Un médecin homéopathe, qui reçoit de nombreux jeunes, leur demande systématiquement comment cela se passe à l’école. Après un temps de silence, la réponse continue à l’étonner même si elle est presque toujours la même : « Vous savez bien que cela ne peut pas aller ! ». Comment en sommes-nous arrivés là ?

« On pourrait penser qu’il suffit qu’un petit enfant ait de bons yeux pour voir, de bonnes oreilles pour entendre, des mains pour explorer le monde. Or, il lui faut aussi établir des connexions entre ses yeux, ses oreilles, ses mains et sa conscience pour pouvoir percevoir consciemment le monde. Et l’expérience m’a prouvé que ces connexions nécessitaient l’intermédiaire du langage, à un niveau ou un autre de l’entrée ou du traitement de l’information. »

« Sans paroles, nous dit d’ailleurs le philosophe Ouaknin, l’enfant pourrait certes percevoir le monde, mais celui-ci lui resterait extérieur. Pour éviter que l’enfant soit dépersonnalisé, il faut donc lui donner très tôt l’habitude de mettre en mots ses différentes perceptions. Il lui faudra parler pour voir, pour entendre, pour toucher, et pour manipuler consciemment. Parler encore pour lire et pour écrire, parler pour comprendre et pour mémoriser consciemment.»

Ces mots, extraits de l’un de ses livres, résument bien le combat que mène Élisabeth Nuyts depuis qu’elle a analysé quantité de manuels scolaires. Sa conclusion est on ne peut plus claire : les tâches purement visuelles ont envahi les écoles, au détriment de nombreux enfants qui, privés de la possibilité de parler ou de se parler, développent des troubles de l’apprentissage. Dyslexie, dyscalculie, troubles de l’attention, mémoire fugitive, sont autant de difficultés qui pourraient être évitées et corrigées si l’on redonnait sa place centrale au langage.

Redonner une place centrale au langage

L’enseignement global de la lecture, celui de l’écriture et de la lecture silencieuses et rapides, tous imposés dès la petite enfance, les mathématiques modernes éloignées de la réalité concrète vécue par l’enfant, la disparition des « leçons de choses », l’informatique dès l’école primaire, la grammaire fonctionnelle (par opposition à la grammaire analytique), la multiplication des photocopies et des exercices à trou, l’histoire enseignée en dehors de toute chronologie, les règles de mathématiques à apprendre sans démonstration, les « productions d’écrits à la manière de… » qui ressemblent plus à des copier-coller qu’à de vraies rédactions : tous ces enseignements dispensés à grande allure, se sont conjugués pour déconnecter les apprentissages de leur signification concrète. Les grands perdants sont le « temps » et la « parole » qui sont pourtant deux éléments essentiels à  toute compréhension fine.

C’est l’art de raisonner qui disparaît au profit des intuitions immédiates accueillies sans jugement de valeur, ceci expliquant que l’on puisse aujourd’hui débattre d’un texte en lui faisant dire ce qu’il ne dit pas, davantage porté par ses passions que par son souci d’en analyser le contenu. L’actualité médiatique foisonne de tels exemples. Un raisonnement est vrai ou faux dans l’absolu, une intuition est vraie si son auteur l’estime telle.

Si cette manière d’enseigner fonctionnait, on pourrait y voir une adaptation à l’air du temps. On pourrait aussi défendre la position que la société moderne a besoin de personnes plus intuitives et moins réfléchies. On pourrait se satisfaire d’un relativisme censé faciliter la tolérance et la concorde entre les personnes. Mais, ce que montre Élisabeth Nuyts, c’est qu’une telle orientation produit des individus ayant une faible personnalité, influençables, peu autonomes et handicapés dans certains domaines de la vie quotidienne. Pire : de très nombreux enfants vivent la scolarité comme une véritable course d’obstacles, privés de mémoire à long terme, développant des troubles d’apprentissage, un mal-être durable, une violence contre les autres ou contre eux-mêmes.

Sauver les auditifs, mais pas que…

Le combat d’Élisabeth Nuyts est humaniste. Elle n’a pas d’autre ennemi que l’ignorance involontaire de certains qui, croyant bien enseigner ou éduquer car ayant été formés en ce sens, ne perçoivent pas combien certaines pratiques scolaires peuvent être difficiles et inappropriées pour les enfants. Distinguant les visuels des auditifs, elle montre que ces derniers sont particulièrement mis en difficulté, tout en précisant que personne n’est épargné.

Il n’y a pas lieu de perdre son temps à jeter des anathèmes sur tel ou tel courant d’opinion. Il est surtout urgent d’écouter Elisabeth Nuyts – qui n’est pas seule à tirer ces conclusions – pour développer des pratiques d’enseignement adaptées aux jeunes élèves, reposant sur un usage intensif de la parole. Les propositions d’Élisabeth Nuyts sont d’autant plus audibles qu’elles sont confortées par des recherches récentes en neuropédagogie et par une riche expérience qui lui a permis de réparer de nombreux handicaps.

Aucune dyslexie ou dyscalculie ne résiste à quelques heures passées à reprendre les apprentissages dans une démarche inspirée par sa pratique, toujours connectée à des réalités concrètes. En quelques séances, l’enfant révèle tout un potentiel qu’il ignorait. Il se découvre, gagne en assurance et en autonomie.

Ce sont ces découvertes et cette pratique qu’Élisabeth Nuyts s’efforce de transmettre en sillonnant la France,  en donnant des conférences et des formations qui font salle pleine. Parents, enseignants et éducateurs y trouvent des explications très précises aux difficultés, petites ou grandes, qu’ils constatent chez les enfants.  Ils en ressortent avec l’envie d’approfondir et nous ne pouvons que les encourager dans ce sens. De tels travaux peuvent aussi bénéficier à des adultes ayant des problèmes de mémoire, de lecture, d’écriture ou de gestion du temps. Et à de nombreux enfants, qui semblent sans problèmes scolaires, mais qui n’ont pas développé une réelle personnalité ou autonomie, ont du mal à gérer leurs émotions ou sont très influencés par les modes du moment.

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