Jules Ferry assignait à l’enseignement primaire la mission de transmettre « tout ce qu’il n’est pas permis d’ignorer » et qui sera nécessaire la vie durant, puisque la grande majorité des élèves passait directement à 13 ans dans la vie professionnelle.
Une autre question s’est posée : que doit-on apprendre à tous les élèves, et surtout dans quel esprit, dans quelle visée?
Jules Ferry et ses disciples se sont clairement exprimés.
« L’enseignement secondaire… doit former les esprits, apprendre à juger, à raisonner… Mais dans l’enseignement primaire, en raison du peu de temps dont on dispose… l’enseignement doit avoir un but plus immédiat, plus pratique ».
« Mettre l’orthographe, qui est une des plus grandes prétentions de la langue française, mais prétention parfois excessive, au premier rang de toutes les connaissances, n’est pas faire une bonne pédagogie : il vaut mieux être capable d’écrire une lettre, de rédiger un récit, de faire n’importe quelle composition française, dût-on même les semer de quelques fautes d’orthographe ».
La durée de la scolarité primaire ne permettait pas, non plus, de donner des rudiments d’instruction professionnelle. Le côté pratique concernait essentiellement la vie courante.
Les réalités
Comme on pouvait l’attendre, les réalités ont respecté l’idéal en partie, et s’en sont aussi écartées.
L’idéal était républicain, et la rigueur de l’organisation de l’enseignement public a certainement imposé un haut niveau d’exigence.
L’idéal supposait l’égalité des conditions de travail dans toutes les écoles. La réalité était d’énormes différences entre l’école de campagne où le maître instruisait tous les enfants quel que soit leur âge, et l’école située dans une ville.
• Sur un autre plan, beaucoup d’instituteurs de la IIIème ont massivement opté pour l’élitisme républicain, et poussé, par tous les moyens, les élèves doués et pauvres. Ils n’ont probablement pas consacré tout le temps nécessaire aux plus faibles, qui apprenaient ce qu’ils pouvaient comprendre et retenir.
Mais les maîtres et maîtresses connaissaient les réalités de cette époque : on pouvait alors trouver un travail sans savoir lire, écrire et compter (ouvriers agricoles, mineurs, ouvriers et ouvrières en usine, etc.).
• Les savoirs « plancher » n’ayant jamais été définis, ni l’examen correspondant, on ne connaîtra jamais les résultats obtenus à ce niveau.
De même, à coup sûr, certains élèves approchaient le « plafond », avec de bonnes capacités de raisonnement et d’expression, mais le Certificat d’études n’en apportait pas la preuve.
Le CEP présentait cependant un avantage majeur : il était fiable et constant, et donnait aux instituteurs un bon repère de performance. Mais il était situé entre « plancher » et « plafond ».