apprendre à lire à l’école, Ed. Retz), allaient à l’encontre des orientations ministérielles, la direction de l’ESEN, soutenue par Gilles de Robien, a décidé de ne pas renouveler son séminaire sur la lecture. "Il est normal qu’un formateur de cadres ne puisse pas dire le contraire de ce qui est voulu par l’Etat", considère le ministre.
VIVE ÉMOTION
L’affaire a suscité une vive émotion chez les enseignants, leurs formateurs et les chercheurs. Les communiqués de soutien à M. Goigoux se sont multipliés. Le principal syndicat des inspecteurs de l’éducation nationale (SIEN-UNSA) est même sorti de sa réserve, dénonçant "une guerre contre l’intelligence". "Priver les inspecteurs d’un intervenant comme Roland Goigoux dans le cadre de leur formation, c’est réduire leur capacité à mieux percevoir la complexité des apprentissages", estime-t-il.
Après les syndicats d’enseignants, c’est au tour, lundi 2 octobre, des formateurs d’IUFM de dénoncer les propos du ministre sur la lecture, propos jugés "caricaturaux", et ses méthodes, considérées comme trop autoritaires.
Jeudi 28 septembre, M. de Robien a demandé à l’inspection générale de l’éducation nationale de vérifier que l’abandon des méthodes globales était bien effectif dans les classes, faute de quoi les enseignants pourraient théoriquement être sanctionnés.
Extrait d’un article du MONDE – 2.10.06