IUFM et enseignants en difficulté
Pour vaincre les blocages, les complexes et toutes les " difficultés " que rencontrent les enseignants, le gourou en charge de la " formation " a obligé les stagiaires à :
– imiter à tour de rôle leur animal favori devant les 60 personnes convoquées. Je me demande ce que j’aurais fait à leur place : mon animal favori étant le taureau (ce n’est pas très original pour un hispaniste, je le reconnais), je pense que j’aurais donné un bon coup de corne dans les parties nobles de ce torero de pacotille.
– souffler dans des ballons jusqu’à se les faire exploser sur le nez pour " apprendre à maîtriser sa peur ". Désolé d’insister sur le thème des bêtes à cornes, mais toréer ne serait-ce qu’une petite vache landaise est beaucoup plus adapté à l’objectif. Pouvez-vous transmettre ma suggestion dans tous les IUFM de France et (surtout) de Navarre ?
– penser très fort à une personne que l’on déteste et " manipuler son image ". Autrement dit, développer son sadisme en s’initiant à la pratique du " vaudou mental ".
– imaginer qu’ils ont peur du voisin, de la ville, du monde entier, que "quelqu’un va les assassiner". Autrement dit, développer la paranoïa.
– marcher tous ensemble (à 60 dans une pièce exiguë) en imaginant que les murs se rapprochent et que les corps se pressent les uns sur les autres jusqu’à l’étouffement. Autrement dit, développer l’angoisse.
– dévoiler ses frustrations personnelles (vie intime, sexuelle, professionnelle) devant tout le monde, " passer aux aveux " selon l’ expression du gourou. Vive l’Inquisition !
– sauter d’une table en arrière les yeux fermés. Une stagiaire, affligée d’ un fort embonpoint, n’ose pas. " Vas-y, tu vas vivre une expérience unique ", dit le gourou. Elle monte, rougissant de honte, puis après plusieurs minutes d’hésitation, renonce : le visage est maintenant écarlate et la fille au bord des larmes. " Je le savais, exulte le gourou, j’avais donné l’ordre à ton inconscient de ne pas sauter ". Je n’ai pas très bien compris le sens de cette phrase dans la thérapie. Mais le résultat est clair : développer la honte de soi, imaginer que son inconscient est manipulable par la conscience d’autrui (ce qui n’a pas le moindre début de pertinence analytique : c’est encore une forme de vaudou).
– s’insulter deux par deux : " Grosse pute ! ", " Sale connard ! ", tandis qu’un troisième note les déformations du visage pour faire un rapport.
– puis le torride du sexe après le vent froid de l’insulte : il faut enlacer l’autre, le tripoter, " sentir son corps ". Entre des stagiaires qui se connaissent à peine ou pas du tout ! Wilhelm Reich avec nous! Y avait-il un orgonomètre dans la salle ?
– " tests psychologiques " mis au point par les recruteurs des entreprises américaines. Vive la mondialisation de la bêtise!
– discours de chefs d’entreprise sur les vertus de " l’esprit d’équipe ". Vive le management !
Et ainsi de suite pendant trois jours. Une entreprise de déstabilisation psychologique, vaguement inspirée des psychodrames de Moreno, un bonhomme né en 1892 et dont les théories connurent leur heure de gloire ans les années 40-50 : on n’arrête pas le progrès ! A la suite de quoi Mmes Nadot et Blanchard-Laville, grandes prêtresses dans l’Ordre des Sciences de l’ Education, peuvent disserter longuement sur le Malaise dans la formation des enseignants, publié chez L’Harmattan avec une subvention de l’IUFM de Versailles. Il s’agit d’un livre parfaitement ridicule (mais l’enquête préalable a dû coûter une véritable fortune : subvention, quand tu nous tiens.) dont les auteurs n’arrivent même pas à comprendre que le " malaise " en question est dû à la " formation " elle-même. A quoi peuvent servir de tels " stages " sinon à susciter l’asservissement des consciences ? Que cherche-t-on à obtenir, avec des techniques de manipulation mentale dignes des sectes les plus destructrices, sinon le " clonage " des futurs profs sur un modèle unique ? Mais il y a parfois retour de manivelle et les Raël de la pédagogie ne font pas que des disciples. Il arrive que ces " expériences " provoquent la révolte chez les âmes bien nées, comme c’est le cas de la stagiaire qui a voulu témoigner. Après avoir longuement décrit l’ intolérable, cette dernière conclut avec humour : " Maintenant je suis une enseignante sans difficultés ".
Quand on sait que ces marchands d’orviétan promènent leur camelote d’IUFM en IUFM année après année (il y a aussi le " stage sur la voix " et beaucoup d’autres, tout aussi grotesques) et accumulent ainsi un petit magot, je regrette que la loi française ne permette pas de porter plainte si on n’a pas personnellement subi un préjudice. Car la place de ce monsieur est devant un juge d’instruction sous trois chefs d’inculpation :
1. Escroquerie
2. Exercice illégal de la médecine (Moreno était psychiatre, pas le gourou)
3. Mise en danger de la santé (mentale) d’autrui.
Et on veut nous faire croire que c’est avec ce genre de pitreries même pas drôles qu’on va " professionnaliser " le " métier d’enseignant " ?
Pierre Cordoba