La concertation.

 

Le ministre a lancé presque immédiatement une concertation pour « refonder l’école afin de refonder la République ». Vaste programme ! Mais mené sabre au clair : concertation de juin à septembre, rapport en octobre, loi en novembre, mise en application en 2013, et la République est sauvée !
Cette concertation ne se fait pas avec les citoyens mais avec quelques centaines de personnes et d’organismes dont Lire-écrire, comme d’autres, ne fait pas partie. C’est plus simple ainsi. Un comité de pilotage veille aux égarements passagers et rédigera le rapport final, dont nous sommes assurés qu’il sera aussi objectif que celui du Grand débat sur l’école de 2004.
Sans attendre, un autre groupe travaille au projet de loi. Enfin, après la concertation, viendra le temps de la démocratie sociale, c’est-à-dire de la négociation avec les syndicats d’enseignants.
Pour réaliser un tel programme, et au passage refonder la République, ce ne sont certes pas des hommes normaux et des femmes normales que nous avons au gouvernement et au Parlement !

La non concertation.

 

Certaines questions sont soit tellement urgentes soit si peu pressées, qu’elles sont de fait exclues de la concertation.
La décision la plus surprenante a été d’allonger les congés de la Toussaint dès cette année, sans faire de lien avec l’ensemble des autres congés. D’autres ministres, prenant une telle décision pour des raisons politiques, auraient essayé de sauver les apparences. Pas celui-ci. Il se contente d’invoquer  l’avis des rythmologues scolaires et des chronobiologistes, qui pourtant avaient aussi exprimé leur opinion sur l’ensemble des congés et sur le nombre de jours de classe.
Il faudra donc attendre d’autres temps, et un autre ministre, pour que soit reconnue le fait que l’expression « rythmes scolaires » recouvre simplement l’emploi du temps des élèves, et que celui-ci dépend largement de l’emploi du temps des enseignants et de celui des parents. Il faudra aussi attendre pour que soit reconnu qu’une réflexion sur ce que les élèves font réellement en classe, devrait précéder la réflexion sur les emplois du temps.

Le ministre a aussi annoncé son intention de revenir sur l’assouplissement de  la carte scolaire, dont "toutes les études montrent les effets négatifs", et d’ailleurs "les premiers résultats de la concertation vont dans ce sens". Autant dire que la décision est prise.

La concertation n’a pas dû faire une large place aux parents de milieux modestes qui ont profité d’une liberté retrouvée pour retirer leurs enfants d’écoles ou de collèges "poubelle", où ils les voyaient en grand danger d’être mal instruits et contre-éduqués. Ces parents ont vraisemblablement eu des avocats dans la concertation, mais que faire contre la "totalité des études" ?
Il est évidemment plus simple d’édicter des règlements qui d’ailleurs ne s’imposeront qu’aux parents les plus démunis, que de chercher sur le terrain les raisons pour lesquelles certains établissements ont perdu des élèves, trouver les mesures correctives, décider, et obtenir que le nécessaire soit fait.
Une autre décision ne pouvait attendre : celle de supprimer les évaluations CE1 et CM2 créées par Xavier Darcos. Ces évaluations étaient imparfaites mais perfectibles. La fatalité (?) a voulu qu’elles soient constamment dégradées depuis trois ans. Les voici condamnées, et on verra plus tard ce qu’il convient de faire. Peut-être Vincent Peillon songe-t-il déjà à bouter Pisa hors de France ?
Au passage, le ministre nous a informés qu’il n’était pas favorable à la suppression des notes. Mais il a ajouté qu’il y a plusieurs façons de noter. Autrement dit, il est en réalité pour la suppression de la notation telle qu’on la comprend depuis toujours dans les disciplines académiques.

Les bonnes intentions

 

Nous devons toutefois porter à son crédit deux bonnes intentions (peut-être en a-t-il manifesté d’autres) :
– Il a autorisé la publication de 17 rapports d’inspection générale que Luc Chatel avaient mis au placard. Nous avons d’ailleurs commenté sur notre site l’excellent rapport sur la Maternelle. L’avenir dira si le ministre persiste dans sa volonté de transparence, contre les habitudes bien ancrées à l’Education nationale. Un bon début serait de renoncer à la langue de bois dans les réponses aux questions des parlementaires.
– Il a aussi manifesté la louable intention de mettre fin à l’un des plus grands scandales de son ministère : l’affectation en CP d’instituteurs débutants, alors qu’il s’agit d’une mission difficile, aggravée par des nominations dans les zones dites sensibles, anciennement ZEP, zones où la mission, pour un débutant, est carrément impossible. Nous connaissons le processus par lequel les intentions et même les décisions de ministres peuvent se perdre dans les méandres de l’administration. Aussi faudra-t-il attendre pour voir ce qu’il en sera réellement.
Il est trop tôt pour conclure.

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