Les causes de l’explosion du soutien scolaire
Quant à la récente explosion de cette activité, elle a une première cause pour nous évidente : le désastre de l’Education Nationale, qui a longtemps nié l’ampleur de l’échec scolaire, avant de s’en absoudre en invoquant des causes sociales ou pathologiques, ou en rejetant la faute sur les parents.
Mais, il y a une autre cause qu’on ne peut passer sous silence. En trente ans, le nombre de familles monoparentales a augmenté, ainsi que le nombre de femmes qui travaillent, et enfin le nombre de familles avec un seul enfant. Dans une bonne partie des foyers, il n’y a personne pour faire travailler les enfants. Même dans les milieux très aisés. Et même quand les enfants sont au primaire. L’intervenant de soutien scolaire tient souvent la place d’un parent qui n’a pas le temps. A partir de l’adolescence, l’intervenant se substitue au parent qui n’a plus de prise sur le travail de son enfant comme cela arrive souvent (source de conflit).
A cela, on peut aussi ajouter que les enfants sont moins autonomes dans leur travail qu’auparavant (peut-être simplement parce qu’ils sont moins instruits) : ils ont souvent besoin de quelqu’un qui les fasse travailler, n’ayant pas la capacité ou la facilité pour y parvenir seuls. On peut évoquer enfin les multiples tentations qui sont proposées aux jeunes : jeux vidéos, ordinateurs, etc. qui les écartent du travail : dans ce cas, l’intervenant du soutien scolaire est celui qui va mettre l’enfant au travail.
Qu’est-ce qu’un élève en difficulté ?
On peut dire qu’un élève en difficulté scolaire est un élève qui pour une raison ou une autre ne s’adapte pas à l’enseignement : il n’est pas dans la norme. Inversement, on peut aussi bien considérer qu’un élève en difficulté est un élève pour qui l’enseignement n’est pas adapté : dans un type d’enseignement différent, les élèves en difficulté ne seraient pas les mêmes.
C’est pourquoi nous ne pouvons tenter de décrire les principales catégories d’élèves en difficulté que par rapport à notre système d’enseignement actuel, dont nous retiendrons deux caractéristiques :
– le redoublement étant fortement désapprouvé (et le saut vers une classe supérieure peu pratiqué), l’idéal de ce système est que tous les élèves avancent au même âge dans les mêmes classes.
– dans l’enseignement obligatoire (primaire et collège), l’idéal est que toutes les classes du même échelon soient semblables, et d’ailleurs dotées des mêmes programmes.
Dans ces conditions, un élève est en difficulté lorsqu’il est trop en-dessous du niveau moyen des élèves de son âge. Mais on pourrait aussi bien dire : c’est un élève qui, se trouvant dans sa classe d’âge, ne reçoit pas l’enseignement adapté à son niveau et à son potentiel (inférieur ou supérieur au niveau de la classe de référence).
Autre définition : un élève en difficulté est un élève en retard par rapport à sa classe d’âge.
Essai de classification
– Enfants souffrant d’un handicap lourd, soit mental, soit physique, soit caractériel, qui leur interdit de suivre l’enseignement d’une classe ordinaire, ou même qui peut perturber la classe (1) .
La limite entre handicap lourd et handicap léger est affaire d’expérience ou d’expertise (2) .
– Enfants souffrant d’un handicap culturel au départ dans la vie, du fait de leur famille et de leur entourage : à qui l’on parle peu ou mal (3) . Enfants que les parents, non seulement n’encouragent pas, mais même découragent d’apprendre à l’école. Ce n’est pas une question de classe sociale : il y a toujours, même parmi les illettrés, des parents qui inculquent à leurs enfants la culture du savoir et du travail, et d’autres qui font l’inverse.
– Enfants non francophones ou mauvais francophones, qui ne bénéficient pas le plus tôt possible (2 ans) d’un enseignement oral du français (4)
– Enfants capables de s’instruire, mais victimes de l’enseignement à l’honneur en France depuis des décennies : constructivisme, égalitarisme, laxisme, socialisation de l’élève, exigences minimales (programmes, évaluations, appréciations).
Les conséquences les plus graves sont des atteintes au fonctionnement cérébral (désordre mental, incapacité à se concentrer sur une tâche), et le refus par certains élèves – dont des surdoués – de ce type d’enseignement.
– Parmi ces élèves, beaucoup sont en retard de plusieurs années. Cela s’explique puisque, par exemple, dans les collèges, il est de pratique courante de ne faire redoubler que ceux qui ont quelque chance de progresser, et d’expédier en classe supérieure les autres élèves en difficulté. La première décision est logique : un élève qui en fin de 4ème se trouve à peu près au niveau de la 5ème peut tirer bénéfice d’un redoublement. La seconde décision est aberrante, et résulte en fait des règles et modes de fonctionnement de l’Education Nationale. Un élève qui, en fin de 4ème, se trouve au niveau de la 6ème ou même en-dessous de ce niveau, ne tirera logiquement aucun bénéfice d’un redoublement. Mais il ne devrait pas être en 4ème : il aurait dû être placé depuis longtemps dans une classe de rattrapage, dispensant un enseignement spécial.
– Elèves qui ne reçoivent pas d’aide de leurs parents, soit par incapacité, soit par manque de temps, soit par l’effet d’une confiance (apparemment légitime) dans l’Education Nationale, soit par crainte d’un conflit avec l’école.
– Elèves victimes des doctrines et pratiques diffusées par les pédagogistes, et dont les difficultés sont attribuées par les enseignants de manière erronée à des causes externes à l’école : troubles pathologiques (dont la fausse dyslexie), problèmes psychologiques, troubles sociaux. Ces élèves reçoivent de ce fait un traitement inadéquat.
– Elèves dont les enseignants ne peuvent pas s’occuper en raison de l’hétérogénéité extrême de certaines classes, résultat de principes d’égalitarisme et de socialisation. Cela touche aussi bien les élèves à plus fort potentiel que les élèves les plus faibles. Nous considérons les élèves à fort potentiel comme "en difficulté" parce que nous professons que le devoir de l’école est de faire progresser tous les élèves selon leur capacités et motivations. Mais de fait, un tiers de ces élèves rencontrent de graves difficultés d’adaptation aux exigences scolaires.
– Elèves qui, par accident – maladie, problèmes familiaux ou autres – prennent du retard.
– Elèves progressant normalement qui, à un moment donné, "décrochent" dans une discipline par manque de compréhension de l’enseignement reçu ; ce phénomène est banal, quelle que soit la qualité de l’enseignant.
(1) Pour les enfants ayant de graves problèmes (retard mental, troubles psy), il y a en effet les CLIS (Classes d’Insertion Sociale) au primaire et les SEGPA (Section d’Enseignement Général et Professionnel Adapté) au collège. Pour qu’un enfant soit admis dans ces classes, il faut que les parents soient d’accord : ils peuvent normalement s’y opposer. Ces classes intégrées aux établissements scolaires, par souci de ne pas les séparer des élèves "normaux", posent quelques problèmes dans la gestion des cours de récréations car le comportement de ces élèves n’est pas toujours rationnel. Les enseignants sont par ailleurs très inquiets de voir que le nombre de ces classes se réduit progressivement et que ces élèves sont de plus en plus répartis dans les classes normales. Un seul de ces élèves peut empêcher la tenue d’un cours.
Cependant, accepter qu’un de ses enfants soit placé dans une de ces classes, c’est souvent renoncer définitivement au développement de ses capacités. A partir de ce moment là, il n’apprendra presque plus rien pour deux raisons : parce qu’il n’y a pas d’objectifs d’instruction ambitieux (cela ressemble plus à des garderies qu’à des classes) et parce qu’ils sont mélangés avec quelques élèves qui relèvent davantage de l’hôpital psychiatrique (il est alors quasiment impossible de faire cours).
En résumé, l’idéologie égalitariste a créé une situation inextricable dont tous les élèves pâtissent. On pourrait aussi parler des classes relais qui ne fonctionnent pas beaucoup mieux. Il y aurait intérêt à scolariser les élèves fortement handicapés dans des structures à faibles effectifs, avec des sous groupes de niveaux, des objectifs simples, et des temps d’instruction très réduits : ce dernier public est complexe à gérer et la tentation sera toujours de renoncer à l’instruire plutôt que de mettre en place de telles structures.
(2) La vraie dyslexie affecte quelques enfants sur 100 ; la dyslexie lourde, qui nécessite le recours à un orthophoniste, est rare.
(3) Un bébé à qui on ne parle pas n’apprend pas à parler.
(4) Ceux dont les parents sont cultivés, même dans une culture orale, deviennent facilement bilingues. Ceux dont les parents sont peu cultivés éprouvent beaucoup plus de difficultés.