la méthode globale sévit toujours
Conférence du 11 octobre 2004
Notre association a organisé le 11 octobre au CHESNAY, près de VERSAILLES une conférence intitulée : "Pourquoi, après 30 ans, la méthode globale d’enseignement de la lecture est-elle toujours utilisée ? "
La réponse a été donnée par notre Président Gilbert SIBIEUDE. (voir ci-dessous)
Auparavant, deux exposés avaient été consacrés aux mécanismes mentaux d’apprentissage de la lecture (par le Professeur ISRAEL, de l’Institut) et aux conséquences des méthodes à départ global (par Colette OUZILOU, orthophoniste).
Les auditeurs ont posé de nombreuses questions aux orateurs et apporté des témoignages éclairants.
Réponse à une question : pourquoi la méthode globale d’enseignement de la lecture est-elle toujours utilisée?
I ) – Qu’est-ce qui explique cette sorte de glaciation qui atteint le système scolaire et que rien ne semble pouvoir entamer, alors qu’on entend de tous côtés et depuis longtemps des prises de position alarmistes, et que rien ne change ?
Cette question, importante, concerne l’école, mais l’analyse va nous porter à nous interroger sur le fonctionnement de la société et ses règles.
En effet, le dossier présente deux aspects : d’une part, il concerne l’école, haut lieu, en principe préservé, où se transmet l’essentiel d’un patrimoine culturel, de ce qui est constitutif de notre civilisation, condition de notre avenir. Mais il a aussi à voir avec le fonctionnement du système démocratique dans lequel nous prétendons nous trouver.
Référons-nous à deux observateurs qualifiés, qui se sont exprimés à 25 ans de distance.
En 1972 Jean Fourastié écrit : « A l’heure actuelle, dans un grand nombre de nations du monde, la crise des enseignements primaire, secondaire et supérieur est si grave que, à court terme, le savoir scientifique et l’héritage culturel ne sont que très médiocrement transmis aux jeunes générations, et que, à long terme, une profonde démoralisation et une dramatique anarchie intellectuelle menacent la masse de la population. » (Jean Fourastié « Faillite de l’université ? » Paris, Gallimard, 1972).
En 1997, Roger Fauroux écrit dans une tribune libre du quotidien Le Monde :
« ( … / … ) Cette refondation de notre système éducatif est une urgence absolue, non pas seulement parce que l’instruction est le facteur décisif de la compétition internationale, ni parce qu’elle est le meilleur antidote contre les dérives politiques, mais parce que fondamentalement c’est d’elle que dépend le destin individuel de légions d’enfants. »
Ces avertissements, à 25 ans d’intervalle, sont restés sans écho, sans aucun effet. Le phénomène a continué sur son erre.
Aujourd’hui, en 2004, nous travaillons avec des professeurs du primaire, du secondaire mais aussi des professeurs d’université qui se sont donné comme objectif la réhabilitation de l’école primaire, premier grand facteur d’une catastrophe qui se propage aujourd’hui dans les universités et les classes préparatoires.
- Cependant, tout au long de ces années, de multiples signes ont, ou auraient dû, attirer l’attention. Des publications nombreuses de professeurs dont les titres sont sans ambiguïté, jusqu’au taux jamais atteint d’enfants dyslexiques ou illettrés. Quelques estimations de l’illettrisme en France dans ces dernières années : en 1995 , l’OCDE, 42 %;
- en 1998, le rapport de l’inspecteur général Ferrier l’évalue entre 21 et 42 %, selon les lieux
Et le phénomène serait plus éclatant si de nombreux parents, attentifs aux difficultés de leurs enfants en tout début de scolarité, – il s’agit ici du C.P. et du CE1 – ne se portaient en assistance pour suppléer les carences de l’école primaire. À titre d’exemple, une méthode ancienne, condamnée par les augures du ministère et proscrite des écoles, est vendue chaque année à plus de 80 000 exemplaires, chiffre élevé au regard de l’effectif d’une génération.
Lorsque j’ai commencé à étudier la question, je suis parti de l’hypothèse naïve que les désordres relevaient de techniques inadaptées, mal appliquées, et qu’il suffirait d’y remédier. J’ai rapidement déchanté. Et je fus bien obligé de reconnaître, à mon grand dépit, que j’étais embarqué dans une affaire strictement politique.
Au terme de mes analyses, j’ai dû conclure que tous ceux dont la tâche aurait été de traduire en actes les décisions à prendre ne s’y étaient jamais réellement intéressés : associations de parents d’élèves, syndicats, ministère, élus à tous les niveaux. Rien de ce qui aurait dû se passer ne se concrétisait. Ce n’est que plus tard que j’ai compris, après beaucoup de temps, des lectures et de rencontres.
Le maintien de la méthode globale est le fruit d’une situation qui relève du pouvoir politique, auquel des pouvoirs parallèles font échec, usurpant un rôle et des fonctions qui ne sont pas les leurs et qui se traduit par une épreuve de force à laquelle participent plusieurs groupes d’influence.
Ajoutons que les media ne sont pas très aidant sur ce sujet difficile, qu’ils connaissent souvent assez mal ou très mal. Une lecture superficielle des textes les conduit à écrire à peu près n’importe quoi, à moins que leurs propos ne soient inspirés d’une idéologie jamais apparente.
C’est ainsi, par exemple, que l’opinion universelle est persuadée que la méthode globale est défunte depuis des années, alors qu’en vérité, il n’en est rien. Un conseiller technique au cabinet du ministre Ferry à qui j’annonçais notre campagne pour les méthodes syllabiques, il y a 2 ans, m’avait répondu, avec un sourire bienveillant : « Je crains que vous ne vous armiez pour tuer un cadavre ». La difficulté, c’est que ce cadavre est bien vivant. Une jeune institutrice sortie en juin 2004 de son IUFM nous a indiqué que tout ce qui y est enseigné relève exclusivement de la méthode globale.
D’ailleurs, il suffit de réfléchir un instant. Nous sommes dans une situation assez catastrophique, et l’on nous dit que la méthode globale est abandonnée depuis longtemps. Mais alors, quelle est, quelle serait la cause de la situation ?
« La première de toutes les forces qui mènent le monde est le mensonge » écrit JF Revel dans son ouvrage « La connaissance inutile ». il y a toutes sortes de mensonges, le double langage est l’un d’eux.
Dans le livre publié par le ministère rénovant les programmes en 2002, « Qu’apprend-on à l’école élémentaire", en préface, le ministre Lang écrit. : …" On sait depuis longtemps que la fameuse méthode globale d’apprentissage de la lecture a eu des conséquences catastrophiques ; si elle était rarement utilisée, personne ne l’avait pour autant interdite. Les nouveaux programmes l’écartent résolument" . (p. 12).
Plus loin, dans le texte, on lit
« APPRENDRE A IDENTIFIER LES MOTS PAR LA VOIE DIRECTE.
A la fin du cycle des apprentissages fondamentaux, les élèves doivent utiliser de manière privilégiée la voie directe".(p. 78).
Or, la voie directe est la méthode globale, la voie indirecte correspond à l’approche alphabétique. Bien évidemment, on joue sur les mots en considérant qu’une méthode mixte n’est pas une méthode globale. Le départ est global, et les dégâts constatés lui sont imputables.
Négation des réalités, double langage : il s’agit bien d’un problème de nature politique.
II ) – Que vient faire, dans ce tableau peu réjouissant, notre association ?
1 ) – Nous sommes partis d’un constat
Le premier point est l’immense embarras des familles et les affres des parents qui ont un gamin à l’école. Beaucoup d’entre vous s’y trouvent, je ne développe pas. Mais nous recevons sur le site des messages qui révèlent des souffrances profondes ; ce qui concerne nos enfants est toujours ressenti profondément, car aux difficultés vient se greffer un sentiment d’impuissance à les aider.
Le deuxième est l’état d‘ignorance totale du public, donc des familles sur ce qui se passe à l’école. Le système est non seulement verrouillé, mais il est parfaitement opaque. Le grand problème est de franchir l’obstacle des media, et en appeler directement à l’opinion, dernier recours.
Les professeurs qui résistent n’ont aucun droit à la parole, et ils sont sanctionnés. Voir le récit de Rachel Boutonnet et son journal. Le débat ne peut s’instaurer. Les minoritaires sont ignorés, étouffés, laminés, avec la complicité des media.
La ligne est tracée : c’est à ces deux points que nous nous attachons, avec des moyens, disons-le, ridicules au regard de la dimension de la question : aucun financement, deux ou trois personnes au départ, et pas beaucoup plus aujourd’hui.
L’entreprise a suscité un intérêt certain, qui va croissant au fur et à mesure de la notoriété des sites créés, qui grandit, à petite vitesse, jusqu’à se trouver aujourd’hui recevoir plus de 500 visites par jour.
2 ) – Ce que nous faisons ce soir. Une première.
Notre but : réformer le système scolaire , en commençant par l’école primaire, car là se trouve la clé de tout le reste. Un véritable travail d’Hercule. Notre action est, à ce jour, parfaitement singulière et unique en France. Nous ne désespérons pas d’y parvenir, mais pas seuls.
L’association ce soir s’ouvre à des adhérents. Après plus de 4 ans, le temps est venu ; nos travaux nous assurent une bonne analyse de la situation et des actions à entreprendre., y compris dans le très long terme. Nous avons situé notre stratégie dans un horizon de 10 ans. Il ne peut en être question de soir, ce serait un autre exposé.
Pour rester dans les limites de notre réunion, un rappel de 4 points :
1. Tout passe par l’information. Nous menons une bataille pour l’information, dont l’enjeu est l’avenir de nos enfants
2. L’information ne se diffusera pas seule, et surtout pas par les canaux dont ce devrait être la fonction.
3. Des relais, nombreux sont nécessaires, le plus prêt possible des intéressés, les familles, et aussi les instituteurs, car certains souffrent beaucoup.
4. Notre projet : créer des groupes localement ; il y a à définir les règles de fonctionnement et les objectifs, il faut des personnes de bonne volonté, un peu de temps, mais beaucoup de détermination.
Les deux sites ouverts sont déjà une arme efficace à surmonter des lacunes dans l’information, et apporter une aide à la demande. Il faut aller plus loin.
Au delà, nous voulons développer une gamme de services aux parents. Et là, il y a beaucoup de travaux et d’études à mener à bien.
Nous ne remercierons jamais assez les personnalités qui nous ont suivi sans savoir vraiment ce que nous engagions, il y a plus de 4 années.
Adhérez, faites adhérer, nous n’avons aucune ressource financière, autre que les nôtres, qui sont devenus insuffisantes à créer tout ce que nous avons le pouvoir, l’ambition et les moyens intellectuels et techniques de faire. Notre programme est très ambitieux ;, nous savons ce qu’il faut faire, comment et avec qui.
Mais nous ne réaliserons cela que si nous sommes appuyés, aidés, relayés par vous tous, vos amis, vos relations. C’est dire combien nous comptons sur vous.
L’enjeu, que peu de nos concitoyens mesurent, est immense. Une société qui ne veille pas de près à la formation des générations est une société en grand péril. Peut-être ce soir serons-nous parvenus à vous transmettre un peu de notre enthousiasme à travailler à ce gigantesque chantier et à vous transmettre un peu de la fièvre qui nous saisit certains jours.
Nous aurions alors atteint notre but.