Le primaire jusqu’à 16 ans ? (suite)

Rapport du Haut Conseil de l’Education sur le collège – 2010

Principales Recommandations

1 – Renforcer la continuité entre l’école primaire et le collège en créant "un enseignement scolaire du socle commun", les exigences du socle étant "enfin" prises en compte dans les programmes des autres disciplines.
Le HCE tranche ainsi un choix qui est resté en suspens depuis 35 ans, entre le collège prolongation du primaire jusqu’à 16 ans, ou le collège préparatoire au lycée.
Le choix de la prolongation du primaire dans un enseignement scolaire du socle commun, confirme la position du HCE quant au programme unique, fiction selon laquelle tous les enfants et adolescents d’une même classe d’âge suivraient le même enseignement, et ce jusqu’à 16 ans.
La priorité absolue donnée au "socle" confirme l’adhésion du HCE à l’uniformisation vers le bas. Certes, le rapport prétend que l’impératif du socle n’est pas contradictoire avec l’intérêt porté aux meilleurs élèves. Pour preuve, le rapport PISA prouve que "moins un pays a d’élèves faibles, plus il a de très bons élèves". A nos yeux, cela signifie simplement que certains pays ont un système d’enseignement meilleur que le nôtre.
Le HCE s’oppose clairement à toute idée de classe ou groupe suffisamment homogène en savoir pour que le professeur puisse prendre en charge tous les élèves. A fortiori, s’oppose-t-il à toute différenciation des parcours scolaires selon les capacités et motivations de chacun – notion repoussée au-delà de la scolarité obligatoire. Quant aux spécialisations et options, elles sont condamnées sous le nom infamant de "filières". A ce sujet, le rapport nous apprend qu’il y a des "pays à filières" comme l’Allemagne.
Malgré la multitude d’études "scientifiques" que les auteurs du rapport semblent avoir consultées (à défaut de se rendre dans des collèges français pour voir ce qui s’y passe), le simple bon sens nous enseigne que si :
 – on place dans toutes les classes un quota d’élèves très faibles
 – on impose aux enseignants d’enseigner le contenu d’un "socle commun" quoi que cela signifie, à tous les élèves sans exception, ce qui est d’ailleurs impossible,
ce sera au détriment des élèves capables et motivés.
Nota. Au lieu du socle commun, on aurait pu définir un ensemble de savoirs à transmettre à 90 % des élèves. Un tel savoir commun n’aurait imposé ni programme unique, ni collège unique. Il aurait pu s’appliquer à des structures d’enseignement très différenciées, comme à une scolarité obligatoire jusqu’à 14 ans seulement.

2 – Former les enseignants à l’enseignement en classe hétérogène afin d’assurer, dans la classe, la réussite de chaque élève, le redoublement devant avoir un caractère exceptionnel.
Il s’agit d’apprendre aux enseignants la "diversification pédagogique" autrement dite pédagogie différenciée.
Une "diversification pédagogique réussie et une différenciation qui permet de maintenir le groupe classe dans un même projet global". Formulation qui, naturellement, privilégie le groupe par rapport aux personnes que sont les élèves, et qui ne dit rien du niveau du savoir dans le projet global ainsi maintenu.
"La mise en œuvre d’une pédagogie différenciée est tout à fait possible, sans faire preuve de virtuosité pédagogique ou didactique, tout simplement en identifiant et en adoptant quelques gestes professionnels simples qui ont fait leurs preuves et qui ne nécessitent qu’une solide organisation".
Les membres éminents du HCE semblent ignorer que l’hétérogénéité n’a de sens que si on en précise le degré. Tout groupe humain est hétérogène dans pratiquement tous les domaines. La question posée est l’hétérogénéité extrême de beaucoup de classes des collèges uniques.
Le HCE professe donc qu’en 6ème, un professeur peut enseigner le français de façon différenciée à une classe où se trouvent des élèves qui lisent couramment des livres entiers, et des élèves qui ne savent ni lire ni écrire ; et qu’il suffit pour cela de pratiquer quelques gestes qui sauvent.
Dans ce cas, que les membres du HCE connaissent parfaitement puisqu’ils s’occupent aussi du primaire, les élèves les plus faibles sont très loin des exigences du "socle" défini dans les programmes 2008 du primaire. Mais apparemment cette particularité n’a pas retenu leur attention.
Prenons alors les programmes 2008 du collège pour les mathématiques, qui distinguent ce qui relève du socle et ce qui est du programme général. Soyons optimistes, et supposons que les élèves les plus faibles sont au niveau du socle, et que les plus avancés maîtrisent le programme (ce qui à coup sûr est très en-dessous de leur potentiel).
Nous aurons ainsi une vue très modérée de l’hétérogénéité de classes uniques.
Exemple pour la classe de 3ème  (Extraits du programme)
Programme – Equations et inéquations du premier degré – Système de 2 équations du premier degré à 2 inconnues – Interprétation graphique…
Socle  "La notion d’équation ne fait pas partie du socle commun. Néanmoins les élèves peuvent être amenés à résoudre des problèmes du premier degré"
Programme – Eléments de trigonométrie – relations entre un angle inscrit et l’angle au centre du même arc – Calculer le rayon du cercle intersection connaissant le rayon de la sphère et la distance du plan au centre de la sphère.
Socle Agrandir ou réduire une figure – Construire un triangle équilatéral, un carré – Connaître la nature de la section d’une sphère par un plan.
NB. Une définition de la pédagogie différenciée est que le maître enseigne les mêmes choses à des élèves de niveaux différents. Il est vraiment difficile dans l’exemple ci-dessus de prétendre qu’il s’agirait d’enseigner les mêmes choses.

Des propositions moins conformistes

1 – Une série de propositions concerne les professeurs, leur présence prolongée au collège, la reconnaissance de métiers différents entre la maternelle et de lycée, la possibilité pour les principaux d’émettre un avis sur les enseignants affectés à leur établissement, etc…
Ces propositions peuvent donner lieu à de nombreuses applications utiles.

2 – Introduire pour tous les élèves, de la sixième à la troisième, à parité d’estime avec les disciplines traditionnelles, un enseignement de culture manuelle et technologique permettant de valoriser des aptitudes différentes.
L’entrée au collège, par la grande porte, de disciplines non académiques (techniques, artistiques, sportives, etc…) est d’un intérêt évident pour remotiver les élèves plus portés sur le concret que sur l’abstrait, ou qui ont besoin de passer par le concret pour appréhender l’abstrait. L’intérêt pour les forts en thème est aussi évident.
Mais il est très déraisonnable de vouloir le faire dans le cadre de programmes uniques ; dans cette hypothèse, ces activités diminuent les temps consacrés aux disciplines académiques, sans donner aux élèves vraiment intéressés le temps nécessaire pour progresser et atteindre un niveau d’excellence (à parité avec les disciplines académiques). Un compromis prévisible transformera la "culture manuelle et technologique" en teinture ou en nième activité ludique.
Cette proposition du HCE ne peut être efficace que si est admise la diversification des parcours scolaires des élèves  .

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