En conséquence, les effectifs de ce collège ont baissé régulièrement depuis une quinzaine d’années à mesure que ceux du privé explosent.
La baisse a été un peu enrayée cette année car les exclus des autres établissements finissent presque immanquablement dans ce collège, avec d’immanquables répercussions sur l’ambiance, bagarres fréquentes, cigarette dans les toilettes, pétard à la sortie.
Il n’y a pas que les effectifs qui baissent, le niveau aussi, en 2009, à peine 75 % de réussite au brevet…un des plus mauvais du département. Il y a bien eu la tentative du précédent principal d’installer une section aménagée « sport » pour combler les trous de l’effectif à la place des exclus et pour relever le niveau en choisissant d’abord un sport où les bons élèves règnent presque sans partage, la voile, puis le tennis. Las, les parents suffisamment motivés pour encourager une carrière de compétition dans un sport aussi peu rémunérateur que la voile, n’ont pas forcément envie de voir leurs rejetons être confronté à la violence et à surtout à une hétérogénéité de classe génératrice de problèmes, donc la section aménagée tombe peu à peu en déshérence au profit du privé et du collège international voisin.
Le niveau baisse régulièrement, les profs n’y peuvent rien, enseigner le français ou l’histoire géographie à des gosses pour qui la référence culturelle ultime c’est TF1 et l’objet de tous les désirs l’I-phone, c’est une gageure. Il y a bien cinq ou six élèves intéressants par classe qui pourraient suivre une scolarité bien plus approfondie, en ont les moyens intellectuels, le désir, et l’éducation qui permet d’y accéder. Mais ceux-là l’Education Nationale en général et le collège en particulier n’en ont rien à foutre, vraiment.
La preuve encore une fois donnée au dernier conseil d’administration. La principale soumet au conseil un nouveau projet, pour les élèves de troisième.
Il s’agit de trouver un moyen de contenir jusqu’à 16 ans les élèves pudiquement appelés « en voie de déscolarisation », les cancres, les perturbateurs pour parler clairement.
Pour eux l’année scolaire est trop longue, donc le nouveau dispositif inspiré par le « parcours de découverte professionnelle » leur propose de passer une semaine sur deux dans une entreprise « en observation » puisqu’ils sont trop jeunes pour être apprentis puis de réintégrer une semaine sur deux une classe normale de leur collège où ils seront encore plus largués encore plus déscolarisés car ils accumuleront un retard croissant par rapport au reste de la classe.
Au début de l’exposé, j’ai une lueur d’espoir, la principale a dit que cela concernerait une vingtaine d’élèves, j’ose donc demander « pourquoi ne pas en faire une classe ? » regards courroucés de l’administration, haut le cœur d’une prof, je viens d’attaquer le dogme du collège unique, j’ai l’impression d’avoir dit une grossièreté inouïe. La principale rappelle dans un soupir devant la bêtise avérée de cette stupide mère d’élève que je suis, que le dogme du collège unique est son credo et que ces élèves en échec scolaire seront « naturellement répartis entre quatre et huit par classe » dans toutes les classes, donc aucun moyen d’y échapper. Deux autres parents soulèvent quand même le problème de l’accentuation du décrochage probable et bien l’administration a pensé à tout : dans la dotation horaire globale de l’établissement, on a fait l’impasse sur le travail en demi-classe particulièrement en langues vivantes pour dégager des heures de rattrapage pour ces élèves là. Voilà l’absurdité du collège unique : on finit par sacrifier la scolarité des élèves sérieux qui feront de l’anglais à l’oral à trente élèves par classe pour déscolariser en douceur des cancres !
On assure une troisième tranquille à des jeunes qui feront partie, malgré trente ou quarante ans de réformes en tout genre des 15 % qui sortent du système scolaire en échec, les profs votent pour, une semaine sur deux au moins, ils seront tranquilles. La plupart des parents d’élèves aussi, pour être «politiquement corrects », je m’abstiens mais j’ai la nausée, pourquoi massacrer ainsi l’Education Nationale ?
Il parait que l’Inspecteur d’Académie est très intéressé par cette nouvelle usine à gaz. Cette innovation destructrice sera mise en place dans quatre collèges, la principale qui débarque d’une autre région les énumèrent sans hésiter : il s’agit des trois plus mauvais collèges de la région, son collège rejoint donc le peloton des établissements, dont même les directeurs d’école primaire se méfient “attention votre enfant va se retrouver à…. Faîtes quelque chose, c’est dommage de sacrifier un bon élément, juste pour une question de secteur !”
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