Chronique d’une mort annoncée (suite)

Novembre 2005 – La crise des banlieues conduit à s’interroger sur la formation des jeunes de ces quartiers. Le décalage culturel saute au yeux et l’école est pointée du doigt. Claire Brisset, défenseure des enfants, dénonce l’école comme première responsable de la crise, en raison de pédagogies totalement déconnectées des besoins des élèves, qui produisent de l’exclusion au sein même des classes.

Novembre 2005 – France 2 présente un reportage sur Rachel Boutonnet au journal du 20h. On y voit une jeune institutrice sympathique, sanctionnée pour son utilisation de méthodes syllabiques, malgré le fait que tous ses élèves sachent lire au mois de mars. Une maman exprime sa satisfaction et l’on n’oublie pas de mentionner que son école est classée en Zone d’Education Prioritaire.

23 novembre 2005 – Le député Alain Gest pose une question au Ministre de l’Education à l’Assemblée. Il s’étonne du nombre considérable d’orthophonistes, parents, enseignants qui dénoncent les méthodes à départ global comme responsables des difficultés d’apprentissage des élèves. Il demande si cette question va être enfin prise au sérieux. Gilles de Robien répond avec fermeté :

« Tous les spécialistes s’accordent sur le fait que les méthodes d’apprentissage de la lecture regroupées sous le terme générique de « méthode globale » sont nocives. J’indique donc en toute tranquillité qu’elles doivent être abandonnées. La méthode qui consiste à immerger l’enfant dans le langage pour essayer de lui faire reconnaître les mots par hypothèses liées à ses capacités de mémorisation conduit souvent à la noyade ! L’apprentissage de la lecture doit se fonder sur la reconnaissance des sons et sur la prononciation des syllabes qui forment les mots. Au bout, il y a le plaisir de lire, qui constitue la vraie récompense des efforts consentis ! »

Novembre 2005 – Le Premier Ministre, Dominique de Villepin, demande à Gilles de Robien de faire des propositions concrètes sur l’orientation à donner aux méthodes de lecture. Il faut maintenant viser le résultat et généraliser pour cela les évaluations en début de CE1.

7 décembre 2005 – Gilles de Robien annonce clairement le retour aux méthodes syllabiques.

« La langue, c’est notre patrimoine. Et on sait que l’apprentissage de la lecture pour un jeune, s’il rate cette marche là, risque d’en faire un exclu. Et c’est pourquoi aujourd’hui nous avons le regret de constater qu’il y a 15% de jeunes qui sortent du primaire sans avoir les bases de la lecture. C’est trop, et évidemment, c’est trop injuste. C’est trop injuste parce que nous savons aujourd’hui où sont les difficultés. Et j’ai eu évidemment la curiosité de regarder les rapports des scientifiques à ce sujet. Il y a des orthophonistes qui disent très clairement que s’il y a une épidémie de dyslexie, c’est en grande partie parce qu’il y a une approche globale de l’apprentissage de la lecture. Lorsque nous regardons les scientifiques qui sont les spécialistes des neurosciences, ils nous disent très clairement que le cerveau est constitué de telle façon que c’est par les méthodes syllabiques qu’on apprend le mieux. Et donc, j’en tire, monsieur le député Depierre, les conséquences. C’est mon devoir et je pense aux parents qui se sentent inquiets devant certains échecs de leurs enfants. Je pense aussi à des enseignants, à des maîtres qui veulent évidemment la réussite des enfants dont ils ont la charge. Donc, d’une part, j’ai donné des instructions extrêmement claires pour qu’on arrête de sanctionner – vous vous rendez compte ! – des professeurs qui emploient la méthode syllabique. Et je vais aujourd’hui plus loin, je le dis très clairement, il faut abandonner la méthode globale ou la méthode assimilée globale. Je vais donc prendre contact avec les éditeurs de livres de façon à m’entretenir avec eux de cet abandon et je vais rencontrer aussi les maires qui achètent les dits-recueils d’apprentissage de la lecture de façon à ce qu’une fois pour toutes, on ait abandonné la méthode globale de la lecture. »

8 décembre 2005 – Gilles de Robien prend les premières mesures :

« J’ai demandé ce matin au doyen de l’Inspection générale de rédiger sous huit jours une circulaire destinée aux enseignants, aux inspecteurs et aux formateurs des maîtres en IUFM et demandant d’abandonner la méthode globale. Cette circulaire s’appliquera dès janvier 2006. Ainsi les enseignants n’auront plus le droit de l’appliquer et les ouvrages basés sur cette méthode ne devront plus être utilisés. »

Les opposants crient à la démagogie. Ils disent la bouche en cœur que les méthodes globales sont abandonnées depuis longtemps. Ils continuent leur désinformation mais ne sont plus écoutés. Tout le monde sait aujourd’hui que ce sont des menteurs.

C’est une page qui se tourne après des années de lutte. Il faut remercier tous ceux qui y ont contribué et qui voient aujourd’hui leurs efforts récompensés. Il reste à l’Education Nationale de tirer le bilan de cette période et de présenter ses excuses aux milliers d’enfants que ces méthodes ont handicapés.

Il faudra être vigilant pour s’assurer que l’approche globale disparaisse aussi des classes de maternelles. Il faudra s’armer de patience car si changer les manuels est relativement facile, changer les mentalités et les pratiques est une autre affaire.

Frédéric PRAT

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