L’éducation est la meilleure police d’assurance

Dans une économie de la connaissance qui se mondialise, la qualité de l’Education est devenue un enjeu stratégique. C’est à l’école que se forge la compétitivité des Nations, des entreprises et des individus.

De tout temps, le développement économique a été fondé sur les progrès des connaissances scientifiques et techniques. Ce qui paraît caractériser la période dans laquelle nous sommes entrés il y a une quinzaine d’années, c’est que la production et la mise en œuvre des innovations ne reposent plus, comme par le passé, sur un nombre relativement restreint d’individus œuvrant dans des laboratoires et des bureaux d’études mais qu’elles se nourrissent du stock de connaissances accumulées chez un grand nombre de personnes et de la capacité de les transférer entre elles.

Les attentes des entreprises se sont ainsi profondément transformées sous la double pression du rythme croissant des innovations technologiques et organisationnelles. L’entreprise taylorienne des années soixante se satisfaisait relativement bien d’une main d’œuvre de masse peu qualifiée et peu autonome dans la mesure où les technologies mises en œuvre correspondaient à des modes d’organisation qui reposaient sur un fort encadrement intermédiaire et la qualité des bureaux des méthodes. L’entreprise de la fin du XXI ème met en œuvre des technologies et des modes d’organisation beaucoup plus exigeants en termes de qualifications, de compétences et de comportements professionnels.

L’évolution du statut de l’illettré illustre bien les mécanismes d’exclusion qui se mettent en place dans une économie de la connaissance. Il y a trente ans, un illettré souffrait d’un handicap social, mais il avait sa place dans le système productif. Aujourd’hui, paradoxalement pourrait-on dire, il peut ruser avec la vie quotidienne, mais il est exclu du monde du travail. Demain, il sera interdit de nombreuses formes de consommation ou de certains moyens d’accès à l’acte de consommation qui nécessitent la maîtrise des qualifications de base en lecture, en écriture et en calcul. Or, selon la définition retenue, l’illettrisme intéresse toujours, dans la plupart des pays développés, y compris en France, environ 10 % des jeunes adultes, cinq ans après leur sortie du système éducatif.

Par ailleurs, pendant la période d’une quarantaine d’années qui a suivi la Seconde Guerre Mondiale, les Etats ont organisé et géré l’internationalisation du monde. À l’extérieur, ils ont conclu les grands accords de libéralisation du commerce des marchandises et de libre circulation des capitaux. À l’intérieur de leurs frontières, ils participaient à l’absorption des chocs conjoncturels par le contrôle des variables macroéconomiques : taux de change, taux d’intérêt, budgets publics…, et ils avaient mis en place de grands systèmes collectifs de sécurité pour faire face aux risques majeurs auxquels sont confrontés les individus : santé, emploi, vieillesse…

Depuis une dizaine d’années, nous sommes entrés dans une phase de mondialisation dont les entreprises sont les acteurs principaux et qui s’accompagne d’un extraordinaire transfert de risque du collectif vers l’individuel. Les Etats ayant perdu le contrôle de la plupart des grandes variables macroéconomiques, ce sont les entreprises qui doivent absorber les chocs conjoncturels. Mais elles doivent le faire à un moment où, partout dans le monde, sous la pression des marchés, le point d’équilibre du triangle client-salarié-actionnaire s’est déplacé du couple client-salarié -qui a été privilégié pendant des décennies dans le partage de la valeur ajoutée- vers le couple client-actionnaire. C’est le résultat qui est devenu l’objectif prioritaire, les ajustements reposant essentiellement sur les salariés.

Cette mutation dans les modes de régulation associée à la fragilité des systèmes collectifs de protection provoque une rupture des équilibres qui ont fondé le pacte social pendant près d’un demi-siècle.
L’individu se retrouve en première ligne face au risque.

C’est l’éducation — et notamment l’éducation tout au long de la vie — qui constitue aujourd’hui sa meilleure police d’assurance.

Jean-Pierre BOISIVON
Professeur émérite à l’Université Paris II Panthéon-Assas
Délégué Général de l’Institut de l’Entreprise

Extrait d’une Conférence prononcée à l’Académie des Sciences Morales et Politiques
(Texte intégral sur www.asmp.fr

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