L’école maternelle
L’école maternelle devrait jouer un rôle essentiel dans l’évolution des petits enfants et par conséquent dans la réussite au CP, qui conditionne la suite de la scolarité.
Un Rapport bienvenu de l’Inspection générale de l’Education Nationale analyse le détail des pratiques et montre comment l’écart se creuse entre les enfants mauvais francophones et les autres.
On sait que le nouveau ministre, Vincent Peillon, a décidé de publier un certain nombre de rapports mis au placard par Luc Chatel, qui suivait en cela une ancienne tradition du ministère : la désinformation. Nous verrons, ou plutôt nous finirons par savoir, si Vincent Peillon poursuivra ce comportement vertueux de « transparence ».
« L’école maternelle » d’octobre 2011 fait partie de ces rapports libérés. Les auteurs sont des Inspecteurs Généraux. Le texte, assez long (200 pages serrées) est bien écrit et présenté avec le même soin qu’un livre. Il résume les résultats d’une étude documentaire et historique sur les diverses conceptions et les missions de l’école maternelle en France et à l’étranger, ainsi que des entretiens, des visites de classe, et de l’analyse des rapports d’inspection de 23 inspecteurs.
le Rapport peut être téléchargé ici
Le plan en est le suivant :
Première partie : le contexte : éducation et accueil de la petite enfance à l’étranger et en France (50 pages environ)
chapitre 1 – L’éducation et l’accueil de la petite enfance. Une information panoramique de la situation du niveau international
chapitre 2 – L’école maternelle française, école à part entière et composante des structures d’éducation et d’accueil de la petite enfance
Deuxième partie : les constats – bilan d’enquête (100 pages environ)
chapitre 3 – L’école maternelle en 2010-2011. Que fait-elle et comment ? Organisation, enseignement et apprentissages
chapitre 4 – La gouvernance de l’école maternelle
Troisième partie : préconisations et conclusions
chapitre 5 – Préconisations : donner un nouvel élan à l’école maternelle
Annexes
Nous nous intéressons particulièrement aux activités de l’école maternelle en rapport avec la lecture et l’écriture, et ce d’autant plus que après notre adhésion au collectif d’associations « Permis de Lire! », nous devons travailler à la concrétisation de l’objectif pour 2017 : que l’école obtienne que tous les élèves sachent lire avant la fin du CP. Il est évident que l’école maternelle peut et doit y contribuer fortement.
Nous commenterons donc principalement les chapitres 3 et 5.
Sommaire
Que fait l’école maternelle et comment ?
Préconisations du rapport
Compléments : les programmes pour l’apprentissage du français
le cas des enfants mauvais francophones
Annexe : "La maternelle" par Gwenola Petit, institutrice
Que fait l’école maternelle et comment ?
Comment reçoivent-ils ? La réponse à cette question dépend en partie des structures, de l’organisation, des relations humaines, bien analysées par les acteurs du rapport. Ces questions ne sont pas du domaine de Lire-Ecrire, sauf les grandes lignes sur lesquelles tout citoyen peut aussi avoir un avis.
La réponse dépend aussi largement des pratiques des enseignants et de leurs assistants (ATSEM – agent territorial spécialisé dans les écoles maternelles). Enseignants et ATSEM sont dans le rapport qualifiés de « professionnels ». Pour nous, la pratique est le détail du comportement des professionnels, la façon dont ils agissent pour remplir leur mission. Les pratiques sont des traits habituels du comportement. Certaines sont propres à l’école maternelle, d’autres pourraient être certainement observées à l’identique à l’école élémentaire.
Le rapport présente de très nombreux exemples concrets de pratiques jugées par les auteurs du rapport, soit bonnes voire exemplaires, soit erronées.
Des exemples de bonnes pratiques sont aussi pris à l’étranger.
Quelques constats :
• La constatation la plus fréquente est le fait que les pratiques tendent à s’uniformiser de la petite section à la grande, dans un esprit « scolaire », malgré les énormes différences résultant de l’âge respectif des enfants, différences a priori tellement flagrantes que les rédacteurs des programmes et des directives ont, semble-t-il, omis de les rappeler.
«… Nombre d’inspecteurs se réjouissent que les petits soient déjà des élèves sages, à leur place et sous consigne »
Il faudrait « privilégier les activités avec des objets au détriment des supports fiches polycopiées »
Constat d’une.. « faible différenciation des exigences et des activités dans chaque classe et au fil du parcours, d’une école à l’autre alors que les besoins du public scolaire sont éminemment variés »
Il faudrait « faire en sorte que les enfants aient conscience de grandir au fil des sections »
• Le rapport relève des lacunes dans la conduite des activités et notamment des jeux, qui ne sont pas assez mis au profit de l’apprentissage.
« Le plaisir de l’enfant peut naître des défis que lui opposent les activités stimulantes (il se sent traité comme un grand), de la prise de conscience qu’il sait faire plus ou mieux qu’auparavant ».
Les auteurs de ces lignes frisent ici l’hérésie aux yeux des tenants de la pédagogie ludique. Ils ne font pourtant que rappeler l’un des fondements de tout apprentissage, dans quelque domaine que ce soit : la motivation, la satisfaction, l’estime de soi, sont causées par la réussite, les difficultés vaincues par l’effort et la persévérance.
• Les auteurs soulignent la confusion entre "activités" et "apprentissage" en MS et GS
«Comment dépasser le "faire quelque chose" pour aller vers le "apprendre quelque chose en faisant" ? »
• Est relevé ainsi un manque de savoir-faire dans la conduite de groupes d’élèves, lorsque des maîtres, trop préoccupés par le résultat apparent et attendu par eux, s’occupent surtout des enfants qui suivent au détriment des autres.
« Il faut que le projet avance, que la séance se déroule comme prévu et peu importe si ce sont quelques enfants qui animent la vie de la classe et profitent vraiment de ce qui se passe… »
« Tout se passe comme si "faire s’exprimer l’élève" signifie le rendre capable de répondre aux questions devant les autres ; l’objectif est clairement qualitatif (savoir prendre la parole souvent) et clairement social (devant tous) ».
« Le fait de se contenter de réponses courtes est, en soi une limitation importante aux progrès des élèves ».
• Le rapport pointe aussi une tendance à trop aider l’enfant qui doit dire ou faire quelque chose, ce qui dévalue la réussite.
« Quand la volonté d’aider se manifeste, c’est souvent par un encadrement très précis de l’activité, un guidage strict qui conduit à faire réussir mais sans que l’activité de l’enfant ait été sollicitée au meilleur niveau »
« Questions ouvertes pour les plus à l’aise, questions fermées pour les autres »
• Chez les professionnels compétents et expérimentés, les pratiques se nourrissent de réflexions incessantes : l’auto observation pendant le travail proprement dit, les réflexions durant la préparation et l’analyse a posteriori. La formation professionnelle procure à ceux qui en bénéficient un ensemble de repères qui structurent la réflexion et la pratique.
À cet égard, le rapport souligne des lacunes fréquentes dans les préparations des activités, dont les aspects matériels prennent beaucoup de temps, alors que la réflexion sur les objectifs et les modalités pratiques est très insuffisante.
Cela commence d’ailleurs par la méconnaissance de la notion de progression.
« Or, de manière trop fréquente, pour ce qui est de l’oral, l’enseignement du langage n’est ni programmé, ni organisé : les progressions affichées ne font souvent que reprendre l’annexe aux programmes 2008 relatives au repère de progressivité pour l’école maternelle… »
• Le rapport fait une large place aux évaluations, qui prennent souvent un aspect formel, certains maîtres les traitant comme une contrainte administrative à satisfaire en remplissant des documents. D’ailleurs, à la base de ces évaluations, on trouve trop souvent des tests sur le papier, qui se substituent à l’observation méthodique des enfants (pratique qui, elle aussi, demande la connaissance de nombreux repères).
Selon les auteurs, il vaudrait mieux « photographier des activités, plutôt que de consommer des photocopies ou des fiches ».
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