Evaluation CE1 de mai 2009 : les résultats
Comme pour le CM2, et malgré la difficulté de connaître la vérité sur plus de 800.000 élèves, il est quand même possible de se fonder sur quelques hypothèses raisonnables et cohérentes avec les résultats de classes qui nous sont connues.
Il y a aujourd’hui en France, en CE1 comme dans l’ensemble du système d’enseignement, des élèves favorisés et des élèves défavorisés du fait de l’enseignement qu’ils ont reçu.
Elèves favorisés : ceux qui ont bénéficié d’un enseignement convenable en CP en 2007-2008, avant la reforme des programmes, et en CE1 en 2008-2009. Ils sont certainement moins de 10 %. Il faut ajouter ceux qui ont bénéficié d’une instruction par leurs parents ou leurs grands-parents avant l’entrée en CP et après. L’Education Nationale en ignore superbement le nombre, mais, en se basant sur les ventes de méthodes alphabétiques « para scolaires » avant 2008, certains les ont évalués à 30 % de la population enfantine. Mais les efforts des parents ont pu être neutralisés par l’enseignement officiel.
Elèves défavorisés : en 2007, le Haut Conseil de l’Education indique pour l’entrée en 6ème un pourcentage de 40 % d’élèves ne maîtrisant pas suffisamment le français et les mathématiques pour être capables de poursuivre un enseignement régulier. Ces élèves étaient certainement très faibles en CP et CE1, et la situation n’a pas pu évoluer très rapidement depuis lors, en raison de l’énorme inertie du système.
Il faut noter que les résultats officiels fournis le 3 juillet 2009 ne portent que sur 85 % des élèves, et que vraisemblablement les 15 % manquants ne sont pas des élèves favorisés. La proportion des défavorisés passerait de ce fait à 40-15 = 25 sur 100-15 = 85 soit 29 %.
Notre hypothèse est dans ces conditions une répartition approximative par tiers entre les élèves favorisés, les défavorisés, et les autres.
Quels résultats peut-on attendre de ces trois catégories ?
Pour les élèves favorisés, il faut prendre en compte la relative facilité des épreuves. On peut donc s’attendre à des résultats excellents, en français comme en mathématiques, et quasiment tous au-dessus de 50/100 : 30 sur 60 en français et 20 sur 40 en maths.
Pour les élèves défavorisés, qui ne lisent et n’écrivent pas couramment et maîtrisent mal le calcul, les épreuves sont au contraire très difficiles. On peut s’attendre à ce qu’ils soient tous au-dessous de la moyenne, et majoritairement au-dessous de 33 sur 100 : moins de 19 sur 60 en français et moins de 13 sur 40 en maths.
Les élèves moyens se répartiraient autour de la moyenne, entre 33 et 66 sur 100.
Ces hypothèses nous conduiraient à une répartition régulière telle que la suivante
Note sur 100 | Moins de 33 | 33 à 50 | 50 à 66 | Plus de 66 |
en français sur 60 | 19 et moins | 20 à 29 | 30 à 39 | 40 et plus |
en maths sur 40 | 13 et moins | 14 à 19 | 20 à 26 | 27 et plus |
Hypothèse de répartition des élèves | 25% | 25% | 25% | 25% |
Or les répartitions officielles (toujours sur 85 % des élèves) sont les suivantes
Français | 9% | 18% | 29% | 44% |
Maths | 10% | 15% | 28% | 47% |
D’où un communiqué triomphant « Ce sont les trois quarts des élèves qui ont atteint le résultat attendu. Près de la moitié ont même d’excellents résultats », communiqué largement repris par les médias.
Tentative d’explication
On se souvient que, pour les évaluations de CM2, une opposition s’était largement manifestée avant les épreuves, avec argumentaire à l’appui, allant jusqu’à l’incitation au sabotage des épreuves.
Ici, rien de tel. Peut-être la période s’y prêtait-elle moins ? Mais le sabotage a eu lieu, avec la diffusion des épreuves auprès des enseignants bien avant la passation.
Il est donc vraisemblable qu’un nombre importants d’enseignants ont « préparé » les épreuves avec leurs élèves, la chose étant facilitée par la nature simple de beaucoup de questions. Des élèves de CE1 ont ainsi eu le privilège de découvrir le bachotage, procédé jusqu’à présent réservé à un âge plus avancé. Sans doute le bachotage est-il utile à ceux des élèves qui n’oublient pas immédiatement des connaissances non assimilées, mais c’est le contraire d’un enseignement digne de ce nom. Il est probable aussi que des maîtres ont sur-noté les épreuves.
Tout cela est déplorable sur le plan moral, vis-à-vis des enfants, des parents, et des enseignants eux-mêmes.
On imagine l’ambiance dans les écoles. Comme le dit une institutrice « Le résultat des évaluations de CE1 et CM2 n’a fait l’objet d’aucun point aux différents conseils de maîtres… Une omerta règne sur ces évaluations… »
Il nous reste à espérer que le nouveau ministre aura la volonté d’en savoir plus, en se ménageant des sources d’information à l’écart des canaux officiels et autorisés.