La rentrée de Luc CHATEL

Xavier DARCOS
Un coup de chapeau à Xavier Darcos, pour les mesures qu’il a prises dans l’enseignement primaire, mesures que nous avons approuvées et soutenues, malgré quelques réserves,  et qui commencent à faire bouger les lignes dans la bonne direction.
Le primaire, et la maternelle, sont les seuls domaines où l’on peut actuellement œuvrer dans la durée, pour établir solidement les fondations de l’ensemble du système d’enseignement.
Le collège et le lycée appellent certes des décisions urgentes, mais nécessairement transitoires : tant que le primaire n’est pas à nouveau d’aplomb, tant que 90 % des élèves n’en sortent pas avec des acquis solides, on ne peut pas refonder durablement le collège, et a fortiori les enseignements suivants.
C’est pourquoi nous ne nous sommes pas exprimés sur les récents projets de réforme du lycée.
Si nous déplorons le départ de Xavier Darcos, c’est aussi parce que l’Education Nationale, ce grand corps malade, a besoin de la continuité du pouvoir, et non de ministres précaires.

Luc CHATEL
A nos yeux, le nouveau ministre a bien commencé, par l’affirmation répétée du caractère inadmissible de la position des instituteurs "désobéisseurs", dont nous avons parlé sur ce site.
Nous espérons qu’il manifestera la même volonté de poursuivre et renforcer les réalisations de son prédécesseur dans l’enseignement primaire, en améliorant progressivement les deux dispositifs essentiels que nous approuvons : les programmes 2008 et les évaluations CE1 et CM2

Au-delà, pour satisfaire aux exigences de rupture et de réforme affichées par le Président de la République et le Premier ministre, le nouveau ministre doit innover. Les pistes ne manquent pas. Il lui suffit de se référer au discours de Nicolas Sarkozy devant le congrès le 22 juin 2009 :
"Ne sommes-nous pas progressivement passés sans toujours nous en rendre compte de l’égalité républicaine à l’égalitarisme ? La République, c’est la promotion sociale fondée sur le mérite et le talent. L’égalitarisme, c’est donner la même chose à tout le monde"
"Je souhaite que l’on propose une solution à tous les adolescents qui sortent du système scolaire à 16 ans sans rien
Je souhaite que l’Etat prenne à sa charge, dans des internats d’excellence, les enfants de milieu modeste qui ont le goût de l’étude …
Revaloriser l’apprentissage, la filière professionnelle, la filière technologique, la filière littéraire … pour en faire des filières d’excellence"

Voici donc dégagé, pour le nouveau ministre, un axe majeur d’attaque et de rupture, contre l’égalitarisme et pour la reconnaissance dans les faits et la pratique de la diversité des élèves et des situations dans lesquelles ils se trouvent.

"Sans rien"

Nicolas Sarkozy fait allusion aux 150.000 adolescents qui quittent l’école chaque année et se retrouvent sans diplôme, et aussi sans savoirs : la plupart sont des quasi illettrés. Il a raison de souhaiter que l’on fasse quelque chose pour eux, mais il faut être conscient que c’est un palliatif, très coûteux au demeurant si l’on vise vraiment l’efficacité plutôt qu’un effet d’annonce. Enorme budget, s’ajoutant aux 10 milliards d’euros consacrés à la scolarité, depuis la maternelle, pour les 150.000 exclus "produits" chaque année par le système.
Palliatif, parce que le mal n’apparaît pas à 16 ans. Les "sans rien" à 16 ans sont déjà "sans rien" à la fin du primaire, et bien avant. Pour beaucoup, le système étant ce qu’il est, l’échec est fatal et aisément prévisible dès l’âge de 7 ans.
Pour faire l’économie de la majeure partie des mesures d’accompagnement entre 7 et 16 ans, et des mesures de sauvetage  après 16 ans, il faudra parvenir progressivement à concentrer l’essentiel des moyens d’aide sur les enfants en difficulté au départ dans la vie.
Pour obtenir l’adhésion à ces idées, et débloquer les innombrables bonnes volontés d’enseignants et de non enseignants, le pouvoir doit ouvrir des voies qui s’élargiront par la suite. Nous en voyons trois : d’une part le lancement d’expériences, en faveur des tout jeunes enfants défavorisés socialement ou culturellement, expériences confiées évidemment à des volontaires. D’autre part, l’abandon définitif des méthodes d’enseignement de la lecture à départ global. Enfin, la fermeture progressive des canaux de désinformation, canaux hébergés et favorisés de fait par l’Education Nationale, sinon par les ministres.

"Excellence"

S’il est inadmissible de laisser "sans rien" tant d’adolescents, en refusant de les voir, sauf pour s’en plaindre ou les craindre, il est tout aussi inadmissible de ne pas amener des enfants doués au niveau élevé d’instruction qui est à leur portée.
Nicolas Sarkozy parle de talent et de mérite ; nous parlons, pour l’enseignement, d’aptitudes et de motivations, c’est-à-dire d’intérêt et de volonté.
Les aptitudes, les talents, sont très divers, et c’est à juste titre que l’excellence doit être recherchée – et valorisée – dans tous les domaines, académiques ou non. Meilleur ouvrier de France est un titre d’excellence.

Entre les deux extrêmes

 du "sans rien" et de "l’excellence", pour lesquels le Président fixe des objectifs de progrès, nous prétendons que l’objectif de la scolarité obligatoire devrait être de faire progresser tous les élèves, en exploitant au mieux, à chaque étape de leurs études, la réalité des aptitudes, des intérêts, des volontés, des savoirs acquis par chacun.
Nous sommes là à l’opposé de la situation actuelle, qui voit coexister une conception égalitaire des choses, et des inégalités réelles, gigantesques. En effet, décrire le même programme d’enseignement pour les 800.000 enfants ou adolescents d’une classe d’âge, c’est bien prétendre donner la même chose à tout le monde, puisque le programme définit ce que les maîtres doivent enseigner. Quant aux inégalités du système actuel, elles ne traduisent pas la diversité des élèves, mais des dysfonctionnements au détriment des défavorisés.

Pour aller dans le sens souhaité par le Président de la République, le ministre devrait écouter les bons enseignants désespérés devant des classes hétérogènes, ingérables à cause des écarts dans les niveaux d’instruction des élèves. Ils réclament la création de classes de niveaux, qui ne sont pas la panacée, mais qui marqueraient un premier pas vers l’acceptation collective de la réalité. Ici encore, une phase d’expérimentation faciliterait les évolutions nécessaires.

Bonne année scolaire, Monsieur Chatel !

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