La préparation à la vie professionnelle

Dans ce domaine de la préparation à la vie professionnelle, la France vit encore à l’heure d’hier : les parents estiment avoir fait leur devoir si, à 18 ans (ou à 27), leur enfant est nanti d’un diplôme, du plus modeste – le baccalauréat, qui permet l’accès au monde du travail – jusqu’aux plus prestigieux qui garantissaient une carrière sans véritables aléas.

C’est de moins en moins vrai depuis quelques années. Ce sera de moins en moins vrai à l’avenir, et la carrière professionnelle dépendra beaucoup plus des qualités personnelles que des diplômes.
 Dès maintenant, le but de l’éducation et de l’enseignement doit être – entre autres d’armer les enfants et les adolescents pour qu’ils trouvent par eux-mêmes leur place dans le monde du travail.

L’école et les exigences du monde du travail

Les considérations, positives ou négatives, sur l’économie de marché ne manquent pas. On néglige souvent de préciser que l’accès à cette économie d’abondance passe, pour la majorité des habitants des pays où elle règne, par la possibilité d’entrer dans le monde du travail… et d’y rester. Or le monde du travail comporte de nombreuses exigences, auxquelles les candidats à l’emploi ne sont pas toujours préparés et dont ils se sont le plus souvent fort peu conscients.

Pour simplifier le propos, on retiendra quatre exigences, deux à deux complémentaires et donc en apparence presque opposées. Ces quatre exigences du monde du travail ont émergé avec l’arrivée de technologies nouvelles, qui diminuent la pénibilité de nombreuses tâches, les automatisent, les rendent davantage fiables tout en accélérant les cadences. Mais ces nouvelles technologies apportent évidemment leur lot de contraintes, pas forcément nouvelles mais renforcées en niveau d’exigences.

Aujourd’hui le monde du travail exige donc : rigueur et adaptabilité ; esprit d’équipe et autonomie.

Rigueur


Impossible aujourd’hui de manquer de professionnalisme. Le client demande tout, le prix, la qualité, le service, le design, le délai, etc.. L’automatisation fait qu’un « loupé » se reproduit des milliers de fois, bloque une fabrication entière. Notons que cette rigueur, ce perfectionnisme, se retrouvent non seulement dans le monde du travail au sens commun du terme mais dans d’autres domaines, le show ou le sport de haut niveau. Pensez au professionnalisme des changeurs de pneus de la formule 1 : la course se gagne (ou se perd), certes grâce aux pilotes, aux ingénieurs et techniciens, mais aussi grâce aux changeurs de pneus.

À cette rigueur, nous pouvons attribuer deux notations différentes. L’une relève de l’apprentissage, qui a dû être parfait et qui permet à l’impétrant d’être sûr de son professionnalisme. L’autre relève de l’éthique : «non seulement je sais faire parfaitement, mais je fais effectivement parfaitement à chaque fois, car je suis consciencieux.»

On mesure immédiatement que l’école peut effectivement préparer à cette accessibilité à l’emploi, si elle a su et pu ancrer dans les esprits de ceux qui lui sont confiés,cette rigueur intellectuelle et cette conscience morale. Rigueur intellectuelle de l’orthographe, des accords, de la concordance des temps, des tables de multiplication, du «par cœur» sans faute… conscience morale du soin apporté au travail rendu, du respect du professeur, avec tous ce que cela comporte d’humilité, de persévérance, d’opiniâtreté, de courage.

 Adaptabilité.

La rigueur précédente pouvait être naguère le fruit d’une spécialisation éventuellement étroite. La vitesse à laquelle changent les techniques oblige chacun à lui adjoindre une adaptabilité, une capacité à changer, qui pourrait passer pour opposée à la rigueur. Il n’en est rien car l’adaptabilité, devenue indispensable, n’empêchera pas qu’il faudra être capable d’approfondir un domaine pour y acquérir la rigueur, le professionnalisme, qui ouvre sur l’emploi. Il faut donc joindre rigueur et adaptabilité, puisque les métiers ont souvent, en contenu technologique, une durée de vie beaucoup plus courte que celle d’une carrière.

L’adaptabilité relève comme la rigueur de deux exigences différentes, l’une intellectuelle, l’autre morale. L’adaptabilité exige intellectuellement qu’au-delà d’un apprentissage ponctuel, on soit capable de tirer des leçons en termes de méthodes, de raisonnement, transposables à un autre domaine. C’est incontestablement une forme de culture, qui nous fait entrer dans l’universel et dépasser ce qui est restreint. Mais l’adaptabilité exige également une capacité à se remettre en cause, à rester toujours prêt à faire l’effort d’apprendre, à ne pas se croire arrivé.

Là encore, on voit que l’école peut préparer à cet adaptabilité en dépassant la transmission d’une connaissance immédiate (oh ! combien nécessaire !) pour ouvrir aux modes de raisonnement universel, à la pensée des autres, bref à la culture. Parallèlement l’école ne pourra pas se passer d’être éducatrice, d’appeler à ne pas se focaliser sur l’immédiat, sur l’examen, le diplôme (qui se périmera), mais à rester humble, ouvert, généreux dans l’effort, disponible.

Esprit d’équipe


De plus en plus, le travail requiert la pluridisciplinarité, l’association d’expertises très diverses, la coopération permanente. L’individualisme, pourtant grandissant dans la société et déjà dans la famille, est de moins en moins concevable et acceptable dans le monde du travail. La qualité dite qualité totale, la recherche de la minimisation des risques, la compréhension des évolutions des goûts et des tendances, tout cela exige le travail en équipe.

Là encore, nous voyons bien que cet esprit d’équipe passe par l’apprentissage de l’expression et par celui de l’écoute, entendez par la une pratique claire de sa propre langue, avant même de parler de langues étrangères. Celui qui ne sait pas clairement s’exprimer, qui est incapable de faire un compte-rendu accessible, de transmettre des consignes sans équivoque, de comprendre ce qu’on lui dit ou ce qu’il doit lire, est aujourd’hui en grand danger dans le monde du travail. Parallèlement, celui qui n’accepte ni règles du jeu ni contraintes, ni ne se «fait» pas à l’autre, qui a "ses têtes", qui exclut ou qui s’exclut, est également en danger.

L’école doit être un lieu où l’on a appris à s’exprimer clairement, sans ambiguïté, à comprendre ce qui est écrit et non pas à réagir émotionnellement sans prendre le temps de réfléchir, à écouter réellement sans commencer à interpréter. Il s’agit bien d’un apprentissage à la fois intellectuel et moral, car la maîtrise de ses passions est nécessaire pour entendre vraiment ce que l’autre veut me communiquer. De même, si le travail personnel est indispensable, l’école doit permettre cette éducation au travail en collaboration. Peut-être que les enseignants doivent en donner l’exemple.

Autonomie

 
Il est exclu de contrôler le travail de chacun en temps réel. De ce fait, pour chacun existe une plage de temps où il travaille en auto-contrôle, où l’imprévu doit déclencher une initiative, une décision. Jamais les consignes ne peuvent tout prévoir et c’est justement tout l’art du bon chef que de déléguer. L’autonomie n’est pas indépendance. Elle ne consiste pas à faire ce que l’on veut mais plutôt ce que l’on doit, comme on veut,… à l’exception de ce qui est interdit.

Il est clair que l’école doit être un lieu d’apprentissage de l’autonomie. Et nous retrouvons les deux connotations habituelles. L’autonomie exige un apprentissage intellectuel : il faut apprendre à analyser un imprévu, à prendre une décision, à faire un compte-rendu de l’événement. Mais l’autonomie est de ce fait une prise de risque, elle conduit à l’acceptation de responsabilités, elle demande donc du courage, vertu morale.

En conclusion, on peut dire que la modernisation du travail a favorisé le renforcement des exigences supportées par les salariés, particulièrement en ce qui concerne rigueur et adaptabilité, esprit d’équipe et autonomie. Ces exigences demandent à la fois apprentissage et éducation morale. L’école, dans le cours normal de la transmission des savoirs, peut contribuer à y préparer la jeunesse qui lui est confiée.

Y.B.

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