Ecole primaire – Liberté pédagogique
Loi FILLON
La loi d’orientation et de programme pour l’avenir de l’école
- la loi proprement dite, dont les articles modifient sur certains points le Code de l’Education.
- un "rapport annexé" qui, aux termes de l’article 12 de la loi, fixait "les orientations et les objectifs de la politique nationale en faveur de l’éducation ainsi que les moyens programmés".
La loi a été adoptée. Sur saisine de députés et sénateurs de l’opposition, le Conseil Constitutionnel a, le 21 avril 2005, censuré l’article 12 et par voie de conséquence le rapport annexé auquel il était fait référence, ainsi que divers articles de la loi.
Précisons ici que la loi vise à s’appliquer aux enseignements primaire et secondaire.
La loi ignore la question centrale de l’école primaire
La loi n’a pas pris en compte les problèmes majeurs de l’école primaire. Elle ne comporte en particulier aucune disposition concernant directement la lecture – et les méthodes syllabiques ou mixtes – ni l’écriture, encore moins les programmes.
Tout cela est très grave.
Le rapport annexé voté par le Parlement, mais censuré par le conseil constitutionnel, contenait cependant le paragraphe suivant :
"L’école primaire, en premier lieu, apprend à lire, à s’exprimer oralement, à écrire et à compter. Dans le respect de leur liberté et de leur responsabilité pédagogique, les enseignants du premier degré seront informés des méthodes d’enseignement de la lecture qui ont prouvé leur efficacité, parmi lesquelles les méthodes syllabiques, afin de leur permettre d’effectuer un choix pertinent."
Nous avions proposé un amendement ainsi rédigé :
"les enseignants … seront invités à mettre en œuvre des méthodes d’apprentissage de la lecture dont l’efficacité est garantie par l’expérience et par des recherches expérimentales rigoureuses sur le plan méthodologique. Ils seront informés des risques liés à certaines méthodes dont l’efficacité et l’innocuité absolue ne sont pas prouvées."
Termes repris dans l’amendement 393 au Sénat, non retenu. Le texte voté ayant été censuré par le Conseil constitutionnel, il ne reste plus rien au sujet des méthodes de lecture.
La loi ne donne aucune définition de la liberté pédagogique
L’affirmation de la « liberté pédagogique » se trouvait déjà dans des textes officiels. Mais lors d’une émission télévisée à l’automne dernier, F.FILLON a indiqué que, pour la première fois, la liberté pédagogique figurerait dans la loi.
On peut penser que cette initiative était liée au différend sur la question des méthodes d’enseignement de la lecture. En effet, le ministre a déclaré au Sénat :
"Si nous avons voulu inscrire la liberté pédagogique dans la loi, c’est pour éviter certaines pressions auxquelles les enseignants sont soumis pour qu’ils suivent les méthodes pédagogiques de telle ou telle école de pensée. Les enseignants qui veulent évoluer ou utiliser d’anciennes méthodes se font sanctionner par les inspections , même s’ils obtiennent d’excellents résultats. L’enseignant doit être maître de sa classe et le travail de l’inspection doit vérifier que la méthode pédagogique, quelle qu’elle soit, est efficace".
On peut regretter de ne pas retrouver ces fortes paroles dans le texte de la loi, autrement que voilées et édulcorées.
L’article 48 de la loi traite de la liberté pédagogique dans les termes suivants :
"La liberté pédagogique de l’enseignant s’exerce dans le respect des programmes et instructions du ministre chargé de l’éducation nationale et dans le cadre du projet d’école ou d’établissement avec le conseil et sous le contrôle des membres du corps d’inspection. Le conseil pédagogique prévu à l’article L 421.5 ne peut porter atteinte à cette liberté".
La première phrase, très indigeste, figurait telle quelle dans le projet de loi. Les parlementaires y ont ajouté la seconde.
Notre association, dans ses contacts avec le Cabinet du Ministre et plusieurs parlementaires, a souligné le fait que le texte du projet de loi était inacceptable et dangereux. En effet la loi qui établit une liberté doit la définir, la borner par des obligations, ce qui permet l’exercice d’un contrôle dans des limites précises. Ce texte ne définit pas la liberté pédagogique, et la limite en termes vagues et particulièrement inefficace lorsqu’il mentionne le contrôle des inspecteurs sans préciser en quoi consiste ce contrôle.
La vision des rédacteurs de ce texte s’est manifestement bornée à l’univers de l’Education Nationale. Or la liberté pédagogique aurait dû, selon nous, être définie par rapport à l’intérêt des élèves.
C’est pourquoi nous avons proposé, dans un amendement, le texte suivant qui revêt la forme de règles de déontologie :
"La liberté pédagogique est la liberté conférée à l’enseignant de choisir les méthodes, moyens et modalités de transmission des savoirs et savoir-faire.La liberté pédagogique est limitée par des obligations :
- l’obligation de prudence : s’informer, ne pas entreprendre des actions pour lesquelles on n’a pas le savoir-faire nécessaire.
- l’obligation d’information des élèves et des parents au sujet des pédagogies, l’obligation d’obtenir l’accord des parents avant la mise en œuvre d’innovations pédagogiques insuffisamment validées.
- l’obligation de prendre en considération les résultats de l’enseignement, et d’être en mesure de les justifier si nécessaire. "
Ce texte a été repris en partie dans l’amendement n° 397 déposé au Sénat :
La liberté pédagogique est la liberté conférée à l’enseignant de choisir les méthodes, moyens et modalités de transmission des savoirs et savoir-faire. Elle comporte l’obligation de ne pas entreprendre des actions pour lesquelles on n’a pas le savoir-faire nécessaire, et d’informer les parents avant la mise en œuvre d’innovations pédagogiques insuffisamment validées. Elle s’exerce dans le respect des programmes …
Amendement non retenu.
La référence dans la loi à la liberté pédagogique, voulue par le ministre, est une occasion manquée. Les textes se prêtent à toutes sortes d’interprétations. Aux parents d’imposer la leur : la liberté pédagogique doit être fondée sur les résultats , et sur l’efficacité de l’enseignement.
Nous avons attendu l’issue du recours introduit auprès du Conseil Constitutionnel pour vous donner une information fiable.
Aujourd’hui, il ne reste rien, dans la nouvelle loi, concernant les méthodes de lecture. Cela est d’autant plus regrettable que les échecs scolaires massifs constatés ont à peu près tous leur origine dans une école primaire qui ne donne plus les bases nécessaires à la suite du cursus. Nous reviendrons sur ce point capital.