Animation pédagogique (décembre 2007) : le roman photos

Ce court récit intéressera ceux qui ignorent, ou qui méconnaissent, les vertus pédagogiques d’une "activité" éminemment innovante, qui ne peut qu’aider puissamment les élèves du primaire à construire eux-mêmes leur propre savoir en "production d’écrit".

Quant au temps perdu par les maîtres et les élèves, chacun s’en fera une idée.

Nous avons été convoqués à une quinzaine d’enseignants afin de participer à une animation pédagogique. Nous étions là pour apprendre à réaliser avec nos élèves un roman photos.

« Le roman photos est naturel pour l’enfant . » décrète  le conseiller pédagogique. « Je l’ai pratiqué régulièrement dans ma classe quand j’étais en fonction », continue-t-il.
Il demande que deux instituteurs prennent des notes pour faire un rapport. « Ce rapport sera diffusé sur le site de l’inspection, et constituera donc un document disponible pour les collègues qui voudraient pratiquer dans leur classe cette activité. » Puis il charge un instituteur de prendre des photos du groupe pendant la matinée.

Enfin il expose :

« Pourquoi le roman photo ? Parce qu’il est un support à la production d’écrit . Quand on voit un roman photo, ce n’est pas l’écrit qui prédomine. Mais en fait, il y a un travail préalable pendant lequel le processus d’écrit est riche.

Les enfants devront prévoir :
       – les personnages avec leur description physique et morale
       – les lieux
       – les actions


En un minimum de mots, il faut réussir à donner le maximum de renseignements. C’est le synopsis, qui ne doit pas dépasser une dizaine de lignes. Les personnages seront joués par les élèves. Les lieux peuvent être le bureau du directeur, les W.C., la cour, etc. Les actions et l’histoire seront imaginées par les élèves.

Il est vrai que cela tourne souvent autour du roman policier, mais on peut par exemple travailler sur le détournement de pub. Ces créations ont aussi un rôle d’exutoire : C’est très important, par exemple, nous avons eu le cas d’un gamin qui avait des problèmes de croissance et il avait imaginé une pub pour une poudre qui faisait grandir.

Il est aussi très motivant de faire un lien avec la littérature jeunesse en travaillant sur un réseau de livres. Par exemple, illustrer un thème. Nous pouvons aussi travailler sur une liste de situations à exploiter ,par exemple : gérer des conflits internes à la classe , mettre en scène des situations vécues, les jouer, les photographier, et créer des  dialogues. »

L’animateur certifie qu’il a pratiqué cela dans sa classe il y a une huitaine d’années, avec succès.

A ma remarque : « Nous sommes maintenant en novembre 2007.La prise de conscience des problèmes graves de l’école est amorcée, plus personne n’ignore les 40% d’élèves en grande difficulté à l’entrée de 6ème » il répond qu’il est bien conscient que c’est difficile pour nous mais qu’il reste convaincu que cette activité est profitable aux élèves. J’ai l’impression que c’est un dialogue de sourds et que rien ne pourrait le faire changer d’idée.

Après la pause-café, on récupère sur nos écrans les quelques photos du groupe. « Il reste une heure », nous annonce le conseiller pédagogique. « Nous allons maintenant pratiquer ». Il nous présente des logiciels permettant ce travail avec nos élèves. Et voilà que nous nous amusons à créer notre bulle, sur notre photo. Puis on nous présente des pages de romans photos réalisés dans des classes.

Je lui demande à nouveau: « Est-ce que tout ce temps passé à cette activité ne va pas nous faire défaut pour la préparation efficace de nos élèves en français ? », il répète avec bonhomie, qu’il comprend bien nos problèmes, mais reste convaincu que cette activité est une bonne motivation à la production d’écrit. Il admet cependant qu’avec une classe d’une trentaine d’enfants c’est difficile, à moins de travailler en décloisonnement, un groupe de 15 aux ordinateurs et pour la création du roman, et les autres élèves répartis dans les autres classes, « oui c’est tout à fait gérable , pour certaines activités, un groupe de 40 c’est possible ». Quelques collègues expriment leur doute mais rien n’y fait, notre expérience sur le terrain ne compte pas, nos arguments d’instituteurs en fonction dans les classes ne sont pas retenus.

A la fin de cette formation, le conseiller pédagogique nous a demandé si nous avions retenu la consigne qui avait été donnée par l’inspection : « Nous nous retrouvons dans quelques semaines, vous aurez pu pratiquer cela dans vos classes car il nous faudra avoir matière à discussion ». En un mot, nous sommes tenus réaliser un roman-photos  pendant les mois de décembre et janvier puisque la prochaine animation aura lieu fin janvier.

Si j’ai tout compris, on a inventé une activité, on l’a expérimentée dans une école promouvant les thèses de Monsieur Foucambert, il y a une décennie et on convoque pendant 6 heures 15 instituteurs pour les inciter à reproduire cette expérience, dévoreuse  d’un temps précieux, dans les écoles, en 2007, alors que notre école publique est en perdition !!!

NB : Pour en savoir plus sur la pédagogie des romans photos et voir des exemples :
http://www.weblettres.net/sommaire.php?entree=3&rubrique=11&sousrub=283

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