L’enseignement du français aujourd’hui – Enquête sur une discipline malmenée – relecture 2013

Paul-Marie Conti – Ed. de Fallois – 2008
Pourquoi revenir sur un ouvrage publié en 2008 et que nous avons présenté en son temps ? Parce que la question de l’enseignement du français au collège et au lycée n’a guère évolué en bien depuis lors.
Paul-Marie Conti, docteur ès lettres, professeur dans le secondaire puis à l’Université, a mené son enquête sur l’un des aspects les plus affligeants de la débâcle de l’école : il a pour cela analysé les programmes, et aussi des manuels, évidemment antérieurs à 2008, qui fournissent une traduction pratique des programmes.
Ces programmes et ces manuels sont la concrétisation d’une idéologie ancienne, mais, à juste titre, l’auteur prend comme référence la loi d’orientation Jospin de 1989, qui a fait du constructivisme la doctrine pédagogique de l’Education nationale.
L’ouvrage énumère les principes généraux qui régissent l’enseignement actuel du français :
– l’égalité des chances doit se traduire par l’identité des parcours scolaires: c’est le fondement du collège unique dans sa forme actuelle
– la culture bourgeoise n’est pas un objet d’enseignement ; c’est la culture commune qui doit être dispensée
– la culture commune est transmise par le discours, et donc par le langage oral, principal vecteur de la communication
– l’utilité sociale de la langue se trouve dans le discours ;  apprendre le français n’est pas une fin en soi
Dans le primaire, l’enseignement de la grammaire de phrases est constructiviste : "l’Observation réfléchie de la langue"  doit permettre à l’élève de découvrir les règles au lieu de les apprendre. 
Au collège, le global s’étend à l’analyse du texte, que l’on dissèque pour en faire l’autopsie, car dans cette opération l’unité du texte, sa raison d’être pour l’auteur et le lecteur, disparaît avec toute adhésion et compréhension profonde, toute appréciation esthétique.
En effet, la dissection, fausse grammaire, se fait selon des grilles dont les termes sont prétentieux, faussement objectifs et faussement scientifiques. Après les registres de langage du primaire (familier-courant-soutenu) on classifie les catégories de « discours » : descriptif, argumentatif, narratif etc., on énumère des  "objets d’études" des genres littéraires etc.
Tout cela, appliqué à des textes de la grande littérature classique, est réducteur et suprêmement ennuyeux. Les élèves doivent apprendre par coeur  des « méthodes et techniques », des grilles, des fiches, adaptés à chaque objet d’études. Au lieu de chercher à comprendre la nature d’une œuvre ou d’un  texte, la raison de son existence, il faut connaître des procédures, des recettes qui ont certes l’"avantage" de convenir à n’importe quel texte, du plus sublime au plus bas.
Ainsi, les chefs d’œuvre classiques sont mis au même niveau que la littérature moderne qui recèle à coup sûr peu de futurs classiques, car cette littérature moderne est réputée être plus proche des élèves, dont on ne cherche plus à élever l’esprit.
Pour bien marquer la finalité d’enseigner, l’usage utilitaire du français et non son usage culturel ou esthétique, il convient d’inclure dans l’enseignement du français, les bandes dessinées, les notices techniques, les textes publicitaires et le reste. Tout cela, disséqué selon les mêmes procédés, est destiné à la même fosse commune.
Il ne reste plus qu’à traiter l’histoire de la littérature comme l’histoire générale, en ignorant la chronologie, ce qui prive les élèves de toute compréhension des évolutions comme des révolutions littéraires.
Aux revendications d’objectivité et de neutralité des penseurs de ce nouvel enseignement, l’auteur oppose le fait que le commentaire des textes dans les manuels, comme la sélection des ouvrages présentés, sont manifestement alignés sur l’idéologie dominante. Or, pour un amoureux des lettres, la qualité d’un texte ou d’une oeuvre est sans rapport avec les convictions, les opinions, le comportement de l’auteur.
Paul-Marie Conti note enfin, comme cause de la débâcle présente et future de l’enseignement du français, l’édification des prétendues sciences de l’éducation, aux termes desquelles un professeur qui maîtrise ces sciences peut enseigner n’importe quelle matière.
Tout cela, bien entendu cause beaucoup plus de tort aux enfants défavorisés par la naissance qu’à ceux que les parents peuvent instruire. Ainsi, comme le remarque l’auteur,  l’enseignement actuel est-il beaucoup plus inégalitaire que celui de 1950, qui valorisait le travail et le mérite. C’est le triomphe de la "reproduction sociale" honnie par les réformateurs progressistes.
A tous ceux qui, prenant conscience du désastre, demandent encore « Comment cela est-il possible ? », comme aux parents qui se demandent ce qu’on enseigne à leurs enfants, le livre de Paul-Marie Conti apporte la réponse.



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