Arrêté du 24 Mars 2006 du Ministère de l’Education Nationale

J.O. du 30 mars
Cet arrêté modifie certains termes de l’Annexe à l’Arrêté du 25 janvier 2002 relatif aux programmes de l’école primaire. Le projet d’arrêté, connu depuis plusieurs semaines, a déjà fait l’objet d’interprétations tendancieuses. Qu’en est-il exactement ?

Nous présentons ci-après :
– l’intégralité des modifications ajoutées par le nouvel arrêté
– nos commentaires
– ce que les parents doivent en retenir

Les changements apportés au texte du 25.1.02

<s>Textes supprimés</s> , nouveaux textes
III – Cycle des apprentissages fondamentaux (cycle 2)

2 – Lecture

2.4 Apprendre à identifier les mots par la voie indirecte (déchiffrer)

Pour pouvoir identifier les mots par la voie indirecte, les élèves de l’école élémentaire, qui ont commencé à comprendre la manière dont fonctionne le code alphabétique, doivent aussi mémoriser les relations entre graphèmes et phonèmes et apprendre à les utiliser.
<s>La plupart des méthodes proposent deux types d’abord complémentaires ; analyse de mots entiers en unités plus petites référées à des connaissances déjà acquises ; synthèse, à partir de leurs constituants, de syllabes ou de mots réels ou inventés.</s>
Pour ce faire, on utilise deux types d’approches complémentaires : analyse de mots entiers en unités plus petites référées à des connaissances déjà acquises, synthèse à partir de leurs constituants, de syllabes ou de mots réels ou inventés.

<s>Programmation des activités
Ces apprentissages sont au coeur de la plupart des méthodes d’enseignement de la lecture. La qualité des programmations proposées doit guider le choix des enseignants. Certains laissent se constituer ces connaissances au hasard des rencontres et des réactions des élèves (c’est le cas de la méthode “naturelle” proposée par Célestin Freinet), d’autres (en particulier les livrets proposés par les éditeurs) les organisent selon une progression qui combine complexité croissante des activités mises en jeu tant dans l’analyse que dans la synthèse et complexité croissante des relations entre graphèmes et phonèmes. Dans les deux cas, il importe d’aider les élèves à mémoriser ces informations, donc à leur permettre de les structurer de manière rigoureuse et de les réviser fréquemment.
Certaines méthodes proposent de faire l’économie de l’apprentissage de la reconnaissance indirecte des mots méthodes globales, méthodes idéo-visuelles…) de manière à éviter que certains élèves ne s’enferment dans cette phase de déchiffrage réputée peu efficace pour le traitement de la signification des textes. On considère souvent aujourd’hui que ce choix comporte plus d’inconvénients que d’avantages : il ne permet pas d’arriver rapidement à une reconnaissance orthographique directe des mots, trop longtemps appréhendés par leur signification dans le contexte qui est le leur plutôt que lus. On peut toutefois considérer que la plupart de ces méthodes, par le très large usage qu’elles font des activités d’écriture, parviennent aussi à enseigner, de manière moins explicite, les relations entre graphèmes et phonèmes. Il appartient aux enseignants de choisir la voie qui conduit le plus efficacement tous les élèves à toutes les compétences fixées par les programmes (les compétences de déchiffrage de mots inconnus en font partie).
</s>

2.7 Programmation des activités
« L’apprentissage de la lecture passe par le décodage et l’identification des mots et par l’acquisition progressive des démarches, des compétences et connaissances nécessaires à la compréhension.
« Au début du cours préparatoire, prenant appui sur le travail engagé à l’école maternelle sur les sonorités de la langue et qui doit être poursuivi aussi longtemps que nécessaire, un entraînement systématique à la relation entre graphèmes et phonèmes doit être assuré afin de permettre à l’élève de déchiffrer, de relier le mot écrit à son image auditive et à sa signification possible. Il est indispensable de développer le plus vite possible l’automatisation de la reconnaissance de l’image orthographique des mots. Cet apprentissage exige de conjuguer lecture et écriture.
« Savoir reconnaître des mots ne suffit pas pour lire une phrase ou un texte. Les élèves doivent apprendre à traiter l’organisation d’une phrase ou d’un texte écrit. Ils doivent aussi acquérir le lexique et les connaissances nécessaires pour comprendre le propos des textes qu’ils sont invités à lire.
« Le cours préparatoire est le temps essentiel de cet apprentissage. Celui-ci doit être poursuivi au CE1 pour consolider la maîtrise du code, développer l’automatisation de la reconnaissance des mots et entraîner à la lecture de textes plus longs, plus variés, comportant des phrases syntaxiquement plus complexes. La lecture doit être prolongée et affermie par un travail régulier de production d’écrits. »

Nos commentaires

Nous savons tous que l’essentiel se trouve dans les dégâts causés par le départ global, au cours des premiers mois du CP, et d’ailleurs dès la maternelle.

A cet égard, la nouvelle rédaction comporte des éléments positifs :
"Au début du cours préparatoire…, un entraînement systématique à la relations entre graphèmes et phonèmes doit être assuré afin de permettre à l’élève de déchiffrer … Cet apprentissage exige de conjuguer lecture et écriture".

C’est ainsi qu’opère la méthode alphabétique ou syllabique.

Le reste du nouveau texte est moins clair, et comporte des expressions malheureuses ou ambiguës.

"Pour ce faire, on utilise deux types d’approches complémentaires : analyse de mots entiers en unités plus petites référées à des connaissances déjà acquises, synthèse à partir de leurs constituants, de syllabes ou de mots réels ou inventés."

Au premier abord, cette phrase semble évoquer les méthodes mixtes ("intégratives" selon Monsieur GOIGOUX), qui prétendent associer une approche globale et une approche alphabétique.

Mais que signifie l’expression "unités plus petites référées à des connaissances déjà acquises", sinon des syllabes et des graphèmes déjà étudiés (systématiquement). Il faudrait donc comprendre "au fur et à mesure de l’acquisition des relations entre graphèmes et phonèmes, on utilise deux types d’approches …"

L’ auteur voulait sans doute simplement dire que l’on fait reconnaître à l’élève, dans le mot, les lettres qu’il connaît déjà (analyse), et qu’on lui fait former de nouveaux mots à partir des lettres qu’il connaît (synthèse).

Par ailleurs, en 2.4., il manque une virgule entre "synthèse" et "à partir de leurs constituants". Du même coup, certains pourraient penser que les "constituants" de la synthèse sont les "syllabes ou les mots réels ou inventés". Cette virgule figurait dans le texte de 2002, et c’est assurément un oubli. Mais son absence obscurcit le texte.

• Les expressions "reconnaître des mots" "reconnaissance des mots"

rappellent fâcheusement le "stock de mots" ou plus précisément d’images photographiques de mots du départ global. Lire ne consiste pas à reconnaître des mots : le lecteur déchiffre (plus ou moins vite), et constate qu’il connaît le mot ou ne le connaît pas.

Nous ne savons pas si ces ambiguïtés résultent de l’aversion qu’éprouve l’administration à s’exprimer en termes simples, ou de la volonté de ménager les uns et les autres, ou encore des pressions internes à l’Education Nationale.

Ces ambiguïtés permettent aux tenants du statu quo de prétendre que le ministre a reculé, que rien n’est changé par rapport aux textes de 2002, et que les méthodes et manuels en usage demeurent valables, comme GAFI LE FANTÔME ou ABRACADABRA, dans lesquelles un départ global massif est saupoudré d’un peu d’alphabétique.

• Le passage qui nous paraît le plus inquiétant, dans le texte de cet arrêté, c’est une petite phrase discrète que nous trouvons au paragraphe 2.7.:

"Il est indispensable de développer le plus vite possible l’automatisation de la reconnaissance de l’image orthographique des mots." C’est l’expression "le plus vite possible" qui nous paraît rouvrir la porte à des démarches de type global, puisque c’est bien le but recherché par celles-ci de faire reconnaître à l’élève le plus vite possible l’"image orthographique des mots".

Or, pour un réel apprentissage dela lecture et de l’écriture, il ne faut surtout pas chercher à aller vite, ce qui est antinomique avec l’idée même de pédagogie. Il faut passer par les étapes obligatoires et sûres d’une lente mais régulière progression.

De plus, ce n’est pas à l’"image orthographique du mot" qu’il s’agit de rendre l’élève attentif, mais à sa "composition orthographique", laquelle s’oppose à la première comme la lumière à l’ombre.

Nous pensons donc que ce court passage recèle le danger potentiel le plus grave.

Ce qu’il faut en retenir

Les parents peuvent s’appuyer sur l’arrêté qui impose dès le début du CP, l’enseignement systématique du déchiffrage, c’est-à-dire des associations entre les lettres et groupes de lettres d’une part, les sons de la langue parlée d’autre part.

Pour s’en assurer, il n’est pas nécessaire de chercher à analyser la méthode suivie par l’instituteur. Il suffit de vérifier le résultat : dans le courant du second trimestre de CP, les élèves doivent être capables de déchiffrer les mots courants et les phrases simples, ainsi que des pseudo-mots construits comme des mots courants mais sans signification. Dès le début du CP, ils doivent lire ce qui est écrit, et non pas "lire" ce qui n’est pas écrit, c’est-à-dire deviner.

Les parents peuvent aussi s’appuyer sur la circulaire de Gilles de Robien du 2 janvier 2006, claire et explicite.

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