Propositions pour une Education nationale rénovée

Jean-Michel Blanquer  Ed. Odile Jacob – 2016   

L’auteur est actuellement directeur général de l’Essec, après avoir été directeur général de l’Enseignement scolaire. Il a également été recteur de l’académie de Guyane et de l’académie de Créteil.   

Trois piliers de connaissances pour définir « Ce qu’il faut faire ».  

L’architecture générale du livre facilite grandement la compréhension de ses analyses et de ses propositions. Dans chacun des six chapitres (l’école maternelle, l’école élémentaire, le collège, le lycée, la carrière des professeurs, l’organisation du système éducatif), nous retrouvons exactement les mêmes parties. Jean-Michel Blanquer a expliqué sa démarche dans l’introduction. Ses analyses s’appuient sur les trois piliers que sont l’expérience du système éducatif français, la comparaison internationale et les apports de la science. Elles révèlent un auteur pragmatique, très bien documenté, ayant la volonté de trouver des solutions possibles.  

Ce dernier point le conduit à bien distinguer dans la partie intitulée, «  ce qu’il faut faire », deux scénarios, l’un « fondamental », l’autre « optimal ». Ses propositions sont ensuite données de façon ramassée dans une partie intitulée, « mesures clés». Prenons l’exemple du chapitre sur l’école élémentaire.   

L’auteur, dans le volet « ce que nous enseigne l’expérience », insiste sur la dégradation des compétences des élèves français et l’écart croissant entre élèves selon leur lieu de scolarisation. Le volet « ce que nous enseigne le comparaison internationale » met en relief l’intérêt des mathématiques de Singapour et la relation d’une expérimentation américaine indique la voix à suivre dans l’apprentissage de la lecture. Enfin, la partie « ce que nous enseigne la science » montre clairement l’importance de l’effet maître dans les acquisitions des élèves. Cet effet maître est le fruit d’une pédagogie explicite, progressive et structurée, ainsi que l’ouvrage l’explique à plusieurs reprises. La conclusion de ces trois premières parties : « …au niveau de l’école élémentaire, les évolutions pédagogiques sont plus importantes que les réformes organisationnelles. » se retrouve dans le « scénario fondamental » de « ce qu’il faut faire ». Ainsi, plutôt que de réécrire les programmes, mieux vaut se concentrer sur les pratiques pédagogiques.

Cela conduit Jean-Michel Blanquer à proposer trois axes de changements : une nécessaire formation des maîtres et la mise en place de ressources pédagogiques ; des évaluations nationales, du type de celles supprimées en 2012, mais étendues à chaque classe du primaire ; un accompagnement individualisé des élèves, en privilégiant l’organisation de groupes de compétences et les aides apportées par les nouvelles technologies. Enfin, pour consolider l’apprentissage de la langue et la transmission culturelle, l’auteur propose de « soutenir toutes les initiatives destinées à faire naître le goût de la lecture et le plaisir du texte. » Dans chacun des chapitres, le « scénario optimal » va plus loin que le « fondamental ».   

Pour l’enseignement élémentaire, Jean-Michel Blanquer dégage deux points à soumettre à la réflexion, plutôt que les mettre en place immédiatement.

Faire du directeur d’école un véritable responsable hiérarchique.

Dans le chapitre « l’organisation du système éducatif », il explique que le coût financier, au vu du grand nombre d’écoles en France, ne rend pas cette hypothèse envisageable actuellement. En revanche, dans des territoires aux conditions particulièrement difficiles, il propose d’expérimenter la création de postes de directeurs d’école à temps plein.  

Proposer aux élèves de ne plus avoir un seul maître, mais deux ou trois, à partir du CM1.

Un maître serait plutôt sur un volet littéraire humaniste, un autre sur un volet scientifique, préparant ainsi les élèves à la diversification plus grande du collège.  

Les six chapitres sont ainsi traités de façon pragmatique et avec une volonté de proposer pour aujourd’hui, autrement dit pour des mises en œuvre rapides, tout au moins en ce qui concerne le scénario fondamental. C’est ce qui explique sans doute certains oublis dans le livre de Jean-Michel Blanquer, oublis qui ne sont peut-être qu’une forme de prudence.  

Le livre de Jean-Michel Blanquer est néanmoins très éclairant sur les problèmes de notre école et des solutions envisageables.    

Nous sommes donc en présence d’un ouvrage de qualité, rédigé en termes clairs et rationnels. L’auteur a d’ailleurs manifestement inspiré plusieurs des candidats à la présidentielle.  

Quelques bémols

Toutefois, cet ouvrage n’est pas exempt de critiques. La principale est que tout est centré sur l’Education Nationale, vue comme la seule organisation possible de l’enseignement primaire et secondaire français. Tout ce qui est extérieur à l’Education nationale est ignoré, et particulièrement le besoin vital, pour un grand nombre d’élèves, d’enseignements concrets allant de l’initiation artistique à l’apprentissage d’un métier.  

L’enseignement privé est lui-aussi ignoré, à l’exception d’un paragraphe révélateur (page 131) : « … le système éducatif doit continuer à respecter (sic) l’enseignement privé …selon les principes constitutionnels solides qui organisent cela en France aujourd’hui ». Donc statu quo, rien d’autre sur le sous contrat et le hors contrat.  

Statu quo également sur le socle commun et sur les mythiques « compétences » qui ont été inventées pour effacer la transmission des savoirs.  

Enfin, Jean Michel Blanquer a choisi d’ignorer tous les enfants et adolescents sacrifiés : perturbateurs, décrocheurs, naufragés. Comme un ancien recteur de Créteil ne peut ignorer leur existence, admettons, tout en le déplorant en l’occurrence, le droit de l’auteur à fixer des limites à son ouvrage.

Changer les choses  

Puisque Jean-Michel Blanquer borne son propos à ce qui est, selon lui, nécessaire, il n’a pas à se préoccuper du « comment ». Mais, à cet égard, le statu quo dans l’organisation du système éducatif – c’est-à-dire le maintien du quasi-monopole de l’Education nationale, laisse augurer d’énormes résistances au changement.   Ainsi, il envisage de « faire » des directeurs de véritables responsables hiérarchiques. Cela suppose que le directeur devienne le DRH de son établissement, et le porteur du projet pédagogique.  

Personne ne fera cela sans trouver d’abord des volontaires pour assumer ce degré d’autonomie. Cela ne se fera donc que très progressivement, et aucune contrainte budgétaire ne devrait entraver cette mise en place, en priorité dans les ZEP  

Évoquer, en fin d’évolution, un coût qu’on imagine très lourd (45 000 postes), c’est méconnaître les énormes sources d’économies (progressives) que l’autonomie réelle des établissements permettrait dans la superstructure.

 
 
 
 
 
 
 

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