La rentrée de Xavier DARCOS

Est-il l’homme de la situation ?
La rupture
Une longue période de transition sera nécessaire
L’urgent et le transitoire
Liberté pédagogique
Evaluations ou examens ?
Examen d’entrée en 6ème ou examen de fin d’études primaires ?

La rentrée du ministre est évidemment placée sous le signe présidentiel de la rupture. Dans cet esprit, Xavier Darcos multiplie les annonces. En quelques jours, il a proposé une réforme du baccalauréat, annoncé des propositions sur les lycées dès début 2008, décidé de doubler le nombre des "Lycées de métier", de mettre fin au collège unique, annoncé pour fin octobre un projet de l’école primaire, évoqué, – toujours en primaire – le bilinguisme, le sport, sans oublier le poids des cartables, l’histoire de l’art, les cours du samedi matin, de nombreuses questions concernant les enseignants, etc… etc…

Il n’est pas sûr que toutes ces annonces, dans lesquelles il est difficile de distinguer les priorités, les projets des décisions, les "ballons d’essai" des projets, et le court terme du long terme, soient de nature à rassurer les parents inquiets pour l’avenir de leurs enfants, et qu’elles émeuvent le noyau dur de l’Education Nationale.

Le président de la République dans sa Lettre aux éducateurs, a traduit la rupture par le terme de refondation, et annoncé "… un long travail qui ira de la reconstruction de l’école primaire à celle du lycée".

En effet, chacun peut comprendre que, pour reconstruire l’immense édifice vermoulu qu’est l’Education Nationale, il faudra beaucoup de temps, mener à bien des opérations très complexes, car il ne s’agit pas ici de briques et de mortier, mais de centaines de milliers d’hommes et de femmes.

Xavier Darcos sera-t-il l’architecte capable de présider à la conception du nouvel édifice ? Sera-t-il l’entrepreneur capable de planifier et d’articuler dans le temps les grandes étapes de la reconstruction ? Sera-t-il le gestionnaire capable d’aménager les transitions, c’est-à-dire la coexistence temporaire de l’ancien et du nouveau système d’enseignement ?

Nous n’attendons pas qu’il dévoile tous ses projets. Essayons par nous-mêmes de voir comment se présente cet énorme chantier, l’un des plus importants – sinon le plus important – pour l’avenir de notre pays et de notre société.

La rupture

Selon nous, la rupture devrait s’exprimer en quelques mots :
"La raison d’être de l’Education Nationale est l’enseignement, c’est-à-dire la transmission des savoirs".
L’éducation, pratiquée sous des formes parfois surprenantes, ne doit plus prévaloir sur l’exigence d’instruction.
Dans sa Lettre aux éducateurs, le Président de la République revient à plusieurs reprises sur l’impératif de la transmission du savoir, mais son propos est en quelque sorte volontairement amorti par le parti pris de s’adresser aux "éducateurs" et la place faite à l’éducation au sens propre du terme. (1)
Il faut que Xavier Darcos prenne le relais en termes clairs. Ce n’est pas difficile, car tous les bons enseignants veulent enseigner et non pas éduquer ; la plupart des parents voient bien, dans leur environnement professionnel, que notre avenir dépend de notre niveau collectif d’instruction ; enfin le Haut Conseil de l’Education vient de lancer la première alerte à propos des résultats de l’enseignement primaire, qui, soulignons-le en passant, n’apporte pas le moindre élément de solution crédible.
Les petites phrases ne suffisent plus (" recentrer l’école primaire sur les fondamentaux …"). Il faut donner officiellement la parole aux partisans de l’instruction, aux enseignants qui se battent pour instruire leurs élèves et qui obtiennent des résultats, dire la vérité sur le niveau d’instruction à la fin du secondaire. Il faut cesser de faire semblant d’arbitrer un débat équitable entre les partisans de l’instruction et les défenseurs du statu quo.

Une longue période de transition

Supposons que, par un coup de baguette magique, tous les CP soient "refondés" – rénovés – à la rentrée 2008, que tous les CE1 le soient à la rentrée 2009, etc… A quelle date des élèves ayant intégralement suivi un cursus d’enseignement "refondé" parviendraient-ils au seuil de l’enseignement supérieur ? Réponse : à la rentrée 2020.
Cette échéance pourrait être rapprochée pour certains élèves, capables de réussir pleinement leur scolarité sans avoir bénéficié en totalité d’un enseignement rénové. Elle serait retardée pour d’autres, et notamment pour les enfants dont l’entourage parle peu et mal le français, car pour eux il faut aussi rénover les maternelles et particulièrement la grande section.
Mais la période de transition ne s’achèvera vraiment que lorsque tous les élèves auront suivi un cursus scolaire entièrement rénové. Or il va de soi que tous les CP ne peuvent pas être rénovés à la rentrée 2008. Il y aura des décalages dans le temps, générateurs de difficultés pour les élèves. Pendant la transition, beaucoup d’élèves auront une scolarité en quelque sorte alternée, entre des classes rénovées et des classes conduites sur les pratiques actuelles. Il en résultera que beaucoup d’enseignants se trouveront face à des classes hétérogènes, tous les élèves n’ayant pas suivi le même cursus. Cela compliquera leur travail, et retardera encore l’échéance de la refondation complète.
Surtout, la refondation ne se fera pas sans les enseignants, qu’il faudra convaincre ou plus exactement qui devront se convaincre de changer. Les évolutions personnelles seront plus ou moins longues, encore compliquées par le fait qu’un certain nombre d’entre eux, victimes de leur propre scolarité, ne maîtrisent pas suffisamment les savoirs pour les transmettre à d’autres.
Pour toutes ces raisons, quand pouvons-nous espérer voir la fin de la période de transition ? Les pessimistes disent qu’il faudra 30 ans –une génération- soit 2037. Optimistes mais prudents, nous tablerons sur 2020-2030. C’est long, mais, comme le dit Nicolas Sarkozy, "Nous avons déjà trop tardé". Et les retards se paient.
Encore faut-il que le cap soit maintenu pendant cette longue période. A cet égard, les 5 ou 10 prochaines années seront cruciales : ensuite on peut raisonnablement escompter un consensus et donc une accélération des dernières étapes de la refondation.

L’urgent et le transitoire

Pendant la période de transition, il faudra savoir prendre et appliquer des décisions de natures très différentes : certaines visent l’objectif final, l’édifice entièrement reconstruit ; malgré leur échéance éloignée, plusieurs sont urgentes et doivent être prises en 2007-2008. D’autres sont absolument nécessaires mais transitoires, et destinées à entrer progressivement en désuétude.
• Parmi les mesures à long terme mais urgentes, on peut retenir :
– en premier lieu, la fixation et la publication des nouveaux programmes de l’enseignement primaire (dont la maternelle), rétablissant la primauté de l’instruction après des décennies de régression ; de tels programmes, rédigés de façon concise et claire (2), hors de tout jargon pédagogiste, et ainsi accessibles à nos concitoyens, concrétiseront et populariseront la volonté de refondation ; leur rédaction est urgente parce que le primaire est le fondement de tout l’édifice scolaire ; enfin leur mise au point est largement avancée par le travail du GRIP et les expériences du réseau SLECC.
– ainsi que tout ce qui concerne la formation et le perfectionnement continu des enseignants, la suppression des IUFM et leur remplacement, la réorganisation de l’inspection (3).
• D’autres mesures à long terme doivent être reportées ultérieurement.
C’est la cas de l’organisation et des programmes de l’enseignement obligatoire après le primaire : tant que la refondation du primaire n’est pas suffisamment avancée pour que l’on sache quel sera l’éventail des niveaux d’instruction à la fin du primaire, il est impossible de réfléchir utilement à la suite.
• Les mesures transitoires sont nombreuses, elles concernent pratiquement toute la scolarité, elles peuvent avoir un caractère expérimental.
Ainsi, ce n’est qu’au terme de la période de transition concernant le primaire (vers 2013-2018) que l’enseignement en 6ème pourra être complètement rénové. L’année d’après, ce sera la 5ème et ainsi de suite. Avant cette échéance, un effort massif doit être fait au collège pour donner à (presque) tous les élèves le niveau minimum de fin d’études primaires. Actuellement, d’après le HCE, 300.000 élèves sont en échec chaque année, et leurs difficultés ne sont pas résolues par la suite, ce qui représente approximativement 1.200.000 élèves quasiment déscolarisés pendant les 4 années du collège.
• En complément, il faudrait généraliser les trop rares expériences de classes d’excellence dans les lycées et collèges, trouver le moyen d’étendre la même idée dans le primaire. Il ne s’agit pas seulement de remettre en marche l’ascenseur social. Est aussi en cause le niveau de notre recherche dans les vingt ou trente ans à venir.
• Le soutien scolaire massif, tel qu’il est envisagé,les parcours personnalisés de réussite scolaire, etc… sont pour l’essentiel des mesures transitoires. Car, une fois menée à bien la refondation, le besoin doit devenir occasionnel et fortement minoritaire, ce qui permettra de financer les moyens les plus efficaces. Il faut à tout prix éviter la dérive trop prévisible consistant à pérenniser des activités de nature temporaire, par le biais d’organismes ad hoc (comme l’Agence Nationale de lutte contre l’illettrisme).

Liberté pédagogique

  
Les programmes disent ce que le maître doit enseigner. La liberté pédagogique est la liberté du maître dans le choix des moyens et méthodes de la transmission du savoir.
• L’article 48 de la Loi Fillon traite – ou plutôt maltraite – cette question, dans une rédaction qui est une offense à la langue française: "La liberté pédagogique de l’enseignant s’exerce dans le respect des programmes et instructions du ministre chargé de l’éducation nationale et dans le cadre du projet d’école ou d’établissement avec le conseil et sous le contrôle des membres du corps d’inspection. Le Conseil pédagogique prévu à l’article L421.5 ne peut porter atteinte à cette liberté".
• La lettre de mission du Président de la République à Xavier Darcos (4) précise : "Vous garantirez la liberté pédagogique des enseignants, en contrepartie de quoi vous les évaluerez plus régulièrement sur la base des progrès et des résultats de leurs élèves".
C’est à juste titre qu’est employé le mot progrès. En effet, le résultat d’une année scolaire n’est pas le niveau d’instruction en fin d’année, mais l’élévation de ce niveau entre le début et la fin de l’année. Il eut été préférable d’écrire : "sur la base du progrès dans les résultats de leurs élèves".
La lettre de mission lie donc implicitement la liberté pédagogique à une obligation de résultat. En effet, il ne peut exister de liberté sans limite. Une liberté est un droit, qui, en contrepartie, appelle des devoirs, c’est-à-dire crée des obligations.
L’obligation de résultat n’est pas la seule envisageable. Il y a manifestement une obligation de compétence ou de formation : on ne peut pas donner la liberté pédagogique à quelqu’un dont les connaissances ou la pratique sont insuffisantes. Il y a une obligation de prudence a priori alors que l’obligation de résultat ne s’applique qu’a posteriori. Il y a une obligation d’information des parents, premiers responsables de leurs enfants.
• Xavier Darcos a du pain sur la planche. Il doit s’attacher à formuler clairement en quoi consiste la liberté pédagogique, et les obligations en contrepartie, dans des termes qui s’imposent non seulement aux enseignants, mais aussi à l’inspection et à la hiérarchie de l’Education Nationale.
D’urgence, il doit faire respecter la liberté pédagogique, qui, au moins dans l’enseignement primaire, ne l’est pas totalement à l’égard de ces maîtres qui se consacrent à la transmission du savoir, et qui sont souvent aujourd’hui encore l’objet de brimades qui portent tort à leur carrière.

Notes

  
(1) Sauf erreur, c’est en anglais que le mot "education" s’applique à l’instruction.
(2) Les programmes doivent simplement énumérer les savoirs et savoir-faire à transmettre, sans entrer dans les considérations philosophiques, psychologiques, pédagogiques ou autres.
(3) – La réforme des IUFM et de l’encadrement pédagogique NE PEUT PLUS ETRE DIFFEREE. On fait dans les IUFM de la formation professionnelle sans professionnels …
Xavier Darcos – 22 février 2006
(4) Lettre du 5 juillet 2007 – Texte intégral sur www.elysee.fr rubrique "Lettres et messages"mois de juillet

Evaluations ou examens ?


• Extrait de la lettre de mission du ministre :

"En dernier lieu, nous souhaitons que vous mettiez en place un dispositif d’évaluation beaucoup plus conséquent de notre système éducatif. Celui-ci devra comprendre quatre volets : une évaluation systématique de tous les élèves tous les ans, afin de repérer immédiatement les élèves en difficulté et de pouvoir les aider ; une évaluation régulière des enseignants sur la base des progrès et des résultats de leurs élèves, et non sur les méthodes qu’ils utilisent, adossée à un dispositif réel de formation continue. Nos enseignants sont demandeurs de formation, de soutien, de conseil. C’est une forme de considération que nous leur devons ; une évaluation en profondeur des établissements, qui sera disponible pour les familles ; enfin, une évaluation indépendante et régulière de l’ensemble de notre système éducatif, afin que l’autorité politique puisse en permanence prendre les décisions nécessaires pour garantir la qualité de l’école et sa capacité à répondre aux obligations et aux attentes du monde contemporain."

L’abus du mot "évaluation", appliqué à des objets très différents, fait craindre un recul insuffisant par rapport au langage convenu à l’Education Nationale. Faut-il l’interpréter ? S’agit-il de valeurs (morales ? pratiques ?). S’agit-il de mesures approximatives ?

Ce texte suscite quelques questions :

"… une évaluation systématique de tous les élèves tous les ans, afin de repérer immédiatement les élèves en difficulté et de pouvoir les aider.

Pourquoi pas en outre : repérer les élèves en progrès pour les encourager, et ceux qui manifestent un fort potentiel afin d’accélérer ou d’élargir leurs études ?

Une évaluation régulière des enseignants sur la base des progrès et des résultats de leurs élèves, et non pas sur les méthodes qu’ils utilisent…"

Il est clair que des "évaluations" ne doivent pas porter uniquement sur les méthodes, comme le font encore ces inspecteurs qui, lorsque le maître recourt à des méthodes non conformes aux dogmes, en déduisent que les élèves ne savent pas, au mépris même de l’évidence. Cependant, des résultats insatisfaisants appellent une analyse des causes, à rechercher dans les circonstances, ou dans la composition plus ou moins hétérogènes du groupe d’élèves, ou dans les méthodes pratiquées.

"Une évaluation en profondeur des établissements, qui sera disponible pour les familles".

Que signifie "en profondeur" ? Pourquoi "pour les familles" et pas simplement "qui sera rendue publique" ?


L’évaluation systématique de tous les élèves

• Qu’est-ce qu’on évalue ? : manifestement, des connaissances, savoirs et savoir faire, et non des "compétences" prétendument nécessaires pour accéder au savoir.

Qui évalue ? Trois possibilités :

– le professeur, construisant lui-même ses outils d’évaluation
– le professeur, avec des outils et des procédures d’évaluation définis par des tiers et donc accessibles à tous les intéressés
– des tiers, selon les modalités précédentes

La troisième possibilité est un examen ; la seconde s’en rapproche.

Il est parfois allégué que les bons enseignants peuvent définir eux-mêmes les modalités d’évaluation de leurs élèves. Mais ils ne peuvent pas donner à leurs évaluations un caractère général s’ils n’ont pas des références fixes et indépendantes.

De plus, sur 800 ou 900.000 enseignants, il y a nécessairement, comme dans toute collectivité, des mauvais enseignants et des médiocres, dont les autoévaluations ne peuvent être crédibles.

• Il eut donc été préférable d’écrire : un examen systématique des connaissances des élèves tous les ans.

L’idée d’examen suscite des craintes largement irraisonnées, à cause des aléas inéluctables dans toute activité humaine, et à cause des conséquences possibles pour les élèves.

Après la période de transition, l’examen sera légitime et il apportera une information irremplaçable. Mais un mauvais résultat n’entraînera pas automatiquement un redoublement : les redoublements seront rares et décidés après l’étude de toutes les éventualités. Pendant la période de transition, les résultats de l’examen devront être relativisés selon l’enseignement précédemment reçu.

• La lettre de mission fait état de 4 volets d’évaluation, que l’on pourrait comprendre comme indépendants les uns des autres.

Or, le même examen passé par tous les élèves permet d’évaluer les connaissances et les progrès de chacun, sous réserve d’observations et commentaires ; les résultats des élèves d’une classe, assortis d’un complément d’informations, fournissent une base à l’évaluation du professeur ; on passe aisément de la classe à l’établissement, et de l’établissement à l’ensemble national.

• Les objectifs fixés au ministre par la lettre de mission peuvent donc être atteints par :

– des épreuves annuelles définies nationalement dans leur nature et leur notation, et administrées par les professeurs
– des examens nationaux pluriannuels

Il est entendu que, dans le cours de leur enseignement, les professeurs exercent leur liberté pédagogique pour choisir leurs modalités de contrôle, avec ou sans notation.

• Du fait des incessantes manipulations dont les évaluations font l’objet depuis plusieurs années, l’Education Nationale est totalement discréditée.

Par conséquent, la refondation exige que la définition des épreuves et examens et leur contrôle soient retirés à l’Education Nationale, pour être confiés à une autorité indépendante, comme ce qui a été fait heureusement dans d’autres domaines ; cette autorité étant garante de la fiabilité et de la continuité, permettant seules les comparaisons dans le temps et donc la mesure des évolutions.

• Ainsi se dégagent pour le Président et le ministre deux occasions de ruptures bienvenues :

briser les tabous de la notation et des examens, et remettre le terme d’évaluation à sa juste place
– initier la création d’une autorité indépendante de contrôle des examens (5)


L’entrée en 6ème


• Depuis qu’il est ministre, Xavier Darcos a manifesté plusieurs fois son opposition à la création d’un examen d’entrée en 6ème.
"Un tel examen ne résout pas le problème de ce qu’on fait avec ceux qui le ratent".
"Nous ne voulons pas sélectionner les enfants en 6ème".

En effet, si l’on appelle par convention "6ème" la première classe du dispositif différencié qui succédera au collège unique, il est évident qu’un examen d’entrée en 6ème est a priori contradictoire avec l’obligation de scolarité jusqu’à 16 ans.

Nous sommes donc d’accord avec le ministre, mais à la condition d’instaurer un examen national de fin d’études primaires.

Pour quelles raisons ?

D’abord parce que l’enseignement primaire forme un ensemble homogène qui, après la refondation, sera très performant, et qui, selon nous, mérite un couronnement officiel. Après la période de transition, cet enseignement sera forcément très différent de la suite de la scolarité, et il importe de renforcer son originalité.

Ensuite, parce que cet examen peut être créé immédiatement, dès que les nouveaux programmes du primaire auront été publiés, avant la rentrée 2008. En effet la nature des épreuves découle directement des connaissances à enseigner, c’est-à-dire des programmes.

Enfin, parce que l’examen complète les programmes en ce que, si les programmes disent ce que les maîtres doivent enseigner, l’examen, par ses consignes de notation, donne une image statistique de ce que les élèves doivent apprendre, avec l’inévitable marge de variation ou de réussite. Ce que les élèves "doivent" apprendre, c’est le résultat attendu de l’enseignement (6).

• Cet examen de fin d’études primaires ne sera pleinement opérationnel qu’à la fin de la période de transition du primaire (vers 2013-2018). Mais nous pensons qu’il doit être défini dès maintenant.

En effet, il est illusoire de prétendre piloter une longue transition si l’on n’a pas les moyens de vérifier la condition essentielle de sa réussite : l’existence d’un progrès continu, année après année. Un progrès continu ne peut être vérifié que par des moyens invariables dans le temps et des modalités constantes.

• On objectera que, si cet examen était appliqué pour la première fois à la fin de l’année scolaire 2008-2009, des centaines de milliers d’enfants, sur les 300.000 mentionnés dans le rapport du Haut Conseil de l’Education, obtiendraient une moyenne proche de zéro. Ce serait décourageant, et injuste puisque leur échec est d’abord celui de l’enseignement qui leur a été dispensé.

Il faudra donc ajouter aux épreuves définitives des épreuves transitoires beaucoup plus simples, permettant une notation provisoire acceptable par les élèves et les parents. Deux notations coexisteront pendant la période de transition : une notation de référence et une notation de circonstance.

La question des modalités d’entrée en 6ème ne se posera en termes simples qu’après la fin de la période de transition du primaire. Alors, les enfants ayant obtenu de bons résultats à l’examen auront fait la preuve de leur capacité à poursuivre des études "classiques" largement basées sur le développement de l’intellect, les connaissances abstraites, l’expression verbale.

Les autres, aux résultats plus faibles, auront tiré le maximum d’un enseignement efficace assorti de soutiens personnalités. Leurs résultats à l’examen prouveront que, dans l’immédiat, ils ne sont pas adaptés à l’enseignement classique préfiguré par l’enseignement primaire. Nous pensons qu’il serait déraisonnable, et très décourageant, de leur imposer de nouveau un approfondissement des savoirs fondamentaux. Il faudra leur proposer autre chose, c’est-à-dire les orienter vers des disciplines qui, moyennant l’effort indispensable, pourront lui procurer la réussite dont ils sont privés.

Il faudra donc les orienter vers des domaines manuels, techniques, artistiques, ou autres, assortis d’un permanent "rappel" culturel à partir d’amorces trouvées dans leurs nouvelles activités. Il faudra, durant toute la fin de la scolarité obligatoire, offrir aux plus motivés et aux plus courageux, des passerelles vers les scolarités classiques.

Il s’agit donc bien, à l’issue de l’enseignement primaire, d’orientation et non de sélection. Cette orientation ne pourra pas être fondée sur les seuls résultats à l’examen de fin d’études primaires, qui ne rendent pas compte de toutes les facettes de la personnalité. Ils devront être complétés par les observations des maîtres du primaire, par la prise en compte des goûts et des aptitudes "extra scolaires" des enfants, par l’avis des parents.

Tout cela reste à définir et à expérimenter.

• Nous n’approuvons pas la proposition suivante de la Lettre aux éducateurs :
"Nul ne doit entrer en 6ème s’il n’a pas fait la preuve qu’il est capable de suivre l’enseignement du collège".

Elle laisse supposer que certains élèves pourraient rester dans l’enseignement primaire jusqu’à 16 ans. Or, après la période de transition, la scolarité obligatoire implique que tous les élèves de CM2 passent en 6ème à l’exception des rares redoublements décidés par les maîtres et des cas pathologiques relevant d’établissements spécialisés. Il faudra donc créer des cursus scolaires et sans doute des collèges suffisamment diversifiés pour répondre aux besoins de tous, en continuant à transmettre des connaissances structurées et utiles.

Il importe de mettre à profit la période de transition pour multiplier les expériences et vaincre les préjugés relatifs à la supériorité de l’enseignement général pour tous les élèves quels qu’ils soient.

• Bonne année scolaire, Monsieur le ministre !


Notes

(5) En supprimant par la même occasion le Haut Conseil de l’Education et la Direction de l’Evaluation et de la Prospective (DEP) de l’Education Nationale.

(6) C’est là que se situera, après la période de transition, le véritable "socle commun" de la scolarité obligatoire.

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