Les entreprises remettent la dictée à l’ordre du jour

Nous réclamons des candidats à l’emploi une excellente maîtrise du français, tant à l’oral qu’à l’écrit…" Ce n’est pas le seul critère pour être recruté chez SCM, une PME qui vend des modèles mathématiques et emploie une dizaine de scientifiques, mais c’est un des premiers que regarde le PDG, Bernard Beauzamy. Les thésards de haut vol, imbattables en calcul, mais incapables d’aligner trois phrases peuvent remballer leur CV : "Il faut que nos collaborateurs puissent suivre le déroulement d’un contrat, explique-t-il. Ce qui implique de nombreuses discussions avec les clients pour comprendre leurs contraintes et leurs objectifs, l’animation de réunions, la rédaction de rapports, la présentation de démonstrations…

Nous ne faisons pas de mathématiques dans l’abstrait, aussi la maîtrise de la langue, qui permet d’énoncer clairement des choses complexes, est-elle indispensable." Et à ses yeux, pour rédiger un bon rapport, rien de tel que de suivre les règles énoncées par Boileau dans L’Art poétique : "Ce que l’on conçoit bien s’énonce clairement et les mots pour le dire arrivent aisément."

Le concours de dictée inter-écoles, qui devrait réunir plus de 300 participants le 15 mars, montre bien les préoccupations actuelles : "Les entreprises qui embauchent des ingénieurs nous demandent d’agir auprès des étudiants pour améliorer la qualité de leur expression écrite, relate Pascal Brouaye, directeur de l’Ecole centrale d’électronique (ECE). Nous devons les sensibiliser à ce sujet : le respect de l’orthographe et de la syntaxe n’est pas une exigence bêtement scolaire, c’est la base de l’efficacité professionnelle." Dans cet établissement, le concours d’entrée après le baccalauréat comporte d’ailleurs une épreuve d’expression écrite éliminatoire : chaque année, entre 5 % et 8 % des candidats ne réussissent pas en raison de cette note de français. Et pendant le cursus, dictées et enseignement des techniques rédactionnelles sont au menu.

Pour Gérard Fillon, directeur du développement d’Ausy, société de conseil et d’ingénierie employant 1 300 personnes, des documents émaillés de fautes peuvent être préjudiciables à l’image de l’entreprise : "Il y a quelques années, notre qualité n’était pas jugée excellente par certains clients, alors que les projets étaient bons et réalisés dans les temps. Nous avons donc décidé de travailler le français pour améliorer le niveau de nos échanges verbaux et écrits, base de notre activité de maîtrise d’ouvrage." Lors des sessions de recrutement, les candidats passent désormais un petit test écrit, destiné à vérifier leurs capacités logiques et rédactionnelles.

Depuis dix-huit mois, les formations suivies par les collaborateurs qui vont devenir chef de projet intègrent le développement des compétences d’écriture.

Mais la maîtrise du français concerne surtout les salariés les moins qualifiés, Français ou étrangers. La compréhension des consignes de travail et de sécurité, la mise en œuvre des démarches de qualité et de certification, le développement du numérique sur les chaînes de production requièrent une meilleure compréhension de la langue. Pourtant, malgré un risque de perte de productivité, les entreprises rechignent à former leurs employés.

Nathalie Quéruel

Extraits d’un article du MONDE-Economie du 6 mars 2007

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