Rapport THELOT – 2003-2004
Tout le monde a entendu parler du rapport Thelot, du nom du président de la Commission chargé de la synthèse du "grand débat sur l’avenir de l’école", c’est-à-dire la synthèse des centaines de réunions qui se sont tenues et des milliers de messages émis au cours de ce prétendu débat.
Si nous n’en avons pas parlé ici, c’est que, aussi extravagant que cela puisse paraître, RIEN dans le rapport ne parle d’enseignement de la lecture et de l’écriture. Ce n’est pourtant pas manque de contributions. Notre association a adressé en novembre 2003 un dossier à chaque membre de la Commission, et nous avons les preuves de multiples interventions sur ce sujet. Mais, par un curieux phénomène de chimie politique, tout cela s’est purement et simplement évaporé, sans laisser la moindre trace. C’est sans doute que nous et les autres étions "hors sujet", car ce qu’il fallait dire était fermement suggéré par les questions posées dès le départ. Et le plus curieux est que des membres de la commission tout à fait indépendants et respectables n’y ont vu … que du feu !
C’est une synthèse magique.
A titre d’information, nous avons relevé les occurrences de quelques mots-clefs. Voici le résultat.
Lire + lecture revient : 7 + 5 = 12 fois
Écrire + écriture revient : 8 + 8 = 16 fois
Calculer + calcul + compter revient : 0 + 3 + 4 = 7 fois
Instruire revient 12 fois
Sous-total : pour ce qui est, au moins à nos yeux, le cœur de l’enseignement, 46 occurrences
Éduquer + éducation + éducatif + éducative revient 19 + 215 + 79 + 105 = 418 occurrences
Enfin, les termes illettrisme et illettré sont présents 1 fois chacun, au total 2 occurrences. Cela reste néanmoins un problème majeur, et occulté.
Il est instructif de noter à quel point l’école se préoccupe infiniment plus d’éduquer que d’instruire. Cela n’a rien d’étonnant, car aujourd’hui, l’éducation nationale ne fait pas mystère de sa beaucoup plus grande préoccupation d’éduquer que d’instruire. Il y a là la clé de l’état d’abandon où sont les enfants à l’école sur le plan de la transmission des connaissances.
LE PROJET DE LOI FILLON.
On a beaucoup parlé du "socle des connaissances". Voici comment le définit la loi :
"Article L 131-1-2 : La scolarité obligatoire doit au moins garantir l’acquisition par chaque élève d’un ensemble de connaissances et de compétences indispensables comprenant :
– la maîtrise de la langue française ;
– la maîtrise des principaux éléments de mathématiques ;
– une culture humaniste et scientifique permettant l’exercice de la citoyenneté ;
– la pratique d’au moins une langue vivante étrangère.
– la maîtrise des techniques usuelles de l’information et de la communication ;
Ces connaissances et compétences sont précisées par décret après avis du Haut Conseil de l’éducation(*)."
[(*) qui sera créé par la nouvelle loi]
Ce texte concerne donc l’ensemble primaire + collège. Il définit un minimum, mais ces définitions sont très générales, et pour en savoir plus, en termes précis et concrets, nous devrons attendre un décret, concocté comme il se doit entre la Direction de l’Education Nationale, les syndicats d’enseignants, et le Ministre. C’est en lisant le décret (s’ils le lisent !) que nos parlementaires connaîtront la volonté de la Nation qu’ils sont supposés incarner.
Quant à savoir ce que nous pouvons attendre de l’enseignement primaire, en matière de lire – écrire – calculer, on ne trouve dans la loi que l’article L 321-3 qui stipule :
" La formation (dispensée dans l’enseignement primaire) assure l’acquisition des instruments fondamentaux de la connaissance : expression orale ou écrite, lecture, calcul …"
Ce texte est déjà en vigueur, et on sait comment il est interprété par l’Education Nationale …
Tel est, pour l’essentiel le projet de loi : des idées, souvent bonnes, mais exprimées en termes tellement généraux qu’elles apparaissent comme des manifestations d’intention, des vœux, plutôt que comme les décisions souveraines dont nous avons besoin pour changer un état des choses catastrophique à bien des égards. C’est un véritable acte de foi qui est demandé au lecteur, et au parlementaire.