La responsabilité parentale confisquée
Une grave décision du Conseil d’Etat.
Une fois de plus notre pays vient d’être victime d’un déni de droit résultant d’une accumulation systématique de contrevérités. Le Conseil d’Etat a écarté d’un trait de plume, le 18 octobre dernier, toutes les preuves que nous avions fournies pour justifier notre demande d’annulation de la circulaire du 18 novembre 1998 sur l’éducation sexuelle à l’école. Le coup a été rude, mais il ne surprend pas outre mesure : les récents avis donnés au gouvernement à propos du droit à la vie, de l’euthanasie et des lois bioéthiques ont révélé sans équivoque au grand public la pente que prend, depuis quelque temps, cette institution que l’on considérait comme garante de la légalité des actes de l’administration.
Pour mesurer l’enjeu du recours que sept associations du C.I.D., dont la FIVA, plusieurs parents d’élèves, des enseignants et des membres du corps de santé de l’appareil éducatif ont introduit en Conseil d’Etat, il faut peser chaque formule, presque chaque mot, de la partie centrale de la circulaire attaquée : au-delà d’une prétendue prévention des maladies transmissibles, l’intention majeure avouée, dans ce texte, est de «faire évoluer des attitudes de fond … adapter une attitude critique sur les stéréotypes en matière de sexualité… comprendre qu’il puisse y avoir des comportements sexuels variés… (et) donner aux jeunes l’occasion de s’approprier, dans un contexte plus large que celui de la famille, les données essentielles de leur développement affectif», l’un des objectifs précis étant l’initiation aux méthodes permettant la prévention d’un autre «risque» : celui de la «transmission de la vie».
Les requérants avaient mis en évidence, avec des arguments juridiques rigoureusement fondés, la violation, par le gouvernement, de trois principes constitutifs du régime politique et social français : la neutralité institutionnelle de l’Etat, l’irréductibilité de la responsabilité parentale et la liberté de conscience des agents de la communauté éducative. Le Conseil d’Etat s’est contenté de nier cette violation, sans se donner la peine de justifier son affirmation et en s’abstenant soigneusement de répondre à certaines de nos démonstrations les plus embarrassantes.
Par un phénomène curieux et inexplicable, la jeune commissaire du gouvernement qui, dans le recours sur la pilule Norveto, avait défendu le principe de l’autorité parentale, a, dans le cadre de la circulaire sur l’éducation sexuelle à l’école, complètement inversé son discours et s’est attachée à réduire les prérogatives parentales au profit d’un prétendu droit égal de l’Etat à "coopérer" à cette éducation de l’enfant, et a nié l’évidence du caractère incitatif des messages gouvernementaux en matière de sexualité.
Or, fait unique dans les annales juridiques de notre pays, le Conseil d’Etat avait reçu, quelques semaines avant de se prononcer, une délégation des mouvements féministes et gauchistes constituée de la CADAC, du Collectif national du droit des femmes, de la FCPE, du Planning familial, de la section française du mouvement international Prochoix et autres organismes du même acabit, venus faire entendre «raison» aux conseillers de la haute institution.
Le chef de file de ce consortium de lobbies, Maya Surduts, écrivait dans le compte-rendu de l’assemblée générale du 5 octobre 1996 du Collectif national du droit des femmes : «Il faut aussi redonner à notre combat l’aspect subversif, utopique, qui animait le mouvement des femmes. Par exemple, sur le terrain de la famille, nous ne pouvons nous contenter de riposter aux attaques, à la politique nataliste, fiscale, etc…, mais n’ayons pas peur de remettre en cause le rôle de la famille comme lieu privilégié d’oppression, de reproduction de l’idéologie dominante, même si c’est un refuge dans un monde sans merci».
L’audience accordée par le Conseil d’Etat à cette délégation dans la période où il instruisait un dossier dans lequel ces mouvements ont une part active est donc une violation flagrante de sa neutralité.
Notre défiance à l’égard de la haute institution trouve, d’ailleurs, un motif supplémentaire dans ce coup inattendu qu’elle a porté à la liberté de conscience : alors que le ministère de l’éducation nationale lui-même avait nié que l’enseignement privé sous contrat puisse être concerné par l’application de la circulaire attaquée, le Conseil d’Etat, se faisant plus faussement égalitariste que l’auteur de ce texte, a estimé que «… les dispositions contestées de la circulaire s’appliquent aux établissements privés d’enseignement qui ont choisi de passer un contrat avec l’Etat… (et que) l’enseignement sur l’éducation sexuelle qu’elles prévoient… n’est pas de nature à porter atteinte au caractère propre des établissements d’enseignements privés sous contrat».
Tout ceci est assez grave pour justifier une lettre de demande d’explications au président de la section du contentieux et pour que nous envisagions de demander à une cour internationale de nous rendre enfin justice.
Thomas MONTFORT
Secrétaire général du Comité d’initiatives pour la Dignité humaine (C.I.D.)
Auteur du Livre Blanc «L’éducation sexuelle à l’école ?» – FX.de Guibert – 1997